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La majorité relative à l’Assemblée nationale est la situation dans laquelle aucun parti ou groupe politique ne dispose d’au moins 289 élus à la chambre basse tout seul.
Dans ce cas, le vote de chaque texte de loi est difficile, car le parti qui dispose de la majorité relative doit conclure des accords texte par texte avec d’autres formations politiques pour faire voter ses lois, qu’il ne peut pas adopter seul.
En cas de blocage, c’est-à-dire si les autres groupes ne veulent pas voter les textes du parti majoritaire, le Premier ministre engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée par l’opposition.
La motion de censure est donc une réponse possible de l’Assemblée nationale à un Premier ministre qui engage sa responsabilité sur un texte de loi.
La motion de censure ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée.
Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du gouvernement (article 50 de la Constitution).
Un Premier ministre ne peut donc pas se maintenir en fonction si une motion de censure est votée par l’Assemblée nationale.
La motion de censure renverse donc le Premier ministre et le gouvernement.
Puisque l’Assemblée nationale a voté une motion de censure le 4 décembre 2024 par 331 voix, le Premier ministre Michel Barnier doit remettre la démission du gouvernement au Président de la République et il ne peut pas lui-même rester Premier ministre.
Le Président de la République doit ensuite nommer un nouveau Premier ministre qui sera chargé de constituer un nouveau gouvernement.
Le Président de la République peut tout à fait nommer à nouveau le même Premier ministre à la suite d’une censure, mais ceci n’aurait pas de sens en pratique, car il serait sans doute probablement censuré à nouveau.
Afin d’éviter un blocage institutionnel, le Président de la République doit tenir compte des équilibres politiques au sein de l’Assemblée nationale, sinon une nouvelle motion de censure sera votée et renversera à nouveau le gouvernement.
La motion de censure est sans effet sur le Président de la République, qui reste en fonction jusqu’à la fin de son mandat.
En pratique, la motion de censure fragilise le Président de la République, car l’Assemblée nationale désavoue le choix de son Premier ministre et du gouvernement, mais elle ne renverse pas le chef de l’État.
La motion de censure est sans effet sur le mandat des députés, qui restent en fonction jusqu’à la fin de leur mandat.
La motion de censure n’entraîne donc pas de dissolution.
Pour rappel, il ne peut pas être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit une dissolution (article 12 de la Constitution). Le Président de la République ayant dissous l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, il ne pourra pas y avoir de nouvelle dissolution avant le 9 juin 2025.
On appelle « gouvernement démissionnaire » le précédent gouvernement, qui se maintient en fonction le temps nécessaire pour qu’un nouveau Premier ministre soit nommé et constitue une nouvelle équipe gouvernementale. La continuité de l’État exige en effet que les fonctions ministérielles soient assurées pendant cet intérim par les précédents titulaires des portefeuilles.
Cette période dure à partir de la date du décret du Président de la République mettant fin aux fonctions du gouvernement et jusqu’à la publication du décret de nomination du nouveau gouvernement.
On tolère simplement que le « gouvernement démissionnaire » expédie les affaires courantes, c’est-à-dire ordinaires et urgentes, mais pas qu’il prenne des décisions très importantes et engageantes pour l’avenir du pays.
C’est le Conseil d’État qui définit au cas par cas ce qui relève des « affaires courantes » d’un « gouvernement démissionnaire » ou pas. Il existe plusieurs jurisprudences circonstanciées en ce sens.
Il existe un flou juridique sur la possibilité pour un « gouvernement démissionnaire » de saisir le Parlement d’un nouveau projet de loi portant sur le budget ou le financement de la sécurité sociale. Cette initiative était possible sous les IIIe et IVe République, mais la situation ne s’est jamais présentée sous la Ve République. Il est donc incertain qu’un « gouvernement démissionnaire » puisse juridiquement préparer et saisir le Parlement d’une nouvelle loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.
En revanche, il est admis que le « gouvernement démissionnaire » dépose un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants (volet recettes) avant le 19 décembre et ouvre par décret des crédits, dans la limite des dépenses déjà votées par le Parlement l’année précédente par le Parlement (volet dépenses) (article 45 de la Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances).
Sur le sujet de l’adoption d’un budget par ordonnance, l’article 47 de la Constitution prévoit certes la possibilité d’adopter les projets de loi de finances par ordonnance, mais à la condition que le Parlement ne se soit pas prononcé dans un délai de 70 jours sur un précédent projet. Mais en l’espèce, l’adoption de la motion de censure contre le gouvernement Barnier, motivée notamment par les dispositions budgétaires, implique que le Parlement se soit prononcé sur le projet de budget « Barnier » … fermant la porte à une adoption du budget par ordonnance.
Non.
Aucune disposition n’oblige le Président de la République à démissionner à la suite de la censure d’un gouvernement.
Emmanuel Macron n’est donc pas contraint de démissionner à la suite de la censure du gouvernement Barnier.
Oui.
Le Président de la République a le droit de démissionner.
Le Président de la République décide librement de sa démission, qui peut intervenir à tout moment.
Personne ne peut contraindre le Président de la République à la démission pendant son mandat.
La démission du Président de la République entraîne une élection présidentielle anticipée.
Les conditions du recours à l’article 16 de la Constitution sont très strictes.
Le texte pose deux conditions de fond cumulatives. Pour déclencher l’article 16 de la Constitution, il faut que :
Par ailleurs, le président de la République doit consulter le Premier ministre, les Présidents des Assemblées ainsi que le Conseil constitutionnel avant de mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution.
Toutefois, il décide seul et il s’agit donc d’une simple consultation.
Le président de la République doit également informer la Nation de la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le président de la République la Constitution interdit le déclenchement de l’article 16 de la Constitution.
La question est donc la suivante : l’absence de vote d’un budget avant le 31 décembre menace-t-elle de manière grave et immédiate les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux et entraîne-t-elle une interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels ?
La réponse à cette question semble plutôt négative et l’hypothèse d’un déclenchement de l’article 16 de la Constitution par le Président de la République pour absence de vote du budget avant la fin de l’année exclue.
Selon la belle formule du Général de Gaulle, le référendum fait du peuple « le législateur d’un jour ».
Un Président ayant perdu la majorité à l’Assemblée nationale peut toujours choisir d’avoir recours au référendum pour faire adopter des lois.
Le domaine du référendum est limité par l’article 11 de la Constitution et ne peut porter que sur l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent et la ratification d'un traité.
Il n’est pas certain que le vote d’une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale entre dans une des catégories prévues par l’article 11 de la Constitution… mais on sait également que le Conseil constitutionnel refuse de contrôler les lois référendaires qui « constituent l'expression directe de la souveraineté nationale » (décisions nos 62-20 DC du 6 novembre 1962 ; 92-313 DC du 23 septembre 1992 et 2014-392 QPC du 25 avril 2014).
Un référendum sur le projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale n’est donc pas totalement exclu.
Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon
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