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Pendant la cohabitation, le Président de la République joue le rôle d’un contre-pouvoir au sein même de l’exécutif :
Enfin, un an après une précédente dissolution, il peut dissoudre à nouveau la chambre basse pour essayer de récupérer par les urnes la majorité à l’Assemblée nationale et donc mettre fin à la cohabitation[5].
Pendant la cohabitation, le Premier ministre est imposé au Président par la majorité à l’Assemblée nationale issue des élections législatives. Le Premier ministre est donc le chef de cette majorité, qu’il contrôle, au sein de la chambre basse.
L’Assemblée nationale vote donc tous les textes du Premier ministre pendant la cohabitation.
Mais le Parlement français est bicaméral, c’est-à-dire à deux chambres, et l’Assemblée nationale ne décide donc pas de tout toute seule, il faut aussi composer avec le Sénat.
La chambre haute du Parlement peut donc jouer le rôle d’un contre-pouvoir au sein du pouvoir législatif pendant la cohabitation.
Le Sénat peut donc ralentir le vote des lois rejetant les textes et en provoquant des commissions mixtes paritaires (CMP).
Pour la plupart des textes, un Premier ministre de cohabitation ne sera que retardé, et pas bloqué, par un Sénat hostile, car l’Assemblée nationale a le dernier mot dans le vote de la loi[6].
Mais cette voix prépondérante de l’Assemblée nationale ne s’applique pas pour les lois constitutionnelles qui viennent modifier la Constitution[7].
Un Premier ministre de cohabitation ne pourrait donc pas modifier la Constitution en s’appuyant uniquement sur sa majorité à l’Assemblée nationale : le Sénat dispose d’un vrai pouvoir de blocage en la matière.
Enfin, si le Président de la République démissionnait, ce serait le Président du Sénat qui assurerait l’intérim[8], plaçant ici encore la chambre haute en position de contre-pouvoir vis-à-vis d’un Premier ministre de cohabitation.
La justice joue un rôle de contre-pouvoir naturel, même en situation de fait majoritaire. C’est le principe de la séparation des pouvoirs. Mais ce rôle est encore plus poussé pendant la cohabitation.
Compte tenu des mesures polémiques qui pourraient être prises par un Premier ministre RN comme la préférence nationale ou la restriction du droit du sol, dont la constitutionnalité pose question, il est certain que le rôle du Conseil constitutionnel serait central.
Pendant la cohabitation, le Président de la République, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs d’opposition pourraient systématiquement saisir le Conseil constitutionnel de toutes les lois votées par le Parlement[9].
Or une disposition législative déclarée inconstitutionnelle ne peut être ni promulguée ni mise en application[10], ce que le Premier ministre de cohabitation ne peut pas contourner car :
Le rôle du Conseil constitutionnel est donc essentiel pendant la cohabitation.
Enfin, le Conseil d’État pourrait être amené à contrôler la légalité, la constitutionnalité et la conventionnalité de textes réglementaires pris par le Premier ministre et son gouvernement pendant la cohabitation.
Un Premier ministre de cohabitation ne pourrait donc pas s’affranchir de l’État de droit, car ses mesures réglementaires et les lois qu’il pourrait faire voter par le Parlement seraient contrôlées et bloquées par l’autorité judiciaire si elles violaient la légalité, la Constitution ou les traités internationaux.
[1] Article 8 de la Constitution
[2] Article 10 de la Constitution
[3] Article 61 de la Constitution
[4] Article 11 de la Constitution
[5] Article 12 de la Constitution
[6] Article 45 de la Constitution
[7] Article 89 de la Constitution
[8] Article 7 de la Constitution
La loi oblige les fonctionnaires à obéir à leurs supérieurs hiérarchiques (A) sans pouvoir faire valoir une clause de conscience (B).
Non seulement le fonctionnaire doit obéir à ses supérieurs hiérarchiques, mais il ne dispose pas d’une clause de conscience qu’il pourrait faire valoir.
Il est pourtant fréquent qu’un agent public se trouve devant le dilemme de ses convictions personnelles et de ses obligations statutaires.
Mais la clause de conscience politique n’existe pas dans la fonction publique.
La clause de conscience n’existe en matière de fonction publique que de manière exceptionnelle pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG) : « Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (…) Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse »[5].
Un agent public qui ne serait pas d’accord avec la politique d’un gouvernement RN ne pourrait donc pas faire valoir une clause de conscience pour refuser d’appliquer les mesures : il devrait alors démissionner de la fonction publique.
Par exception, la loi confère aux agents publics un droit, et même un devoir, de désobéissance dans certaines circonstances.
Cette exception a été posée par le Conseil d’État sous le régime de Vichy, afin de tirer les leçons de l’Histoire[6].
L’agent public doit ainsi désobéir à son supérieur hiérarchique[7] :
Ces deux conditions cumulatives sont très strictement appréciées par le juge et très rarement retenues.
Ainsi une simple illégalité n’est pas suffisante pour donner le droit au fonctionnaire de désobéir[8] par exemple : il faut aussi que l’ordre compromette gravement un intérêt public.
Un désaccord politique est de la même manière insusceptible de justifier un refus d’obéissance.
Le refus d’obéissance est donc une hypothèse très rare en jurisprudence : un fonctionnaire à qui on ordonne de substituer une fausse pierre à une pierre précieuse placée sous scellé[9], un maire qui demande à un agent municipal d’inscrire au chômage des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour y prétendre[10].
L’hypothèse de l’incendie des « paillotes corses » dans la nuit du 19 au 20 avril 1999 aurait également pu justifier un refus d’obéissance des gendarmes chargés illégalement par le Préfet de les incendier[11].
Ce n’est que dans l’hypothèse où le RN au pouvoir prendrait des mesures manifestement illégales, voire reconnues inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel, que les fonctionnaires pourraient, dans certains cas limités, refuser de les appliquer.
Enfin, le droit de retrait[12] dont dispose chaque agent public en cas de situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé physique ne pourra pas être invoqué par des fonctionnaires pour refuser d’appliquer des mesures prises par un gouvernement RN.
Les agents publics sont tenus d’obéir à leurs supérieurs hiérarchiques sauf ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
La désobéissance d’un fonctionnaire à une consigne légitimement donnée par sa hiérarchie perturbe en effet gravement le fonctionnement du service public.
Un désaccord politique sur les mesures ordonnées ne suffit pas au fonctionnaire pour pouvoir désobéir.
Dans l’hypothèse d’un refus d’obéissance, l’agent s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation.
L’agent peut également librement choisir de démissionner de la fonction publique s’il ne s’estime pas en mesure d’appliquer des mesures gouvernementales.
Les fonctionnaires ne pourraient donc probablement pas refuser en bloc d’appliquer le programme d’un gouvernement RN. Ils disposent toutefois d’un pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre des mesures ordonnées, sans pouvoir se substituer totalement au pouvoir politique.
[1] Article L. 121-10 du Code général de la fonction publique
[2] CE, sect., 30 juin 1950, Quéralt
[3] Article 64 de la Constitution
[4] Article L. 952-2 du code de l’éducation
[5] Article L. 2212-8 du code de la santé publique
[6] CE, 10 novembre 1944, Langneur, n°71856 puis CE, 27 mai 1949, Arasse, n°93122
[7] Article L. 121-10 du Code général de la fonction publique
[9] CE, 3 mai 1961, Pouzeldues, n°48762
[10] CE, 10 novembre 1944, Langneur, n°71856
[11] Cass. Crim., 13 octobre 2003, n°03-81.763, P.
[12] Article 5-6 du Décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique
Après la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, les prochaines élections législatives se dérouleront les dimanches 30 juin et 7 juillet 2024. C’est l’occasion de faire le point sur les possibilités de recours en la matière.
Explications en 10 points :
Qui peut contester ?
Quel juge saisir ?
Dans quel délai peut-on contester les résultats ?
Comment faire son recours ?
Comment le Conseil constitutionnel traite-t-il les recours ?
Le recours peut-il être déclaré irrecevable ?
Quels sont les arguments permettant d'annuler le scrutin ?
Un simple post Facebook peut-il faire annuler un scrutin ?
Quels sont les pouvoirs du Conseil constitutionnel en la matière ?
Existe-t-il des délais de jugement et des possibilités de recours ?
Après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin 2024, toutes les options constitutionnelles semblent sur la table, y compris celle du déclenchement de l’article 16 par le Président de la République qui s’arrogerait les pleins pouvoirs.
Mais de quoi s’agit-il, et est-ce vraiment possible ?
On fait le point avec 10 questions autour de l'article 16 de la Constitution :
1/ Qu’est-ce que l’article 16 de la Constitution ?
2/ Qui peut déclencher l’article 16 de la Constitution ?
3/ Quelles sont les conditions du recours à l’article 16 de la Constitution ?
4/ Que se passe-t-il si le Président de la République déclenche l’article 16 de la Constitution alors que les conditions ne sont pas réunies ?
5/ Combien de temps dure la période des pleins pouvoirs de l’article 16 de la Constitution ?
6/ Quelles sont les conséquences du déclenchement de l’article 16 sur le Parlement ?
7/ L’article 16 de la Constitution a-t-il déjà été déclenché dans l’Histoire française ?
8/ Existe-t-il des limites au pouvoir du Président pendant l’article 16 de la Constitution ?
9/ Existe-t-il un contrôle sur les mesures prises par le Président pendant les pleins pouvoirs ?
10/ Emmanuel Macron pourrait-il déclencher l’article 16 de la Constitution après les législatives 2024 ?
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L’article 16 de la Constitution permet au Président de la République de s’arroger les pleins pouvoirs pour faire face à une situation exceptionnelle.
Le Président dispose alors de tout le pouvoir réglementaire et tout le pouvoir législatif pendant cette période exceptionnelle et peut donc prendre toutes les mesures que l’urgence commande dans les domaines de l’article 37 et 34 de la Constitution.
L’article 16 de la Constitution dispose précisément que :
« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. »
Seul le Président de la République en exercice peut déclencher l’article 16 de la Constitution. Il n’a pas à s’en justifier.
Un Président de la République par intérim (hypothèse de la démission ou de la vacance de la Présidence de la République) pourrait également mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution, mais l’hypothèse serait constitutionnellement très hasardeuse.
Les conditions du recours à l’article 16 de la Constitution sont très strictes.
Le texte pose deux conditions de fond cumulatives. Pour déclencher l’article 16 de la Constitution, il faut que :
Par ailleurs, le Président de la République doit consulter le Premier ministre, les Présidents des Assemblées ainsi que le Conseil constitutionnel avant de mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution.
Toutefois, il décide seul et il s’agit donc d’une simple consultation.
Le Président de la République doit également informer la Nation de la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le Président de la République la Constitution interdit le déclenchement de l’article 16 de la Constitution.
Mais il faut tout de même envisager l’hypothèse où un Président de la République déclencherait tout de même l’article 16 de la Constitution alors que les conditions ne sont pas réunies.
Si le Président de la République déclenche l’article 16 de la Constitution alors que les conditions ne sont pas réunies, sa décision serait inconstitutionnelle.
Mais par un arrêt très connu du 2 mars 1962 « Rubin de Servens », le Conseil d’État a déjà jugé que la décision de mettre en œuvre les pouvoirs exceptionnels de l’article 16 de la Constitution est un acte de gouvernement dont il n’appartient pas au juge d’apprécier la légalité ni de contrôler la durée d’application (CE, 2 mars 1962, Rubin de Servens, n°55049).
Le Conseil d’État refuse donc de contrôler le déclenchement de l’article 16 de la Constitution par le Président de la République.
Dans les faits donc, si un Président de la République déclenchait l’article 16 de la Constitution alors que les conditions n’étaient pas réunies, le Conseil d’État refuserait de censurer cette décision présidentielle.
On peut donc dire que le Président de la République est libre de sa décision de déclencher l’article 16 de la Constitution, sans contrôle du juge.
Le contrôle du juge pourrait toutefois porter ultérieurement sur les actes réglementaires et législatifs pris par le Président de la République pendant l’exercice des pleins pouvoirs de l’article 16 de la Constitution.
La période des pleins pouvoirs de l’article 16 de la Constitution n’est pas limitée dans le temps. Le Président de la République peut donc utiliser les pleins pouvoirs aussi longtemps que nécessaire, c’est-à-dire jusqu’au retour à l’ordre.
Les mesures prises par le Président pendant les pleins pouvoirs doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission.
Après 30 jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions de recours à l’article 16 demeurent réunies. Le contrôle du Conseil constitutionnel est ici facultatif.
Après 60 jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel vérifie de plein droit si les conditions de recours à l’article 16 demeurent réunies. Le contrôle du Conseil constitutionnel est ici obligatoire et automatique.
Au-delà de 60 jours, le Conseil constitutionnel peut se prononcer à tout moment sur les conditions de recours à l’article 16.
Pendant les pleins pouvoirs de l’article 16, il n’y a plus de séparation des pouvoirs, c’est-à-dire que le Président de la République accapare le pouvoir législatif et peut donc prendre seul des mesures qui relèvent de l’article 34 de la Constitution.
Cependant, le Parlement peut se réunir de plein droit et le Président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale pendant cette période exceptionnelle.
L’article 16 de la Constitution n’a été utilisé qu’une seule fois dans l’Histoire française, par le général de Gaulle pour répondre au coup d’État des généraux en Algérie française du 23 avril au 29 septembre 1961.
La Constitution ne peut pas être révisée pendant la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution (article 89 alinéa 4 de la Constitution).
Cette limite a été fixée pour éviter la réitération du précédent du 10 juillet 1940, de triste mémoire.
Le Président de la République ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale ni empêcher le Parlement de se réunir pendant l’exercice des pleins pouvoirs.
Les mesures prises par le Président de la République pendant la période exceptionnelle de l’article 16 de la Constitution doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission.
La Constitution prévoit que le Conseil constitutionnel est « consulté » à leur sujet. Il ne dispose donc pas d’un vrai pouvoir de blocage en urgence des mesures prises par le Président de la République.
Le Conseil d’État refuse de contrôler la décision de déclenchement de l’article 16 de la Constitution par le Président de la République (CE, 2 mars 1962, Rubin de Servens, n°55049).
En revanche, le contrôle du juge pourrait porter ultérieurement sur les actes réglementaires et législatifs pris par le Président de la République pendant l’exercice des pleins pouvoirs de l’article 16 de la Constitution.
Il est peu probable que les strictes conditions prévues par la Constitution soient remplies après les élections législatives anticipées de juin et juillet 2024 pour permettre au Président de la République de déclencher l’article 16 de la Constitution.
Il faudrait en effet que :
Des troubles à l’ordre public ou même des émeutes urbaines sont insuffisants pour permettre au Président de déclencher les pleins pouvoirs, puisqu’il faut une vraie interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.
Même pendant les émeutes urbaines en 2005 et 2023, les attentats en 2015, les gilets jaunes en 2018 et le virus covid-19 en 2020 l'article 16 de la Constitution n'a jamais été déclenché par le Président de la République.
L’hypothèse d’un chaos total ou d’une guerre civile, qui n’est pas souhaitable, permettrait toutefois d’envisager le déclenchement de l’article 16 de la Constitution.
Il faut toutefois rappeler que si le Président de la République déclenchait l’article 16 de la Constitution alors que les conditions n’étaient pas réunies, le Conseil d’État refuserait de censurer cette décision présidentielle et que le Conseil constitutionnel ne se prononcerait pas avant 30 jours.
Après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les Français sont appelés aux urnes le 30 juin et le 7 juillet 2024 et le risque de cohabitation n’est pas exclu. La cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale lors des élections législatives et est obligé de nommer un Premier ministre d’opposition.
Alors comment le Président de la République peut-il continuer à présider le pays pendant la cohabitation ?
Lorsque le Président de la République perd la majorité lors des élections législatives, le choix du Premier ministre s’impose à lui :
Emmanuel Macron pourrait donc être amené à partager le pouvoir exécutif avec Jordan Bardella ou un représentant de gauche.
Si le Président de la République est très sérieusement entravé par la cohabitation, il peut toutefois continuer à présider le pays et n’est donc pas pieds et poings liés :
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En période de cohabitation, le choix du Premier ministre s’impose au Président de la République qui a perdu la majorité à l’Assemblée nationale.
Une fois nommé, le Premier ministre compose son équipe gouvernementale, mais il n’a pas le pouvoir de former son Gouvernement tout seul.
L’article 8 de la Constitution prévoit en effet que c’est le Président de la République qui nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions « sur la proposition du Premier ministre ».
La nomination des membres du Gouvernement est un pouvoir partagé entre le Premier ministre et le Président de la République.
En période de cohabitation, le Président de la République a donc un pouvoir de veto sur la nomination des ministres, notamment sur certains portefeuilles régaliens comme la Défense pour lesquels il peut refuser la proposition du Premier ministre.
Le Président peut s’opposer à l’entrée de certains ministres au Gouvernement en refusant la proposition du Premier ministre de les nommer.
Si Jordan Bardella était Premier ministre, c’est lui qui composerait son Gouvernement. Le Président Emmanuel Macron pourrait toutefois s’opposer à certaines nominations sur des portefeuilles régaliens.
C’est ce qu’avait fait François Mitterrand en 1986 en refusant certaines nominations proposées par son Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac.
En application de l’article 10 de la Constitution, le Président de la République garde toujours seul la compétence pour promulguer les lois dans les 15 jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.
Le Premier ministre n’a pas de compétence constitutionnelle pour promulguer les lois et ne peut donc pas signer les textes législatifs à la place du Président de la République, qui dispose donc d’un véritable droit de veto en la matière.
Car si la loi n’est pas promulguée, c’est-à-dire signée, par le Président de la République, elle ne peut pas entrer en vigueur même si elle a été votée par le Parlement.
Un Président de la République qui souhaiterait s’opposer à une Assemblée nationale où il n’aurait pas la majorité et donc à un Premier ministre de cohabitation pourrait refuser de promulguer les lois.
Ceci ouvrirait une crise institutionnelle…
Emmanuel Macron pourrait donc refuser de promulguer des lois votées par une Assemblée nationale à majorité Rassemblement national ou « Nouveau Front populaire », ce qui ferait obstacle à leur entrée en vigueur.
Le Président de la République détient de la Constitution des pouvoirs propres qu’il exerce seul sans contreseing ministériel. Il dispose également d’un pouvoir réglementaire d’attribution qu’il peut utiliser à sa guise pour prendre des décisions.
Ces pouvoirs permettent au Président de la République de saisir seul le Conseil constitutionnel s’il estime qu’une loi votée par un Parlement où il aurait perdu la majorité viole une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.
Le Président peut également utiliser son droit de message aux assemblées parlementaires (article 18 de la Constitution) et, dans les cas extrêmes, déclencher l’article 16 de la Constitution qui lui confère les pleins pouvoirs. Il faut toutefois que l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux soient menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics soit interrompu (hypothèse d’une guerre).
Le pouvoir réglementaire d’attribution du Président de la République lui permet de signer les textes réglementaires les plus importants, à savoir les décrets délibérés en Conseil des ministres, avec un droit de blocage, et de nommer aux emplois civils et militaires de l’État.
Enfin, même en période de cohabitation, le Président de la République garde seul le droit de déclencher un référendum.
Selon la belle formule du Général de Gaulle, le référendum fait du peuple « le législateur d’un jour ».
Un Président ayant perdu la majorité à l’Assemblée nationale peut donc toujours choisir d’avoir recours au référendum pour faire adopter des lois.
Mais le domaine du référendum est limité par l’article 11 de la Constitution et ne peut porter que sur des projets de loi portant :
Emmanuel Macron pourrait donc faire adopter directement des lois par le peuple en organisant des référendums s’il perdait la majorité à l’Assemblée nationale… mais pas toutes les lois.
À l’inverse, le Premier ministre de cohabitation ne pourrait pas organiser de référendum, car il ne dispose pas de la compétence constitutionnelle pour ce faire.
La décision inédite du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale après les élections européennes a ouvert une période d'incertitude jusqu'au 30 juin 2024, premier tour des élections législatives à venir. De nombreuses questions juridiques et institutionnelles se posent. Voici toutes leurs réponses :
1/ Qu’est-ce que la dissolution ?
2/ La dissolution fait-elle tomber le gouvernement ?
3/ En attendant les législatives, comment sont votées les lois ?
4/ Combien de temps peut-on rester avec une Assemblée nationale vide ?
5/ Comment prend-on les décisions pour le pays sans Assemblée nationale ?
6/ Est-ce que le Sénat est concerné par la dissolution ?
7/ Pour qui vote-t-on aux législatives ?
8/ Les députés représentent-ils leur circonscription à l’Assemblée nationale ?
9/ Comment se déroulent les élections législatives ?
10/ Qu’est-ce qu’une triangulaire ou une quadrangulaire ?
11/ Peut-on être membre du gouvernement et candidat aux législatives ?
12/ Peut-on cumuler un mandat de député européen et de député national ?
13/ Peut-on cumuler un mandat de député européen et de ministre ou Premier ministre ?
14/ Qu’est-ce que la majorité absolue à l’Assemblée nationale ?
15/ Un parti qui a la majorité à l’Assemblée nationale peut-il voter les lois tout seul ?
16/ Le Président de la République peut-il bloquer les lois votées à l’Assemblée ?
17/ Qu’est-ce que la majorité relative à l’Assemblée nationale ?
18/ Le Président de la République peut-il faire voter des lois sans majorité à l’Assemblée nationale ?
19/ Qu’est-ce que la cohabitation ?
20/ Quel est le rôle du Président et du Premier ministre pendant la cohabitation ?
21/ Pendant la cohabitation, le Premier ministre choisit-il librement ses ministres ?
22/ Le Président doit-il démissionner s’il perd les législatives ?
23/ Le Président peut-il démissionner s’il perd les législatives ?
24/ Que se passe-t-il si le Président démissionne ?
25/ Le Président de la République peut-il effectuer 3 mandats ?
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Le droit de dissolution est un pouvoir propre du Président de la République fondé sur l’article 12 de la Constitution. Ceci signifie que le Président est libre de prendre cette décision à tout moment sans avoir à s’en justifier.
La dissolution met fin aux pouvoirs de l’Assemblée nationale dès la publication du décret de dissolution. Le mandat des 577 députés siégeant à l’Assemblée nationale, qui dure normalement 5 ans, s’arrête donc immédiatement de manière anticipée dès la décision présidentielle de dissolution.
La procédure implique seulement de consulter le Premier ministre et les Présidents des Assemblées (Assemblée nationale et Sénat) pour les informer de la décision prise.
La dissolution vide donc l’Assemblée nationale de ses députés jusqu’aux élections législatives et personne ne peut s’y opposer.
Le mandat des députés de la XVIe législature de la Cinquième République s’est donc arrêté le 9 juin 2024 et l’Assemblée nationale est vide depuis lors.
Non, la dissolution n’a aucun effet sur le gouvernement qui reste en place avec à sa tête le Premier ministre. Mais l’examen des textes de loi s’arrête et le gouvernement ne peut donc plus déposer de projets de loi à l’Assemblée nationale. L’examen des textes de loi en cours s’arrête d’ailleurs dès la dissolution.
Le gouvernement reste cantonné au pouvoir réglementaire qu’il détient de l’article 37 de la Constitution et ne peut s’appuyer sur le pouvoir législatif de l’article 34 de la Constitution. Son champ d’intervention est donc limité.
À partir de la dissolution, il n’y a plus de séances de questions au gouvernement possibles à l’Assemblée nationale.
Gabriel Attal reste donc Premier ministre avec son gouvernement au moins jusqu’au 7 juillet, date du second tour des élections législatives.
En attendant les législatives provoquées par la dissolution, aucune loi n’est votée. L’examen de tous les textes de loi en cours, comme la loi sur la fin de vie, s’arrête et ne peut pas reprendre avant les élections.
L’utilisation de l’article 34 de la Constitution, c’est-à-dire le pouvoir législatif, est mise en pause à partir de la dissolution et jusqu’aux élections législatives.
Il n’est donc plus possible par exemple de prendre des décisions dans l’immédiat sur des sujets importants relevant de cet article comme la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions ou encore les impositions de toutes natures.
Aucune loi ne sera donc votée en France avant le 7 juillet 2024.
La Constitution prévoit que de nouvelles élections législatives doivent avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après la dissolution.
Il n’est donc pas possible que le pays reste plus de 40 jours avec une Assemblée nationale vide.
Emmanuel Macron a décidé que le nouveau scrutin législatif se déroulera le 30 juin et le 7 juillet 2024.
Dans l’attente des nouvelles élections législatives, le Président de l’Assemblée et les questeurs assurent les pouvoirs d’administration générale du Bureau jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale.
Sous la Ve République qui est le régime constitutionnel en vigueur depuis 1958, toutes les décisions ne relèvent pas du pouvoir législatif donc de l’Assemblée nationale. Les députés ne décident donc pas de tout en France, bien au contraire.
L’intervention des députés est limitée par l’article 34 de la Constitution, qui liste les domaines pour lesquels une loi est nécessaire. Ce sont les domaines les plus importants, par exemple : les droits civiques, les libertés publiques, la nationalité, les régimes matrimoniaux, les successions, l’imposition, etc.
Mais la loi n’est pas le seul outil permettant de prendre des décisions pour le pays. Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont en effet un caractère réglementaire : c’est l’article 37 de la Constitution qui confère le pouvoir réglementaire de droit commun à l’exécutif national.
Le Premier ministre et le Président de la République peuvent donc prendre des décisions pour la France par décret, par exemple en Conseil des ministres, sans avoir à passer par l’Assemblée nationale.
Il est donc possible de prendre des décisions pour le pays sans passer par la loi, avec une Assemblée nationale vide, en utilisant le pouvoir réglementaire, mais pas pour les domaines les plus importants.
Emmanuel Macron, Gabriel Attal et l’ensemble du gouvernement peuvent continuer à prendre des décisions pour le pays en utilisant leur pouvoir réglementaire, sans toutefois pouvoir faire voter des lois.
Non, la dissolution est un pouvoir que le Président de la République ne détient que sur la chambre basse, c’est-à-dire l’Assemblée nationale. Il n’est donc pas possible de dissoudre le Sénat ou le Parlement dans son ensemble, et encore moins les parlementaires eux-mêmes… La dissolution ne porte que sur l’Assemblée nationale.
Même si le Sénat ne peut pas être dissous, la coutume républicaine veut que la Chambre haute cesse ses travaux après une dissolution de l’Assemblée nationale et avant les législatives. C’est la logique du bicaméralisme rationalisé.
À la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le Sénat a d’ailleurs décidé dès le 10 juin de suspendre ses travaux jusqu’aux législatives. Mais il n’y aura pas de nouvelles élections sénatoriales.
Les sénateurs conservent donc leur siège jusqu’aux prochaines élections sénatoriales qui n’auront pas lieu avant 2026.
Les élections législatives ont pour objet de pourvoir les 577 sièges des députés à l’Assemblée nationale.
Un député est un représentant de la Nation qui participe au pouvoir législatif et au contrôle de l’action du gouvernement.
Les députés votent donc les lois avec les sénateurs : c’est le parlementarisme.
Les députés sont élus au sein de 577 circonscriptions réparties sur tout le territoire national.
Les Français votent donc pour leurs représentants au sein de l’Assemblée nationale lors des élections législatives.
Non, c’est une erreur fréquemment commise.
Chaque député représente toute la Nation dans son ensemble : c’est la souveraineté nationale.
Les députés ne sont donc pas censés représenter leur propre circonscription à l’Assemblée nationale, mais réfléchir et participer à l’intérêt général national.
En pratique, les députés se font pourtant souvent le relais des électeurs de leur propre circonscription à l’Assemblée nationale.
Le nouveau scrutin législatif se déroulera le 30 juin et le 7 juillet 2024.
Les Français inscrits sur les listes électorales sont appelés à voter dans leur bureau de vote habituel, inscrit sur leur carte électorale.
Le mode de scrutin est le scrutin majoritaire uninominal à 2 tours.
Les députés peuvent être élus au premier tour dès le 30 juin s’ils remportent la majorité absolue c’est-à-dire plus de 50% des suffrages et que ses voix représentent plus de 25% des inscrits.
Si aucun candidat n’obtient plus de 50% des suffrages au premier tour dans sa circonscription, un second tour est organisé avec tous les candidats ayant obtenu au moins 12,5% des inscrits au premier tour.
Le député élu au second tour est celui qui obtient la majorité relative, c’est-à-dire plus de voix que les autres.
Si aucun candidat n’obtient plus de 50% des suffrages au premier tour des élections législatives dans sa circonscription, un second tour est organisé avec tous les candidats ayant obtenu au moins 12,5% des inscrits au premier tour.
Au second tour peuvent donc se retrouver trois candidats pour un seul siège : c’est une triangulaire.
Le 7 juillet 2024, il pourra donc y avoir des triangulaires entre le parti Renaissance, le Rassemblement national et le Nouveau Front Populaire suivant les circonscriptions.
Dans l’hypothèse, très rare, où quatre candidats se retrouvent au second tour dans une circonscription pour un seul siège, c’est une quadrangulaire.
Il est possible d’être membre du gouvernement et candidat aux législatives… mais il n’est pas possible de siéger à l’Assemblée nationale en restant membre du gouvernement.
C’est l’article 23 de la Constitution qui pose le principe du non-cumul des mandats entre les fonctions de membre du Gouvernement et de parlementaire : c’est la séparation des pouvoirs.
Un ministre élu aux législatives doit donc choisir de rester ministre du nouveau gouvernement, si le portefeuille lui est proposé, ou de siéger comme député à l’Assemblée nationale. S’il choisit d’entrer au gouvernement, c’est son suppléant qui siégera à sa place à l’Assemblée nationale.
Si le ministre perd ultérieurement son portefeuille à l’occasion d’un remaniement, il pourra retrouver son siège de député à la place de son suppléant.
Tous les ministres du gouvernement Attal peuvent donc être candidats aux élections législatives.
Non.
Un député européen peut être candidat aux élections législatives… mais s’il est élu, il doit abandonner son mandat européen.
Le cumul des mandats de député européen et de parlementaire national est en effet interdit depuis 2014 (article LO 137-1 du code électoral).
Un député européen élu le 9 juin 2024 ne pourra donc pas siéger au sein de l’Assemblée nationale qui sortira des urnes les 30 juin et 7 juillet prochains.
Marion Maréchal, François-Xavier Bellamy, Manon Aubry ou encore Jordan Bardella peuvent donc se présenter aux élections législatives… mais ils devront abandonner leur mandat européen s’ils sont élus les 30 juin et 7 juillet 2024.
Rien n’interdit à un eurodéputé d’être nommé ministre ou Premier ministre.
En revanche, il ne pourra plus concrètement siéger au Parlement européen pendant l’exercice de ses fonctions ministérielles et devra donc quitter le Parlement.
Si Jordan Bardella ou un autre député européen élu le 9 juin 2024 était nommé au gouvernement, il ne siégerait donc pas au Parlement européen.
La majorité absolue à l’Assemblée nationale est la situation dans laquelle un parti ou un groupe politique dispose d’au moins 289 élus à la chambre basse tout seul, c’est-à-dire sans avoir à conclure des accords avec d’autres formations politiques.
Dans ce cas, puisque l’ensemble des députés d’un groupe sont censés voter pareil en suivant la consigne de vote du parti, tous les textes de lois peuvent être adoptés très facilement.
L’exécutif qui dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale peut donc faire adopter ses projets de loi sans le soutien des autres partis ni sans avoir à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
Oui.
Il faut distinguer les projets de loi, dont l’initiative appartient au pouvoir exécutif, et les propositions de loi d’initiative parlementaire.
Un parti qui dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale peut voter des propositions de loi tout seul, sans disposer du soutien du Président ni du gouvernement. En revanche, l’accord du Sénat est nécessaire compte tenu du bicaméralisme.
Si le Rassemblement national ou le « Nouveau Front populaire » obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il disposera de toute latitude pour préparer et faire voter seul des propositions de loi.
En situation de cohabitation, il pourra même préparer et adopter les projets de loi.
Mais le Président de la République pourra bloquer ces lois au stade de la promulgation…
Oui.
En application de l’article 10 de la Constitution, le Président de la République garde toujours seul la compétence pour promulguer les lois dans les 15 jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.
Si la loi n’est pas promulguée, c’est-à-dire signée, par le Président de la République, elle ne peut pas entrer en vigueur.
Un Président de la République qui souhaiterait s’opposer à une Assemblée nationale où il n’aurait pas la majorité pourrait refuser de promulguer les lois.
Ceci ouvrirait une crise institutionnelle…
Emmanuel Macron pourrait donc refuser de promulguer des lois votées par une Assemblée nationale à majorité Rassemblement national ou « Nouveau Front populaire ».
La majorité relative à l’Assemblée nationale est la situation dans laquelle aucun parti ou groupe politique ne dispose d’au moins 289 élus à la chambre basse tout seul.
Dans ce cas, le vote de chaque texte de loi est difficile, car le parti qui dispose de la majorité relative doit conclure des accords texte par texte avec d’autres formations politiques pour faire voter ses lois, qu’il ne peut pas adopter seul.
L’exécutif qui dispose de la majorité relative à l’Assemblée nationale doit donc toujours faire adopter ses projets de loi avec le soutien des autres partis.
En cas de blocage, c’est-à-dire si les autres groupes ne veulent pas voter les textes du parti majoritaire, le Premier ministre engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée par l’opposition.
Mais l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est limité à un seul texte de loi par session, sauf pour les projets de loi de finances ainsi que des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Il n’est donc pas envisageable de compter sur le seul article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter tous les textes de loi en majorité relative.
C’est ce qui a d’ailleurs conduit Emmanuel Macron à choisir de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin 2024.
Oui.
Selon la belle formule du Général de Gaulle, le référendum fait du peuple « le législateur d’un jour ».
Un Président ayant perdu la majorité à l’Assemblée nationale pourrait donc toujours choisir d’avoir recours au référendum pour faire adopter des lois.
Mais le domaine du référendum est limité par l’article 11 de la Constitution et ne peut porter que sur l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent et la ratification d'un traité.
Emmanuel Macron pourrait donc faire adopter directement des lois par le peuple en organisant des référendums s’il perdait la majorité à l’Assemblée nationale… mais pas toutes les lois.
La cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale lors des élections législatives.
Sauf à bloquer le vote de tous les textes législatifs, le Président est alors forcé de nommer le chef du parti majoritaire à l’Assemblée.
Si le Président choisissait malgré tout de nommer un de ses fidèles, il s’exposerait immédiatement à une motion de censure de l’Assemblée nationale et le gouvernement serait renversé.
Dans une situation de cohabitation, c’est-à-dire lorsque le Président de la République perd la majorité lors des élections législatives, le choix du Premier ministre s’impose donc au Président de la République.
Si le Rassemblement national obtient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024, Jordan Bardella sera donc nommé Premier ministre.
Si le Nouveau Front populaire obtient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024, Jean-Luc Mélenchon ou un autre leader de ce groupe politique sera donc nommé Premier ministre.
Juridiquement, le Président de la République conserve pendant la cohabitation les pouvoirs propres qu’il détient sans contreseing en application de l’article 19 de la Constitution. Par exemple le droit de recourir au référendum, le feu nucléaire qu’il détient comme chef des armées, le droit de déclencher l’article 16 ou de dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale un an au moins après une précédente dissolution.
En parallèle, le Premier ministre de cohabitation détermine et conduit la politique de la nation, comme tout Premier ministre en application de l’article 20 de la Constitution.
En pratique, dans la situation exceptionnelle de la cohabitation, le Président de la République se concentre sur ses fonctions régaliennes de représentation de la France à l’international et le Premier ministre assure la présidence de fait des affaires intérieures du pays.
L’article 8 de la Constitution prévoit que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions « sur la proposition du Premier ministre ».
La nomination des membres du gouvernement est donc un pouvoir partagé entre le Premier ministre et le Président de la République, qui ne décide pas seul.
En période de cohabitation, c’est le Premier ministre qui compose son gouvernement et le Président de la République n’a qu’un pouvoir de veto sur certains portefeuilles régaliens, comme la Défense pour lesquels il peut refuser la proposition du Premier ministre.
Si Jordan Bardella était Premier ministre, c’est lui qui composerait son gouvernement. Le Président Emmanuel Macron pourrait toutefois s’opposer à certaines nominations sur des portefeuilles régaliens. C’est ce qu’avait fait François Mitterrand en 1986 en refusant certaines nominations proposées par son Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac.
Non.
Aucune disposition n’oblige le Président de la République à démissionner s’il perd les élections législatives.
Les élections législatives portent sur le pouvoir législatif et le Président de la République est l’une des deux composantes du pouvoir exécutif. Ce sont donc deux pouvoirs bien distincts.
Emmanuel Macron ne sera donc pas contraint de démissionner s’il perd les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024.
Oui.
Le Président de la République a le droit de démissionner.
Le Président de la République décide librement de sa démission, qui peut intervenir à tout moment.
Personne ne peut contraindre le Président de la République à la démission pendant son mandat.
La vacance du pouvoir se caractérise par un empêchement définitif du Président de la République à l’exercice de ses fonctions, comme une démission pendant son mandat.
L’article 7 de notre Constitution fixe alors les règles suivantes :
- C’est le Conseil constitutionnel qui constate la vacance de la Présidence de la République ;
- Le mandat du Président prend immédiatement fin de manière anticipée ;
- Les fonctions du Président sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ;
- Le scrutin pour l'élection du nouveau Président a lieu 20 jours au moins et 50 jours au plus après l'ouverture de la vacance.
La vacance de la Présidence de la République n’a pas de conséquence directe immédiate sur les mandats des députés ou sur les autres institutions.
Historiquement, la situation de vacance de la Présidence de la République s’est présentée deux fois sous la Vème République, à la suite de la démission du Général de Gaulle le 28 avril 1969 et à la suite du décès du Président Georges Pompidou le 2 avril 1974. C’est le Président du Sénat Alain Poher qui, par deux fois, a alors assuré la Présidence de la République par intérim.
Si le Président Macron démissionnait pendant son mandat, c’est le Président du Sénat Gérard Larcher qui assurerait donc l’intérim de la Présidence de la République pendant au moins 20 jours, jusqu’à convocation des électeurs aux urnes.
Oui.
L’article 6 de la Constitution française dispose que : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Alors que la limitation à deux mandats consécutifs avait été envisagée dès la réforme de 2000 sur le quinquennat présidentiel, elle n’a finalement été retenue que dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008.
Le texte est clair : c’est bien une limitation à deux mandats consécutifs qui est retenue.
Un Président de la République ayant déjà effectué deux mandats consécutifs pourrait donc tout à fait se représenter pour un troisième mandat… à condition de laisser temporairement sa place à un successeur pour au moins un mandat.
Emmanuel Macron pourrait donc tout à fait envisager un troisième mandat, sans toutefois pouvoir se représenter immédiatement en 2027.
Sauf si la Constitution venait à être révisée et que la limite était supprimée…
Le Président de la République a annoncé dimanche 9 juin 2024 la dissolution de l’Assemblée nationale.
Le droit de dissolution est un pouvoir propre du Président de la République fondé sur l’article 12 de la Constitution. Ceci signifie que le Président est libre de prendre cette décision à tout moment sans avoir à s’en justifier.
La procédure implique seulement de consulter le Premier ministre et les Présidents des Assemblées (Assemblée nationale et Sénat) pour les informer de la décision prise.
La dissolution met fin aux pouvoirs de l’Assemblée nationale dès la publication du décret de dissolution. Le mandat des 577 députés siégeant à l’Assemblée nationale s’arrête donc de manière anticipée dès la décision présidentielle de dissolution de la chambre basse.
C’est donc un retour immédiat aux urnes pour les représentants de la Nation.
La Constitution prévoit que de nouvelles élections législatives doivent avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après la dissolution.
Emmanuel Macron a décidé que ce nouveau scrutin à deux tours se déroulera le 30 juin et le 7 juillet 2024, soit dans le délai prévu par la Constitution.
Les conséquences politiques de la dissolution sur le vote des Français sont difficiles à anticiper.
Il n’est pas certain que les équilibres politiques issus d’un scrutin européen soient similaires lors d’un scrutin national.
Le Président de la République ne disposait que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale depuis le scrutin législatif de 2022, obligeant le Premier ministre à engager fréquemment sa responsabilité sur le vote des textes.
De nouvelles élections législatives peuvent permettre de renforcer cette majorité, ou à l’inverse de la perdre…
En 1997, la dissolution « ratée » du Président Jacques Chirac lui avait fait perdre la majorité à l’Assemblée nationale et avait installé Lionel Jospin à Matignon, ouvrant une période de « cohabitation ».
La cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale.
Sauf à bloquer le vote de tous les textes législatifs, le Président est alors forcé de nommer le chef du parti majoritaire à l’Assemblée.
Dans cette situation exceptionnelle, le Président de la République se concentre alors sur ses fonctions régaliennes de représentation de la France à l’international et le Premier ministre assure la présidence de fait des affaires intérieures du pays.
Le mandat présidentiel de 5 ans coïncide depuis 2002 avec le mandat des députés, ce qui conduit en pratique le Président élu à disposer systématiquement dans les faits d’une certaine majorité (relative ou absolue).
La dissolution de 2024 va provoquer une rupture dans ce calendrier électoral, puisque les nouveaux députés seront élus en juillet pour un mandat plein de 5 ans jusqu’en 2029. Or la prochaine élection présidentielle se déroulera en 2027.
Le futur Président de la République sera donc probablement amené à dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale lors de son élection. C’est le retour à l’ancien système de la non-coïncidence du mandat présidentiel et du mandat législatif.
Dans l’attente des nouvelles élections législatives, le Président et les questeurs assurent les pouvoirs d’administration générale du Bureau jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle assemblée.
C’est donc une gestion courante et temporaire de l’Assemblée nationale, sans les députés, dans l’attente du renouvellement.
Aucun vote de texte législatif n’est évidemment possible pendant cette période, avec une Assemblée vide.
Le calendrier législatif est donc immédiatement mis en pause et les textes en cours d'examen comme le projet de loi sur la fin de vie ne pourront pas être adoptés dans l'immédiat.
La dissolution ne porte que sur l’Assemblée nationale et les sénateurs ne sont donc pas concernés par cette décision présidentielle.
L’article 12 de la Constitution ne fixe qu’une seule limite au Président : il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit une précédente dissolution.
C’est la traduction juridique de l’adage « dissolution sur dissolution ne vaut » fixé dès 1830 en réaction aux tentatives répétées de dissolution de Charles X.
La sanction la plus lourde, à savoir la censure avec exclusion temporaire, entraîne l’interdiction de prendre part aux travaux de l’Assemblée et de reparaître dans le Palais jusqu’à l’expiration du 15e jour de séance qui suit celui où elle a été prononcée.
Elle comporte la privation de la moitié de l’indemnité parlementaire, pendant un délai qui peut aller jusqu’à six mois dans l’hypothèse de « l’agression contre un ou plusieurs collègues » (Article 77 du règlement de l’AN).
Le député Sébastien Delogu (LFI) qui a brandi mardi 28 mai 2024 un drapeau étranger (palestinien) dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale en pleine séance des questions au gouvernement a fait l’objet de la sanction la plus lourde, à savoir la censure avec exclusion temporaire de 15 jours.
Une telle sanction n’est pas surprenante. Elle est adaptée et proportionnée à la violation du règlement par le député.
Il faut enfin préciser que la sanction aurait été la même si le député avait brandi un drapeau israélien dans l’hémicycle, ou tout autre drapeau étranger.
À la suite de l’embrasement de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement a annoncé mercredi 15 mai 2024 sa décision de couper TikTok sur l’ensemble de l’île.
Vendredi 17 mai 2024, les associations militantes « La Quadrature du Net » et « La ligue des droits de l’Homme » ont déposé un référé liberté contre cette mesure devant le Conseil d’État.
Alors est-ce bien légal ? Le gouvernement peut-il à sa guise « couper TikTok » ?
La #LDH attaque en référé-liberté l'interdiction et le blocage de #TikTok sur le territoire de la #NouvelleCalédonie pour défendre la liberté de communication des idées et des opinions. pic.twitter.com/7c2NVSfcIg
— LDH France (@LDH_Fr) May 17, 2024
L’exercice des libertés publiques ne se conçoit en France que dans le respect de l’ordre public. En cas de trouble à l’ordre public, l’exécutif peut limiter légalement les libertés publiques, pour une durée limitée jusqu’au retour au calme.
L'état d'urgence est entré en vigueur sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie le 15 mai 2024 à 20 heures, heure de Paris.
La déclaration d’état d’urgence emporte application des dispositions exceptionnelles de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, modifiée régulièrement depuis lors.
L’article 11 II de cette loi dispose que « Le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ».
TikTok doit être regardé comme un « service de communication au public en ligne » au sens de la loi sur l’état d’urgence.
Cette application peut donc être coupée par décision du ministre de l’Intérieur s’il est démontré que le service est utilisé par des émeutiers pour provoquer à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.
Compte tenu des évènements récents en Nouvelle-Calédonie, il semble clair que l’application TikTok a servi de support principal aux émeutiers pour provoquer à la commission de violences dirigées contre l’État, les personnes et les biens et en faire l’apologie.
Les exemples en ligne étaient nombreux sur l’application, jusqu’à ce que le signal soit coupé par le ministre de l’Intérieur.
Il est très probable que les associations militantes vont contester la nature de « terrorisme » des actes documentés par l’État lui permettant de justifier la coupure temporaire de l’application sur le « Caillou ».
En défense, l’État devra être en mesure de fournir des exemples précis de messages et vidéos TikTok d’émeutiers provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, ce qui ne devrait pas poser de grandes difficultés.
Dans la mesure où les violences sont dirigées contre la souveraineté de l’État, la qualification de « terrorisme » est en effet encourue, même s’il y aura probablement un débat juridique sur ce point de droit.
Le référé liberté sera audiencé prochainement par le Conseil d’État. Il faut s’attendre à un rejet de ce recours par le juge administratif, qui contrôlera la proportionnalité de la mesure prise par l’État.
La coupure temporaire d’une application de loisir n’est en effet pas une atteinte grave aux libertés publiques, surtout face à des troubles majeurs à l’ordre public ayant déjà fait plusieurs morts. C’est ce que dira probablement le Conseil d’État prochainement dans ce dossier.
La loi sur l’état d’urgence du 3 avril 1955, récemment modifiée par les parlementaires, constitue donc une base légale solide pour couper de manière temporaire l’application TikTok en Nouvelle-Calédonie, jusqu’au retour au calme.
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