L’élection présidentielle anticipée

mercredi, 04 décembre 2024 12:11
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La crise institutionnelle que traverse la France en 2024 conduit à envisager la situation d’une élection présidentielle anticipée.

3 hypothèses (1) peuvent conduire à la vacance de la présidence de la République (2) et donc à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée selon des modalités précises (3).

1/ Les 3 hypothèses conduisant à une élection présidentielle anticipée


La démission, la destitution ou l’empêchement définitif du Président de la République entraînent la vacance de la présidence de la République et donc une élection présidentielle anticipée.

  • La démission du Président de la République

Aucune disposition n’oblige le Président de la République à démissionner pendant son mandat, mais il a le droit de le faire.

Le chef de l’État décide librement de sa démission, qui peut intervenir à tout moment sans avoir à s’en justifier.

La démission du Président de la République entraîne la cessation immédiate de ses fonctions et donc la vacance de la présidence de la République.

  • La destitution du Président de la République

La destitution du Président de la République, qui est une hypothèse rare, peut être prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour et présidée par le Président de l’Assemblée nationale.

Pour destituer le président de la République, il faut un vote à la majorité qualifiée des 2/3 des parlementaires. La Haute Cour doit caractériser un « manquement du président de la République à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », ce qui est un point très délicat (article 68 de la Constitution).

Si le Président de la République est destitué par la Haute Cour, il y a vacance de la présidence de la République.

  • L’empêchement définitif du Président de la République

Un empêchement définitif du Président de la République à l’exercice de ses fonctions, à savoir la situation une maladie grave ou, dans la pire des situations, un décès, constitue un autre cas de vacance du pouvoir.

C’est le Conseil constitutionnel, saisi par le Gouvernement, qui constate l’empêchement définitif du Président de la République à l’exercice de ses fonctions.

S’ouvre alors la période de vacance de la présidence de la République.

2/ La période de vacance de la présidence de la République


La vacance du pouvoir se caractérise par un empêchement définitif du président de la République à l’exercice de ses fonctions, une démission ou une destitution pendant son mandat.

L’article 7 de la Constitution fixe alors les règles suivantes :

  • C’est le Conseil constitutionnel qui constate la vacance de la Présidence de la République ;
  • Le mandat du Président prend immédiatement fin de manière anticipée ;
  • Les fonctions du Président sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ;

Si pour quelque raison que ce soit, le Président du Sénat ne peut pas assurer l’intérim, c’est le Gouvernement qui l’assure collégialement.

Le Président par intérim ne peut pas organiser de référendum, dissoudre l’Assemblée nationale ou réviser la Constitution.

La vacance de la Présidence de la République n’a pas de conséquence directe immédiate sur les mandats des députés ou sur les autres institutions.

Historiquement, la situation de vacance de la Présidence de la République s’est présentée deux fois sous la Vᵉ République, à la suite de la démission du Général de Gaulle le 28 avril 1969 et à la suite du décès du Président Georges Pompidou le 2 avril 1974. C’est le Président du Sénat Alain Poher qui, par deux fois, a alors assuré la Présidence de la République par intérim.

Si le Président Macron démissionnait pendant son mandat, c’est le Président du Sénat Gérard Larcher qui assurerait donc l’intérim de la Présidence de la République pendant au moins 20 jours, jusqu’à convocation des électeurs aux urnes pour une élection présidentielle anticipée.

3/ Les modalités d’organisation de l’élection présidentielle anticipée


Le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République doit avoir lieu 20 jours au moins et 35 jours au plus après l’ouverture de la vacance : c’est l’élection présidentielle anticipée (article 7 de la Constitution).

L’élection présidentielle anticipée doit donc être organisée 20 jours au moins après la démission, la destitution ou l’empêchement définitif du Président de la République à l’exercice de ses fonctions, constaté par le Conseil constitutionnel.

Les modalités d’organisation de l’élection présidentielle anticipée sont les mêmes que celles de l’élection présidentielle, à savoir :

  • Une candidature possible de toute personne ayant au moins 18 ans, de nationalité française et ayant recueilli au moins 500 parrainages « signatures » d’élus locaux (principalement) ;
  • Depuis 1962, une élection au suffrage universel direct au scrutin majoritaire uninominal à deux tours (maximum) ;
  • Une élection possible au premier tour si la majorité absolue des suffrages exprimés est acquise à un candidat ;
  • Une proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel et une publication au Journal officiel ;
  • Une élection pour cinq ans (quinquennat) renouvelable une seule fois de manière consécutive.

C’est une erreur fréquemment commise, le Président de la République issu de l’élection présidentielle anticipée n’est pas élu juste pour « finir » le mandat du Président démissionnaire, empêché ou destitué, mais bien pour un nouveau quinquennat plein.

Par ailleurs, le nouveau Président élu lors de l’élection présidentielle anticipée n’a pas le droit de dissoudre l’Assemblée nationale si une précédente dissolution a déjà eu lieu moins d’un an avant (article 12 de la Constitution). Même si c’est un autre Président qui a dissous la chambre basse, le nouveau Président ne peut donc pas dissoudre avant un an minimum.

Reste la question du troisième mandat du Président démissionnaire.

L’article 6 de la Constitution dispose depuis 2008 que : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

Le texte est clair : c’est bien une limitation à deux mandats consécutifs qui est retenue.

Un Président de la République ayant déjà effectué deux mandats consécutifs (complets ou incomplets) pourrait donc tout à fait se représenter pour un troisième mandat… à condition de laisser temporairement sa place à un successeur pour au moins un mandat.

En revanche, il n’est pas autorisé au président de la République de se faire élire une troisième fois consécutive même si l'un de ses deux mandats ou ses deux mandats a pris fin de manière anticipée (Réponse du Premier ministre publiée dans le JO Sénat du 12/01/2023 - page 152 à la Question du sénateur M. Jean Louis Masson (Moselle - NI) publiée dans le JO Sénat du 01/12/2022 - page 6000).

Emmanuel Macron, démissionnaire ou non démissionnaire, pourrait donc envisager un troisième mandat, sans toutefois pouvoir se représenter immédiatement en cas de démission, ou en 2027.


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Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

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