Avocat Droit Public
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La légalité d’une autorisation du burkini dans les piscines municipales qu’envisage la Ville de Grenoble est incertaine compte tenu des règles de salubrité publique applicables. Elle l’est moins sur le fondement de la laïcité, en l’absence de loi ou de décision du Conseil d’État en ce sens. Le Président Wauquiez ne pourrait pas couper toutes les subventions à la Ville de Grenoble pour ce seul motif. En revanche, la Charte régionale de la laïcité pourrait lui permettre de motiver un retrait du subventionnement aux piscines grenobloises.
Ce sont deux visions antagonistes de la laïcité et des droits des femmes qui s’affrontent.
Lundi 16 mai 2022, le conseil municipal de la Ville de Grenoble délibérera pour autoriser le port du « burkini » dans les piscines municipales sur demande du maire Éric Piolle qui en a fait un marqueur politique.
Mais le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a déjà prévenu : si le « burkini » était autorisé à Grenoble, alors toutes les subventions allouées à la Ville par la Région seront immédiatement coupées.
M.Piolle projette d’autoriser le burkini dans les piscines municipales.
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) May 2, 2022
Je mets le maire en garde : dans ce cas, la Région coupera toute subvention à la ville de Grenoble. Pas un centime des Auvergnats-Rhônalpins ne financera votre soumission à l’islamisme. https://t.co/zrSQaC7OC1
Mais cet arrêt des subventions régionales à cause du burkini serait-il bien légal ?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord réfléchir à la légalité d’une décision autorisant le burkini dans les piscines municipales (1) avant celle de la sanction de retrait des subventions régionales pour ce motif (2).
1) Le maire peut-il autoriser le burkini dans les piscines municipales ?
Le maire, appuyé par son conseil et les services de police municipale est investi des pouvoirs de police sur le territoire de sa commune.
À ce titre, l'élu local est donc bien compétent pour édicter le règlement intérieur des piscines municipales de sa commune, c’est-à-dire de décider des règles applicables afin d’en assurer le bon fonctionnement et la bonne gestion, à l’aune des principes de bon ordre, de sûreté, de sécurité et de salubrité publiques (Article L2212-2 CGCT).
Le respect des règles d’hygiène justifie généralement l’interdiction de la baignade habillée dans le règlement intérieur des piscines publiques françaises.
Tel que le rappellent à la fois le Code du sport (L322-2) et le Code de la santé publique (L1332-1), les établissements où sont pratiquées une ou des activités physiques ou sportives doivent en effet présenter pour chaque type d'activité et d'établissement des garanties d'hygiène et de sécurité définies par voie réglementaire.
Le burkini est donc généralement interdit dans les piscines municipales françaises au nom du principe de salubrité publique dont le maire doit assurer le respect, au même titre que le short de bain pour les garçons. C’est une situation très différente de celle que l’on peut rencontrer à la plage par exemple, car les piscines sont des bassins clos.
Mais le maire de Grenoble semble bien décidé à s’affranchir de ces règles de salubrité publique pour autoriser le burkini dans ses piscines, car il en a fait un marqueur de sa politique.
Cette décision serait contestable au titre des règles de salubrité publique susvisées.
Elle le serait moins au titre de la laïcité.
En effet, le principe de neutralité des services publics ne s’applique pas à ses usagers, comme les baigneurs (sauf cas particulier de l’école publique), et le principe constitutionnel de laïcité ne peut pas constituer à ce jour le fondement d’une interdiction de port de signe religieux dans l’espace public (hors cas particulier du voile intégral).
En jurisprudence, le Conseil d’État a toujours refusé à ce jour de valider des arrêtés municipaux « anti-burkini » au nom de la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle (CE, 26 août 2016, n°402742) sauf dans le cas très particulier où le port de ce vêtement religieux avait provoqué des rixes entre usagers sur la plage publique (exemple de Sisco en Corse, où l’arrêté « anti-burkini » avait été validé au nom de l’ordre public – CE, 14 février 2018, n°413982).
La décision de la Ville de Grenoble d’autoriser le port du burkini dans ses piscines municipales serait donc contestable sur deux fondements :
- Les règles de salubrité publique ;
- Et les règles liées à l’ordre public, à la stricte condition que des incidents entre usagers interviennent au sein des piscines municipales à Grenoble pour ce motif.
En revanche, les règles de la laïcité ne semblent pas faire obstacle à ce jour au port du burkini dans les piscines municipales.
La légalité d’une décision municipale autorisant le burkini à Grenoble est donc incertaine à ce jour et des recours seront certainement déposés qui permettront à la juridiction administrative de trancher le point.
2) Le retrait de toutes les subventions régionales à cause du burkini serait-il légal ?
Comme tout acte administratif, une décision venant retirer un subventionnement doit être motivée en fait et en droit. Si le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez voulait retirer toutes les subventions à la Ville de Grenoble, comme il l’a déjà indiqué, il devrait alors justifier sa décision.
Il est évident que le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ne pourrait pas couper « toutes » les subventions à la Ville de Grenoble au seul motif qu’elle autoriserait le burkini dans ses piscines municipales. Une telle décision serait trop générale et trop absolue, il n’y aurait ainsi pas lieu de couper toutes les subventions allouées à l’eau, aux cantines, aux écoles… pour un litige limité au niveau des piscines municipales.
En revanche, un retrait des subventions allouées à la Ville de Grenoble au titre des piscines serait plus envisageable. Tel que nous l’avons vu, il n’y a pas de certitude juridique à ce jour sur la légalité d’une autorisation du port du burkini au sein des piscines municipales, ne serait-ce qu’au titre des règles de salubrité publique. Si Laurent Wauquiez considère que la décision de Grenoble viole les règles élémentaires de salubrité publique, alors il pourrait justifier en droit un arrêt des subventions pour ces établissements.
Le point sur la laïcité est plus délicat. Tel qu’il a également été vu, les règles de la laïcité ne semblent pas faire obstacle à ce jour au port du burkini dans les piscines municipales. Un retrait de subvention pour le motif de la laïcité serait donc difficile à soutenir.
Il n’en demeure pas moins qu’un subventionnement n’est jamais inconditionné, et que le bénéficiaire doit toujours respecter les conditions posées par l’autorité qui le subventionne. Or la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est dotée le 17 mars 2022 d’une Charte de la laïcité à laquelle ses subventionnements font désormais référence. Laurent Wauquiez pourrait donc essayer de fonder en droit sa décision de retirer les subventions à la Ville de Grenoble pour violation de cette Charte.
Compte tenu des positions antagonistes en présence, il est certain qu’un contentieux sera engagé par l’une ou l’autre des parties. Ce sera l’occasion pour le juge administratif de trancher le point important de la compatibilité avec l’espace public d’un vêtement religieux qui n’est pas anodin.
En tant que propriétaire visé par une expropriation, vous disposez de droits que vous pouvez faire valoir pendant toute la procédure. Des recours sont possibles, car l’expropriation n’est pas totalement à la discrétion de la collectivité, qui doit remplir des conditions précises pour y recourir.
La propriété privée est protégée par les dispositions du Code Civil[1], mais également de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen[2].
Néanmoins, ces mêmes textes introduisent une limite, en autorisant les personnes publiques (comme une Commune, une Communauté de Communes, etc.) à mettre en œuvre la procédure d’expropriation dans un but d’utilité publique, afin de contraindre un propriétaire à leur céder son immeuble moyennant une juste et préalable indemnité.
Dans le cadre de l’expropriation, la personne publique peut donc récupérer votre terrain ou votre immeuble sans votre consentement.
Des recours existent cependant pour s’opposer à cette dépossession brutale.
La procédure d’expropriation est possible juridiquement à trois conditions :
Le juge administratif veille au respect de ces trois conditions dans le cadre d’un contrôle dit « du bilan coûts/avantages »[5] de l’opération.
Il faut donc s’assurer que ces conditions sont remplies pour s’opposer à une expropriation :
Dans l’hypothèse où la collectivité ferait le choix d’initier une procédure d’expropriation pour devenir propriétaire de votre parcelle nécessaire à la réalisation de son projet, deux phases devront être respectées : une phase administrative (1) et une phase judiciaire (2). En tant que propriétaire, vous disposez de droits pendant toute cette procédure (3).
La phase administrative suppose une enquête publique et une enquête parcellaire.
L’enquête publique tend à démontrer l’utilité publique du projet, à savoir sa finalité d’intérêt général permettant de justifier le recours à la procédure d’expropriation, et à recueillir l’avis de l’ensemble des personnes intéressées par le projet.
Dans le cadre de l’enquête publique, il est possible de prendre connaissance du dossier complet d’expropriation, donc du projet porté par la collectivité et de formuler des observations pour le contester.
L’enquête publique aboutit sur le prononcé d’une déclaration d’utilité publique (DUP), par arrêté préfectoral[7] qui doit être affiché en mairie.
Cet acte administratif peut être attaqué.
L’enquête parcellaire a pour objet de permettre aux propriétaires concernés de vérifier l’exactitude des informations dont dispose l’expropriant quant à la liste des parcelles à exproprier et aux bénéficiaires de l’indemnisation. Elle aboutit sur le prononcé d’un arrêté préfectoral de cessibilité[8].
Cet acte administratif peut également être attaqué.
Ces enquêtes durent au minimum 15 jours chacune. Toutefois, l’enquête publique et l’enquête parcellaire peuvent se dérouler en même temps, avec le même commissaire-enquêteur.
Le Préfet, seul habilité à déclencher la procédure d’enquête publique et d’enquête parcellaire, se voit transmettre un dossier d’enquête publique complet[9] ainsi qu’un dossier d’enquête parcellaire complet[10].
L’enquête publique et l’enquête parcellaire sont alors ouvertes par arrêté préfectoral, et conduites par un commissaire-enquêteur désigné par le Tribunal administratif. Des formalités de publicité doivent être respectées.
Au terme de la procédure de consultation, le Préfet prononcera l’utilité publique du projet dans le cadre d’une DUP, et la cessibilité des parcelles dans le cadre d’un arrêté de cessibilité. Si l’enquête publique et l’enquête parcellaire ont été menées ensemble, la DUP pourra toutefois tenir lieu d’arrêté de cessibilité[11].
Ces actes administratifs (arrêté préfectoral portant DUP et arrêté préfectoral de cessibilité) pourront être attaqués au contentieux devant le Tribunal administratif de ressort. Votre qualité de propriétaire concerné par le projet porté par la personne publique vous confère intérêt à agir contre ces actes devant le Tribunal.
Les arguments déjà évoqués pourront être soulevés dans ce cadre devant le juge :
La phase administrative est suivie d’une phase judiciaire.
Si la DUP est validée, c’est-à-dire si l’utilité publique de l’opération est reconnue, une seconde phase s’ouvrira après la phase administrative.
Cette phase dite judiciaire aura pour objet d’opérer concrètement le transfert de propriété de votre bien à la personne publique qui porte le projet.
Des possibilités de recours sont ouvertes. Dans ce cadre, l’avocat est obligatoire depuis une réforme de 2020 [13].
Ce transfert de propriété s’opérera :
L’expropriation des immeubles sera prononcée par le juge judiciaire dans un délai maximum de 15 jours après saisine : cette ordonnance aura pour effet de transférer la propriété des biens à la collectivité.
Ici encore, des possibilités de recours sont existantes tout le long de la procédure judiciaire et contre l’ordonnance rendue par le juge judiciaire, susceptible de recours en cassation.
La personne publique ne pourra entrer en possession effective du tènement qu’à l’issue de cette procédure judiciaire et à compter du paiement de l’indemnité d’expropriation qu’elle vous versera.
En tant que propriétaire d’un bien objet d’une expropriation, vous pouvez prétendre à une « juste indemnité »[15], couvrant l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation[16].
Une offre indemnitaire devra vous être adressé par la collectivité dès notification de l’ordonnance d’expropriation (ou avant) par courrier postal recommandé (LRAR).
L’estimation de la valeur du bien exproprié est effectuée par le service des Domaines de l’État. La valeur retenue est souvent malheureusement inférieure à la vraie valeur vénale du bien.
Dans l’hypothèse d’un accord, un traité d’adhésion sera signé, et la personne publique pourra vous verser l’indemnité.
En cas de désaccord, l’indemnité sera fixée par le juge de l’expropriation.
L’estimation des Domaines peut être contestée devant le juge avec une contre-expertise de la valeur vénale du bien.
Enfin, vous disposez toujours de la possibilité, jusqu’au jugement fixant l’indemnité, de proposer une cession amiable de votre bien[17].
Ce qu’il faut retenir :
La procédure d’expropriation comprend une phase administrative puis une phase judiciaire.
À chaque phase, des possibilités de recours sont existantes, d’abord devant le Tribunal administratif (contre l’arrêté préfectoral portant DUP et l’arrêté préfectoral de cessibilité), puis devant le Tribunal judiciaire.
Les arguments principaux pour s’opposer à l’expropriation seront les suivants :
Si l’expropriation de votre parcelle va au bout, la personne publique devra vous verser une juste et préalable indemnité.
L’estimation de la valeur du bien exproprié est effectuée par le service des Domaines de l’État. La valeur retenue est souvent malheureusement inférieure à la vraie valeur vénale du bien.
L’estimation des Domaines peut être contestée devant le juge avec une contre-expertise de la valeur vénale du bien.
[1] Article 545 du Code Civil : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité »
[2] Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité »
[3] Article 545 du Code Civil, Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Conseil Constitutionnel, 25 juillet 1989, n°89-256 DC
[4] CE, 29 juin 1979, Malardel, n° 05536, CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Époux Hartmann-Six, n° 91558 et n° 91559
[5] CE, 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est, n°78825
[6] CE, 29 juin 1979, Malardel, n° 05536, CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Époux Hartmann-Six, n° 91558 et n° 91559
[7] Article R.11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[8] Article R132-1 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[9] Article R112-4 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[10] Article R131-3 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[11] Article R131-14 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[12] CE, 29 juin 1979, Malardel, n° 05536, CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Époux Hartmann-Six, n° 91558 et n° 91559
[13] Article R311-9 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[14] Article R221-1 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[15] Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et Article 545 du Code Civil
[16] Article L321-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
[17] Article L222-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
Alors que le Président de la République Emmanuel Macron vient d'être réélu dimanche 24 avril 2022 pour un deuxième mandat, la question est déjà posée par certains : la Constitution française autorise-t-elle le Président à effectuer un troisième mandat ?
Oui.
L’article 6 de la Constitution française dispose que :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
Alors que la limitation à deux mandats consécutifs avait été envisagée dès la réforme de 2000 sur le quinquennat présidentiel, elle n’a finalement été retenue que dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008.
Le texte est clair : c’est bien une limitation à deux mandats consécutifs qui est retenue.
Un Président de la République ayant déjà effectué deux mandats consécutifs pourrait donc tout à fait se représenter pour un troisième mandat… à condition de laisser temporairement sa place à un successeur pour au moins un mandat.
Emmanuel Macron pourrait donc tout à fait envisager un troisième mandat, sans toutefois pouvoir se représenter immédiatement en 2027.
Sauf si la Constitution venait à être révisée pendant le quinquennat présidentiel qui s’ouvre et que la limite était supprimée…
Historiquement, la limitation de la possibilité pour le Président de se représenter rappelle la Constitution de la IIe République de 1848, dont l’article 45 disposait :
« Le président de la République est élu pour quatre ans, et n'est rééligible qu'après un intervalle de quatre années. »
C’est cette limite constitutionnelle qui avait justifié le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, pour se maintenir au pouvoir.
Gageons toutefois que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets.
Mais peut-on librement insulter ainsi le vainqueur de l'élection présidentielle ???? FLASH I Réaction virulente de soutiens de Marine #LePen après les résultats de l’élection présidentielle, à Hénin-Beaumont : « Fils de p*te ! Saloperie ! Ordure ! 5 ans de m*rde encore ! ».
— Cerfia (@CerfiaFR) April 24, 2022
(@YouennMartin) #presidentielles2022
pic.twitter.com/HG5yCbDR3o
Mais cette liberté n’est pas infinie, comme le montrent les deux limites fixées par ces articles de valeur constitutionnelle : l’ordre public établi par la loi, et l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Historiquement, un délit d’offense au chef de l’État avait été créé par l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Puni de 45 000 euros d’amende, mais tombé en désuétude sous la Vème République, ce délit a été abrogé par la loi du 5 août 2013 suite à un arrêt célèbre de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnant la France (affaire dite de l’affichette « Casse-toi pov' con »).
Mais l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État n’est pas pour autant un blanc-seing donné pour insulter librement le Président élu depuis lors.
Les insultes anti-Macron entrent en effet parfaitement dans la qualification pénale de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique défini à l’article 433-5 du code pénal :
« Constituent un outrage puni de 7 500 euros d'amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. Lorsqu'il est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique, l'outrage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
En outre, comme le relevait le Professeur Olivier Beaud auteur d’un livre remarqué sur la question (L'Express), le chef de l’État élu est protégé de l’injure et de la diffamation publique comme tout citoyen ordinaire (articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Autant de qualifications pénales pouvant être mobilisées pour sanctionner les contrevenants.
D’origine législative, ces articles du code pénal et de la loi sur la liberté de la presse doivent être regardés comme des limites légitimes et indispensables à la liberté constitutionnelle d’expression, posées par la loi.
Bien évidemment, les sanctions posées par le code pénal et la loi sur la liberté de la presse constituent des plafonds rarement appliqués par les tribunaux, et destinés à être modulés en fonction du passé pénal ou des motivations des individus interpellés.
Dans le cas de l’affaire « Casse-toi pov' con », le militant socialiste qui avait brandi une affichette insultant le Président Sarkozy à Laval avait par exemple été condamné à seulement 30 euros d’amende avec sursis (Le Figaro).
Récemment le 28 mars 2022, la « gilet jaune » qui avait hurlé, dans un état second, « Macron démission, Macron décapitation ! » a été condamnée à 3 mois de prison avec sursis (Franceinfo).
Les militantes filmées insultant copieusement Emmanuel Macron à l’annonce des résultats du second tour de l’élection présidentielle française à Hénin-Beaumont pourraient donc être inquiétées juridiquement, si elles étaient identifiées et si le Procureur de la République décidait d'ouvrir une enquête à leur égard.
Alors non, il n’est pas possible juridiquement d’insulter impunément le Président de la République, même dans le cadre d'une soirée électorale, qu’on soit ou non d’accord avec la politique menée. Se garder toujours de l'écueil relevé par Paul Valéry "Qui ne peut attaquer le raisonnement attaque le raisonneur".
Abstentionniste.
— Jean Lassalle (@jeanlassalle) April 24, 2022
Les explications ➡️ https://t.co/QoLouRgpa9 pic.twitter.com/T24jx6vl4s
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