Après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les Français sont appelés aux urnes le 30 juin et le 7 juillet 2024 et le risque de cohabitation n’est pas exclu. La cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale lors des élections législatives et est obligé de nommer un Premier ministre d’opposition.
Alors comment le Président de la République peut-il continuer à présider le pays pendant la cohabitation ?
Lorsque le Président de la République perd la majorité lors des élections législatives, le choix du Premier ministre s’impose à lui :
Emmanuel Macron pourrait donc être amené à partager le pouvoir exécutif avec Jordan Bardella ou un représentant de gauche.
Si le Président de la République est très sérieusement entravé par la cohabitation, il peut toutefois continuer à présider le pays et n’est donc pas pieds et poings liés :
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En période de cohabitation, le choix du Premier ministre s’impose au Président de la République qui a perdu la majorité à l’Assemblée nationale.
Une fois nommé, le Premier ministre compose son équipe gouvernementale, mais il n’a pas le pouvoir de former son Gouvernement tout seul.
L’article 8 de la Constitution prévoit en effet que c’est le Président de la République qui nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions « sur la proposition du Premier ministre ».
La nomination des membres du Gouvernement est un pouvoir partagé entre le Premier ministre et le Président de la République.
En période de cohabitation, le Président de la République a donc un pouvoir de veto sur la nomination des ministres, notamment sur certains portefeuilles régaliens comme la Défense pour lesquels il peut refuser la proposition du Premier ministre.
Le Président peut s’opposer à l’entrée de certains ministres au Gouvernement en refusant la proposition du Premier ministre de les nommer.
Si Jordan Bardella était Premier ministre, c’est lui qui composerait son Gouvernement. Le Président Emmanuel Macron pourrait toutefois s’opposer à certaines nominations sur des portefeuilles régaliens.
C’est ce qu’avait fait François Mitterrand en 1986 en refusant certaines nominations proposées par son Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac.
En application de l’article 10 de la Constitution, le Président de la République garde toujours seul la compétence pour promulguer les lois dans les 15 jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.
Le Premier ministre n’a pas de compétence constitutionnelle pour promulguer les lois et ne peut donc pas signer les textes législatifs à la place du Président de la République, qui dispose donc d’un véritable droit de veto en la matière.
Car si la loi n’est pas promulguée, c’est-à-dire signée, par le Président de la République, elle ne peut pas entrer en vigueur même si elle a été votée par le Parlement.
Un Président de la République qui souhaiterait s’opposer à une Assemblée nationale où il n’aurait pas la majorité et donc à un Premier ministre de cohabitation pourrait refuser de promulguer les lois.
Ceci ouvrirait une crise institutionnelle…
Emmanuel Macron pourrait donc refuser de promulguer des lois votées par une Assemblée nationale à majorité Rassemblement national ou « Nouveau Front populaire », ce qui ferait obstacle à leur entrée en vigueur.
Le Président de la République détient de la Constitution des pouvoirs propres qu’il exerce seul sans contreseing ministériel. Il dispose également d’un pouvoir réglementaire d’attribution qu’il peut utiliser à sa guise pour prendre des décisions.
Ces pouvoirs permettent au Président de la République de saisir seul le Conseil constitutionnel s’il estime qu’une loi votée par un Parlement où il aurait perdu la majorité viole une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.
Le Président peut également utiliser son droit de message aux assemblées parlementaires (article 18 de la Constitution) et, dans les cas extrêmes, déclencher l’article 16 de la Constitution qui lui confère les pleins pouvoirs. Il faut toutefois que l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux soient menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics soit interrompu (hypothèse d’une guerre).
Le pouvoir réglementaire d’attribution du Président de la République lui permet de signer les textes réglementaires les plus importants, à savoir les décrets délibérés en Conseil des ministres, avec un droit de blocage, et de nommer aux emplois civils et militaires de l’État.
Enfin, même en période de cohabitation, le Président de la République garde seul le droit de déclencher un référendum.
Selon la belle formule du Général de Gaulle, le référendum fait du peuple « le législateur d’un jour ».
Un Président ayant perdu la majorité à l’Assemblée nationale peut donc toujours choisir d’avoir recours au référendum pour faire adopter des lois.
Mais le domaine du référendum est limité par l’article 11 de la Constitution et ne peut porter que sur des projets de loi portant :
Emmanuel Macron pourrait donc faire adopter directement des lois par le peuple en organisant des référendums s’il perdait la majorité à l’Assemblée nationale… mais pas toutes les lois.
À l’inverse, le Premier ministre de cohabitation ne pourrait pas organiser de référendum, car il ne dispose pas de la compétence constitutionnelle pour ce faire.
Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon
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