Pendant la cohabitation, le Président de la République joue le rôle d’un contre-pouvoir au sein même de l’exécutif :
Enfin, un an après une précédente dissolution, il peut dissoudre à nouveau la chambre basse pour essayer de récupérer par les urnes la majorité à l’Assemblée nationale et donc mettre fin à la cohabitation[5].
Pendant la cohabitation, le Premier ministre est imposé au Président par la majorité à l’Assemblée nationale issue des élections législatives. Le Premier ministre est donc le chef de cette majorité, qu’il contrôle, au sein de la chambre basse.
L’Assemblée nationale vote donc tous les textes du Premier ministre pendant la cohabitation.
Mais le Parlement français est bicaméral, c’est-à-dire à deux chambres, et l’Assemblée nationale ne décide donc pas de tout toute seule, il faut aussi composer avec le Sénat.
La chambre haute du Parlement peut donc jouer le rôle d’un contre-pouvoir au sein du pouvoir législatif pendant la cohabitation.
Le Sénat peut donc ralentir le vote des lois rejetant les textes et en provoquant des commissions mixtes paritaires (CMP).
Pour la plupart des textes, un Premier ministre de cohabitation ne sera que retardé, et pas bloqué, par un Sénat hostile, car l’Assemblée nationale a le dernier mot dans le vote de la loi[6].
Mais cette voix prépondérante de l’Assemblée nationale ne s’applique pas pour les lois constitutionnelles qui viennent modifier la Constitution[7].
Un Premier ministre de cohabitation ne pourrait donc pas modifier la Constitution en s’appuyant uniquement sur sa majorité à l’Assemblée nationale : le Sénat dispose d’un vrai pouvoir de blocage en la matière.
Enfin, si le Président de la République démissionnait, ce serait le Président du Sénat qui assurerait l’intérim[8], plaçant ici encore la chambre haute en position de contre-pouvoir vis-à-vis d’un Premier ministre de cohabitation.
La justice joue un rôle de contre-pouvoir naturel, même en situation de fait majoritaire. C’est le principe de la séparation des pouvoirs. Mais ce rôle est encore plus poussé pendant la cohabitation.
Compte tenu des mesures polémiques qui pourraient être prises par un Premier ministre RN comme la préférence nationale ou la restriction du droit du sol, dont la constitutionnalité pose question, il est certain que le rôle du Conseil constitutionnel serait central.
Pendant la cohabitation, le Président de la République, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs d’opposition pourraient systématiquement saisir le Conseil constitutionnel de toutes les lois votées par le Parlement[9].
Or une disposition législative déclarée inconstitutionnelle ne peut être ni promulguée ni mise en application[10], ce que le Premier ministre de cohabitation ne peut pas contourner car :
Le rôle du Conseil constitutionnel est donc essentiel pendant la cohabitation.
Enfin, le Conseil d’État pourrait être amené à contrôler la légalité, la constitutionnalité et la conventionnalité de textes réglementaires pris par le Premier ministre et son gouvernement pendant la cohabitation.
Un Premier ministre de cohabitation ne pourrait donc pas s’affranchir de l’État de droit, car ses mesures réglementaires et les lois qu’il pourrait faire voter par le Parlement seraient contrôlées et bloquées par l’autorité judiciaire si elles violaient la légalité, la Constitution ou les traités internationaux.
[1] Article 8 de la Constitution
[2] Article 10 de la Constitution
[3] Article 61 de la Constitution
[4] Article 11 de la Constitution
[5] Article 12 de la Constitution
[6] Article 45 de la Constitution
[7] Article 89 de la Constitution
[8] Article 7 de la Constitution
Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon
Ligne directe : 07.80.99.23.28
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