25 questions concrètes après la dissolution et avant les législatives 2024

jeudi, 13 juin 2024 09:15
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La décision inédite du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale après les élections européennes a ouvert une période d'incertitude jusqu'au 30 juin 2024, premier tour des élections législatives à venir. De nombreuses questions juridiques et institutionnelles se posent. Voici toutes leurs réponses :

1/ Qu’est-ce que la dissolution ?
2/ La dissolution fait-elle tomber le gouvernement ?
3/ En attendant les législatives, comment sont votées les lois ?
4/ Combien de temps peut-on rester avec une Assemblée nationale vide ?
5/ Comment prend-on les décisions pour le pays sans Assemblée nationale ?
6/ Est-ce que le Sénat est concerné par la dissolution ?
7/ Pour qui vote-t-on aux législatives ?
8/ Les députés représentent-ils leur circonscription à l’Assemblée nationale ?
9/ Comment se déroulent les élections législatives ?
10/ Qu’est-ce qu’une triangulaire ou une quadrangulaire ?
11/ Peut-on être membre du gouvernement et candidat aux législatives ?
12/ Peut-on cumuler un mandat de député européen et de député national ?
13/ Peut-on cumuler un mandat de député européen et de ministre ou Premier ministre ?
14/ Qu’est-ce que la majorité absolue à l’Assemblée nationale ?
15/ Un parti qui a la majorité à l’Assemblée nationale peut-il voter les lois tout seul ?
16/ Le Président de la République peut-il bloquer les lois votées à l’Assemblée ?
17/ Qu’est-ce que la majorité relative à l’Assemblée nationale ?
18/ Le Président de la République peut-il faire voter des lois sans majorité à l’Assemblée nationale ?
19/ Qu’est-ce que la cohabitation ?
20/ Quel est le rôle du Président et du Premier ministre pendant la cohabitation ?
21/ Pendant la cohabitation, le Premier ministre choisit-il librement ses ministres ?
22/ Le Président doit-il démissionner s’il perd les législatives ?
23/ Le Président peut-il démissionner s’il perd les législatives ?
24/ Que se passe-t-il si le Président démissionne ?
25/ Le Président de la République peut-il effectuer 3 mandats ?

*** 

  • 1/ Qu’est-ce que la dissolution ?


Le droit de dissolution est un pouvoir propre du Président de la République fondé sur l’article 12 de la Constitution. Ceci signifie que le Président est libre de prendre cette décision à tout moment sans avoir à s’en justifier.

La dissolution met fin aux pouvoirs de l’Assemblée nationale dès la publication du décret de dissolution. Le mandat des 577 députés siégeant à l’Assemblée nationale, qui dure normalement 5 ans, s’arrête donc immédiatement de manière anticipée dès la décision présidentielle de dissolution.

La procédure implique seulement de consulter le Premier ministre et les Présidents des Assemblées (Assemblée nationale et Sénat) pour les informer de la décision prise.

La dissolution vide donc l’Assemblée nationale de ses députés jusqu’aux élections législatives et personne ne peut s’y opposer.

Le mandat des députés de la XVIe législature de la Cinquième République s’est donc arrêté le 9 juin 2024 et l’Assemblée nationale est vide depuis lors.

  • 2/ La dissolution fait-elle tomber le gouvernement ?


Non, la dissolution n’a aucun effet sur le gouvernement qui reste en place avec à sa tête le Premier ministre. Mais l’examen des textes de loi s’arrête et le gouvernement ne peut donc plus déposer de projets de loi à l’Assemblée nationale. L’examen des textes de loi en cours s’arrête d’ailleurs dès la dissolution.

Le gouvernement reste cantonné au pouvoir réglementaire qu’il détient de l’article 37 de la Constitution et ne peut s’appuyer sur le pouvoir législatif de l’article 34 de la Constitution. Son champ d’intervention est donc limité.

À partir de la dissolution, il n’y a plus de séances de questions au gouvernement possibles à l’Assemblée nationale.

Gabriel Attal reste donc Premier ministre avec son gouvernement au moins jusqu’au 7 juillet, date du second tour des élections législatives.

  • 3/ En attendant les législatives, comment sont votées les lois ?


En attendant les législatives provoquées par la dissolution, aucune loi n’est votée. L’examen de tous les textes de loi en cours, comme la loi sur la fin de vie, s’arrête et ne peut pas reprendre avant les élections.

L’utilisation de l’article 34 de la Constitution, c’est-à-dire le pouvoir législatif, est mise en pause à partir de la dissolution et jusqu’aux élections législatives.

Il n’est donc plus possible par exemple de prendre des décisions dans l’immédiat sur des sujets importants relevant de cet article comme la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions ou encore les impositions de toutes natures.

Aucune loi ne sera donc votée en France avant le 7 juillet 2024.

  • 4/ Combien de temps peut-on rester avec une Assemblée nationale vide ?


La Constitution prévoit que de nouvelles élections législatives doivent avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après la dissolution.

Il n’est donc pas possible que le pays reste plus de 40 jours avec une Assemblée nationale vide.

Emmanuel Macron a décidé que le nouveau scrutin législatif se déroulera le 30 juin et le 7 juillet 2024.

Dans l’attente des nouvelles élections législatives, le Président de l’Assemblée et les questeurs assurent les pouvoirs d’administration générale du Bureau jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale.

  • 5/ Comment prend-on les décisions pour le pays sans Assemblée nationale ?


Sous la Ve République qui est le régime constitutionnel en vigueur depuis 1958, toutes les décisions ne relèvent pas du pouvoir législatif donc de l’Assemblée nationale. Les députés ne décident donc pas de tout en France, bien au contraire.

L’intervention des députés est limitée par l’article 34 de la Constitution, qui liste les domaines pour lesquels une loi est nécessaire. Ce sont les domaines les plus importants, par exemple : les droits civiques, les libertés publiques, la nationalité, les régimes matrimoniaux, les successions, l’imposition, etc.

Mais la loi n’est pas le seul outil permettant de prendre des décisions pour le pays. Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont en effet un caractère réglementaire : c’est l’article 37 de la Constitution qui confère le pouvoir réglementaire de droit commun à l’exécutif national.

Le Premier ministre et le Président de la République peuvent donc prendre des décisions pour la France par décret, par exemple en Conseil des ministres, sans avoir à passer par l’Assemblée nationale.

Il est donc possible de prendre des décisions pour le pays sans passer par la loi, avec une Assemblée nationale vide, en utilisant le pouvoir réglementaire, mais pas pour les domaines les plus importants.

Emmanuel Macron, Gabriel Attal et l’ensemble du gouvernement peuvent continuer à prendre des décisions pour le pays en utilisant leur pouvoir réglementaire, sans toutefois pouvoir faire voter des lois.

  • 6/ Est-ce que le Sénat est concerné par la dissolution ?


Non, la dissolution est un pouvoir que le Président de la République ne détient que sur la chambre basse, c’est-à-dire l’Assemblée nationale. Il n’est donc pas possible de dissoudre le Sénat ou le Parlement dans son ensemble, et encore moins les parlementaires eux-mêmes… La dissolution ne porte que sur l’Assemblée nationale.

Même si le Sénat ne peut pas être dissous, la coutume républicaine veut que la Chambre haute cesse ses travaux après une dissolution de l’Assemblée nationale et avant les législatives. C’est la logique du bicaméralisme rationalisé.

À la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le Sénat a d’ailleurs décidé dès le 10 juin de suspendre ses travaux jusqu’aux législatives. Mais il n’y aura pas de nouvelles élections sénatoriales.

Les sénateurs conservent donc leur siège jusqu’aux prochaines élections sénatoriales qui n’auront pas lieu avant 2026.

  • 7/ Pour qui vote-t-on aux législatives ?


Les élections législatives ont pour objet de pourvoir les 577 sièges des députés à l’Assemblée nationale.

Un député est un représentant de la Nation qui participe au pouvoir législatif et au contrôle de l’action du gouvernement.

Les députés votent donc les lois avec les sénateurs : c’est le parlementarisme.

Les députés sont élus au sein de 577 circonscriptions réparties sur tout le territoire national.

Les Français votent donc pour leurs représentants au sein de l’Assemblée nationale lors des élections législatives.

  • 8/ Les députés représentent-ils leur circonscription à l’Assemblée nationale ?


Non, c’est une erreur fréquemment commise.

Chaque député représente toute la Nation dans son ensemble : c’est la souveraineté nationale.

Les députés ne sont donc pas censés représenter leur propre circonscription à l’Assemblée nationale, mais réfléchir et participer à l’intérêt général national.

En pratique, les députés se font pourtant souvent le relais des électeurs de leur propre circonscription à l’Assemblée nationale.

  • 9/ Comment se déroulent les élections législatives ?


Le nouveau scrutin législatif se déroulera le 30 juin et le 7 juillet 2024.

Les Français inscrits sur les listes électorales sont appelés à voter dans leur bureau de vote habituel, inscrit sur leur carte électorale.

Le mode de scrutin est le scrutin majoritaire uninominal à 2 tours.

Les députés peuvent être élus au premier tour dès le 30 juin s’ils remportent la majorité absolue c’est-à-dire plus de 50% des suffrages et que ses voix représentent plus de 25% des inscrits.

Si aucun candidat n’obtient plus de 50% des suffrages au premier tour dans sa circonscription, un second tour est organisé avec tous les candidats ayant obtenu au moins 12,5% des inscrits au premier tour.

Le député élu au second tour est celui qui obtient la majorité relative, c’est-à-dire plus de voix que les autres.

  • 10/ Qu’est-ce qu’une triangulaire ou une quadrangulaire ?


Si aucun candidat n’obtient plus de 50% des suffrages au premier tour des élections législatives dans sa circonscription, un second tour est organisé avec tous les candidats ayant obtenu au moins 12,5% des inscrits au premier tour.

Au second tour peuvent donc se retrouver trois candidats pour un seul siège : c’est une triangulaire.

Le 7 juillet 2024, il pourra donc y avoir des triangulaires entre le parti Renaissance, le Rassemblement national et le Nouveau Front Populaire suivant les circonscriptions.

Dans l’hypothèse, très rare, où quatre candidats se retrouvent au second tour dans une circonscription pour un seul siège, c’est une quadrangulaire.

  • 11/ Peut-on être membre du gouvernement et candidat aux législatives ?


Il est possible d’être membre du gouvernement et candidat aux législatives… mais il n’est pas possible de siéger à l’Assemblée nationale en restant membre du gouvernement.

C’est l’article 23 de la Constitution qui pose le principe du non-cumul des mandats entre les fonctions de membre du Gouvernement et de parlementaire : c’est la séparation des pouvoirs.

Un ministre élu aux législatives doit donc choisir de rester ministre du nouveau gouvernement, si le portefeuille lui est proposé, ou de siéger comme député à l’Assemblée nationale. S’il choisit d’entrer au gouvernement, c’est son suppléant qui siégera à sa place à l’Assemblée nationale.

Si le ministre perd ultérieurement son portefeuille à l’occasion d’un remaniement, il pourra retrouver son siège de député à la place de son suppléant.

Tous les ministres du gouvernement Attal peuvent donc être candidats aux élections législatives.

  • 12/ Peut-on cumuler un mandat de député européen et un mandat de député national ?


Non.

Un député européen peut être candidat aux élections législatives… mais s’il est élu, il doit abandonner son mandat européen.

Le cumul des mandats de député européen et de parlementaire national est en effet interdit depuis 2014 (article LO 137-1 du code électoral).

Un député européen élu le 9 juin 2024 ne pourra donc pas siéger au sein de l’Assemblée nationale qui sortira des urnes les 30 juin et 7 juillet prochains.

Marion Maréchal, François-Xavier Bellamy, Manon Aubry ou encore Jordan Bardella peuvent donc se présenter aux élections législatives… mais ils devront abandonner leur mandat européen s’ils sont élus les 30 juin et 7 juillet 2024.

  • 13/ Peut-on cumuler un mandat de député européen et de ministre ou Premier ministre ?


Rien n’interdit à un eurodéputé d’être nommé ministre ou Premier ministre.

En revanche, il ne pourra plus concrètement siéger au Parlement européen pendant l’exercice de ses fonctions ministérielles et devra donc quitter le Parlement.

Si Jordan Bardella ou un autre député européen élu le 9 juin 2024 était nommé au gouvernement, il ne siégerait donc pas au Parlement européen.

  • 14/ Qu’est-ce que la majorité absolue à l’Assemblée nationale ?


La majorité absolue à l’Assemblée nationale est la situation dans laquelle un parti ou un groupe politique dispose d’au moins 289 élus à la chambre basse tout seul, c’est-à-dire sans avoir à conclure des accords avec d’autres formations politiques.

Dans ce cas, puisque l’ensemble des députés d’un groupe sont censés voter pareil en suivant la consigne de vote du parti, tous les textes de lois peuvent être adoptés très facilement.

L’exécutif qui dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale peut donc faire adopter ses projets de loi sans le soutien des autres partis ni sans avoir à engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

  • 15/ Un parti qui a la majorité absolue à l’Assemblée nationale peut-il voter les lois tout seul ?


Oui.

Il faut distinguer les projets de loi, dont l’initiative appartient au pouvoir exécutif, et les propositions de loi d’initiative parlementaire.

Un parti qui dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale peut voter des propositions de loi tout seul, sans disposer du soutien du Président ni du gouvernement. En revanche, l’accord du Sénat est nécessaire compte tenu du bicaméralisme.

Si le Rassemblement national ou le « Nouveau Front populaire » obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il disposera de toute latitude pour préparer et faire voter seul des propositions de loi.

En situation de cohabitation, il pourra même préparer et adopter les projets de loi.

Mais le Président de la République pourra bloquer ces lois au stade de la promulgation…

  • 16/ Le Président de la République peut-il bloquer les lois votées à l’Assemblée nationale ?


Oui.

En application de l’article 10 de la Constitution, le Président de la République garde toujours seul la compétence pour promulguer les lois dans les 15 jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.

Si la loi n’est pas promulguée, c’est-à-dire signée, par le Président de la République, elle ne peut pas entrer en vigueur.

Un Président de la République qui souhaiterait s’opposer à une Assemblée nationale où il n’aurait pas la majorité pourrait refuser de promulguer les lois.

Ceci ouvrirait une crise institutionnelle…

Emmanuel Macron pourrait donc refuser de promulguer des lois votées par une Assemblée nationale à majorité Rassemblement national ou « Nouveau Front populaire ».

  • 17/ Qu’est-ce que la majorité relative à l’Assemblée nationale ?


La majorité relative à l’Assemblée nationale est la situation dans laquelle aucun parti ou groupe politique ne dispose d’au moins 289 élus à la chambre basse tout seul.

Dans ce cas, le vote de chaque texte de loi est difficile, car le parti qui dispose de la majorité relative doit conclure des accords texte par texte avec d’autres formations politiques pour faire voter ses lois, qu’il ne peut pas adopter seul.

L’exécutif qui dispose de la majorité relative à l’Assemblée nationale doit donc toujours faire adopter ses projets de loi avec le soutien des autres partis.

En cas de blocage, c’est-à-dire si les autres groupes ne veulent pas voter les textes du parti majoritaire, le Premier ministre engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée par l’opposition.

Mais l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est limité à un seul texte de loi par session, sauf pour les projets de loi de finances ainsi que des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Il n’est donc pas envisageable de compter sur le seul article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter tous les textes de loi en majorité relative.

C’est ce qui a d’ailleurs conduit Emmanuel Macron à choisir de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin 2024.

  • 18/ Le Président de la République peut-il faire voter des lois sans majorité à l’Assemblée nationale ?


Oui.

Selon la belle formule du Général de Gaulle, le référendum fait du peuple « le législateur d’un jour ».

Un Président ayant perdu la majorité à l’Assemblée nationale pourrait donc toujours choisir d’avoir recours au référendum pour faire adopter des lois.

Mais le domaine du référendum est limité par l’article 11 de la Constitution et ne peut porter que sur l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent et la ratification d'un traité.

Emmanuel Macron pourrait donc faire adopter directement des lois par le peuple en organisant des référendums s’il perdait la majorité à l’Assemblée nationale… mais pas toutes les lois.

  • 19/ Qu’est-ce que la cohabitation ?


La cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale lors des élections législatives.

Sauf à bloquer le vote de tous les textes législatifs, le Président est alors forcé de nommer le chef du parti majoritaire à l’Assemblée.

Si le Président choisissait malgré tout de nommer un de ses fidèles, il s’exposerait immédiatement à une motion de censure de l’Assemblée nationale et le gouvernement serait renversé.

Dans une situation de cohabitation, c’est-à-dire lorsque le Président de la République perd la majorité lors des élections législatives, le choix du Premier ministre s’impose donc au Président de la République.

Si le Rassemblement national obtient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024, Jordan Bardella sera donc nommé Premier ministre.

Si le Nouveau Front populaire obtient la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet 2024, Jean-Luc Mélenchon ou un autre leader de ce groupe politique sera donc nommé Premier ministre.

  • 20/ Quel est le rôle du Président et du Premier ministre pendant la cohabitation ?


Juridiquement, le Président de la République conserve pendant la cohabitation les pouvoirs propres qu’il détient sans contreseing en application de l’article 19 de la Constitution. Par exemple le droit de recourir au référendum, le feu nucléaire qu’il détient comme chef des armées, le droit de déclencher l’article 16 ou de dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale un an au moins après une précédente dissolution.

En parallèle, le Premier ministre de cohabitation détermine et conduit la politique de la nation, comme tout Premier ministre en application de l’article 20 de la Constitution.

En pratique, dans la situation exceptionnelle de la cohabitation, le Président de la République se concentre sur ses fonctions régaliennes de représentation de la France à l’international et le Premier ministre assure la présidence de fait des affaires intérieures du pays.

  • 21/ Pendant la cohabitation, le Premier ministre choisit-il librement ses ministres ?


L’article 8 de la Constitution prévoit que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions « sur la proposition du Premier ministre ».

La nomination des membres du gouvernement est donc un pouvoir partagé entre le Premier ministre et le Président de la République, qui ne décide pas seul.

En période de cohabitation, c’est le Premier ministre qui compose son gouvernement et le Président de la République n’a qu’un pouvoir de veto sur certains portefeuilles régaliens, comme la Défense pour lesquels il peut refuser la proposition du Premier ministre.

Si Jordan Bardella était Premier ministre, c’est lui qui composerait son gouvernement. Le Président Emmanuel Macron pourrait toutefois s’opposer à certaines nominations sur des portefeuilles régaliens. C’est ce qu’avait fait François Mitterrand en 1986 en refusant certaines nominations proposées par son Premier ministre de cohabitation Jacques Chirac.

  • 22/ Le Président doit-il démissionner s’il perd les législatives ?


Non.

Aucune disposition n’oblige le Président de la République à démissionner s’il perd les élections législatives.

Les élections législatives portent sur le pouvoir législatif et le Président de la République est l’une des deux composantes du pouvoir exécutif. Ce sont donc deux pouvoirs bien distincts.

Emmanuel Macron ne sera donc pas contraint de démissionner s’il perd les élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024.

  • 23/ Le Président peut-il démissionner s’il perd les législatives ?


Oui.

Le Président de la République a le droit de démissionner.

Le Président de la République décide librement de sa démission, qui peut intervenir à tout moment.

Personne ne peut contraindre le Président de la République à la démission pendant son mandat.

  • 24/ Que se passe-t-il si le Président démissionne ?


La vacance du pouvoir se caractérise par un empêchement définitif du Président de la République à l’exercice de ses fonctions, comme une démission pendant son mandat.

L’article 7 de notre Constitution fixe alors les règles suivantes :

- C’est le Conseil constitutionnel qui constate la vacance de la Présidence de la République ;
- Le mandat du Président prend immédiatement fin de manière anticipée ;
- Les fonctions du Président sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ;
- Le scrutin pour l'élection du nouveau Président a lieu 20 jours au moins et 50 jours au plus après l'ouverture de la vacance.


La vacance de la Présidence de la République n’a pas de conséquence directe immédiate sur les mandats des députés ou sur les autres institutions.

Historiquement, la situation de vacance de la Présidence de la République s’est présentée deux fois sous la Vème République, à la suite de la démission du Général de Gaulle le 28 avril 1969 et à la suite du décès du Président Georges Pompidou le 2 avril 1974. C’est le Président du Sénat Alain Poher qui, par deux fois, a alors assuré la Présidence de la République par intérim.

Si le Président Macron démissionnait pendant son mandat, c’est le Président du Sénat Gérard Larcher qui assurerait donc l’intérim de la Présidence de la République pendant au moins 20 jours, jusqu’à convocation des électeurs aux urnes.

  • 25/ Le Président de la République peut-il effectuer 3 mandats ?


Oui.

L’article 6 de la Constitution française dispose que : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

Alors que la limitation à deux mandats consécutifs avait été envisagée dès la réforme de 2000 sur le quinquennat présidentiel, elle n’a finalement été retenue que dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008.

Le texte est clair : c’est bien une limitation à deux mandats consécutifs qui est retenue.

Un Président de la République ayant déjà effectué deux mandats consécutifs pourrait donc tout à fait se représenter pour un troisième mandat… à condition de laisser temporairement sa place à un successeur pour au moins un mandat.

Emmanuel Macron pourrait donc tout à fait envisager un troisième mandat, sans toutefois pouvoir se représenter immédiatement en 2027.

Sauf si la Constitution venait à être révisée et que la limite était supprimée…
 

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Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

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