La loi oblige les fonctionnaires à obéir à leurs supérieurs hiérarchiques (A) sans pouvoir faire valoir une clause de conscience (B).
Non seulement le fonctionnaire doit obéir à ses supérieurs hiérarchiques, mais il ne dispose pas d’une clause de conscience qu’il pourrait faire valoir.
Il est pourtant fréquent qu’un agent public se trouve devant le dilemme de ses convictions personnelles et de ses obligations statutaires.
Mais la clause de conscience politique n’existe pas dans la fonction publique.
La clause de conscience n’existe en matière de fonction publique que de manière exceptionnelle pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG) : « Un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (…) Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse »[5].
Un agent public qui ne serait pas d’accord avec la politique d’un gouvernement RN ne pourrait donc pas faire valoir une clause de conscience pour refuser d’appliquer les mesures : il devrait alors démissionner de la fonction publique.
Par exception, la loi confère aux agents publics un droit, et même un devoir, de désobéissance dans certaines circonstances.
Cette exception a été posée par le Conseil d’État sous le régime de Vichy, afin de tirer les leçons de l’Histoire[6].
L’agent public doit ainsi désobéir à son supérieur hiérarchique[7] :
Ces deux conditions cumulatives sont très strictement appréciées par le juge et très rarement retenues.
Ainsi une simple illégalité n’est pas suffisante pour donner le droit au fonctionnaire de désobéir[8] par exemple : il faut aussi que l’ordre compromette gravement un intérêt public.
Un désaccord politique est de la même manière insusceptible de justifier un refus d’obéissance.
Le refus d’obéissance est donc une hypothèse très rare en jurisprudence : un fonctionnaire à qui on ordonne de substituer une fausse pierre à une pierre précieuse placée sous scellé[9], un maire qui demande à un agent municipal d’inscrire au chômage des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour y prétendre[10].
L’hypothèse de l’incendie des « paillotes corses » dans la nuit du 19 au 20 avril 1999 aurait également pu justifier un refus d’obéissance des gendarmes chargés illégalement par le Préfet de les incendier[11].
Ce n’est que dans l’hypothèse où le RN au pouvoir prendrait des mesures manifestement illégales, voire reconnues inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel, que les fonctionnaires pourraient, dans certains cas limités, refuser de les appliquer.
Enfin, le droit de retrait[12] dont dispose chaque agent public en cas de situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé physique ne pourra pas être invoqué par des fonctionnaires pour refuser d’appliquer des mesures prises par un gouvernement RN.
Les agents publics sont tenus d’obéir à leurs supérieurs hiérarchiques sauf ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.
La désobéissance d’un fonctionnaire à une consigne légitimement donnée par sa hiérarchie perturbe en effet gravement le fonctionnement du service public.
Un désaccord politique sur les mesures ordonnées ne suffit pas au fonctionnaire pour pouvoir désobéir.
Dans l’hypothèse d’un refus d’obéissance, l’agent s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation.
L’agent peut également librement choisir de démissionner de la fonction publique s’il ne s’estime pas en mesure d’appliquer des mesures gouvernementales.
Les fonctionnaires ne pourraient donc probablement pas refuser en bloc d’appliquer le programme d’un gouvernement RN. Ils disposent toutefois d’un pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre des mesures ordonnées, sans pouvoir se substituer totalement au pouvoir politique.
[1] Article L. 121-10 du Code général de la fonction publique
[2] CE, sect., 30 juin 1950, Quéralt
[3] Article 64 de la Constitution
[4] Article L. 952-2 du code de l’éducation
[5] Article L. 2212-8 du code de la santé publique
[6] CE, 10 novembre 1944, Langneur, n°71856 puis CE, 27 mai 1949, Arasse, n°93122
[7] Article L. 121-10 du Code général de la fonction publique
[9] CE, 3 mai 1961, Pouzeldues, n°48762
[10] CE, 10 novembre 1944, Langneur, n°71856
[11] Cass. Crim., 13 octobre 2003, n°03-81.763, P.
[12] Article 5-6 du Décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique
Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon
Ligne directe : 07.80.99.23.28
contact@sisyphe-avocats.fr
INTERVENtions PRESSE