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Le Président de la République a annoncé dimanche 9 juin 2024 la dissolution de l’Assemblée nationale.
Le droit de dissolution est un pouvoir propre du Président de la République fondé sur l’article 12 de la Constitution. Ceci signifie que le Président est libre de prendre cette décision à tout moment sans avoir à s’en justifier.
La procédure implique seulement de consulter le Premier ministre et les Présidents des Assemblées (Assemblée nationale et Sénat) pour les informer de la décision prise.
La dissolution met fin aux pouvoirs de l’Assemblée nationale dès la publication du décret de dissolution. Le mandat des 577 députés siégeant à l’Assemblée nationale s’arrête donc de manière anticipée dès la décision présidentielle de dissolution de la chambre basse.
C’est donc un retour immédiat aux urnes pour les représentants de la Nation.
La Constitution prévoit que de nouvelles élections législatives doivent avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après la dissolution.
Emmanuel Macron a décidé que ce nouveau scrutin à deux tours se déroulera le 30 juin et le 7 juillet 2024, soit dans le délai prévu par la Constitution.
Les conséquences politiques de la dissolution sur le vote des Français sont difficiles à anticiper.
Il n’est pas certain que les équilibres politiques issus d’un scrutin européen soient similaires lors d’un scrutin national.
Le Président de la République ne disposait que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale depuis le scrutin législatif de 2022, obligeant le Premier ministre à engager fréquemment sa responsabilité sur le vote des textes.
De nouvelles élections législatives peuvent permettre de renforcer cette majorité, ou à l’inverse de la perdre…
En 1997, la dissolution « ratée » du Président Jacques Chirac lui avait fait perdre la majorité à l’Assemblée nationale et avait installé Lionel Jospin à Matignon, ouvrant une période de « cohabitation ».
La cohabitation est la situation dans laquelle le Président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale.
Sauf à bloquer le vote de tous les textes législatifs, le Président est alors forcé de nommer le chef du parti majoritaire à l’Assemblée.
Dans cette situation exceptionnelle, le Président de la République se concentre alors sur ses fonctions régaliennes de représentation de la France à l’international et le Premier ministre assure la présidence de fait des affaires intérieures du pays.
Le mandat présidentiel de 5 ans coïncide depuis 2002 avec le mandat des députés, ce qui conduit en pratique le Président élu à disposer systématiquement dans les faits d’une certaine majorité (relative ou absolue).
La dissolution de 2024 va provoquer une rupture dans ce calendrier électoral, puisque les nouveaux députés seront élus en juillet pour un mandat plein de 5 ans jusqu’en 2029. Or la prochaine élection présidentielle se déroulera en 2027.
Le futur Président de la République sera donc probablement amené à dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale lors de son élection. C’est le retour à l’ancien système de la non-coïncidence du mandat présidentiel et du mandat législatif.
Dans l’attente des nouvelles élections législatives, le Président et les questeurs assurent les pouvoirs d’administration générale du Bureau jusqu’à l’entrée en fonction de la nouvelle assemblée.
C’est donc une gestion courante et temporaire de l’Assemblée nationale, sans les députés, dans l’attente du renouvellement.
Aucun vote de texte législatif n’est évidemment possible pendant cette période, avec une Assemblée vide.
Le calendrier législatif est donc immédiatement mis en pause et les textes en cours d'examen comme le projet de loi sur la fin de vie ne pourront pas être adoptés dans l'immédiat.
La dissolution ne porte que sur l’Assemblée nationale et les sénateurs ne sont donc pas concernés par cette décision présidentielle.
L’article 12 de la Constitution ne fixe qu’une seule limite au Président : il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit une précédente dissolution.
C’est la traduction juridique de l’adage « dissolution sur dissolution ne vaut » fixé dès 1830 en réaction aux tentatives répétées de dissolution de Charles X.
La sanction la plus lourde, à savoir la censure avec exclusion temporaire, entraîne l’interdiction de prendre part aux travaux de l’Assemblée et de reparaître dans le Palais jusqu’à l’expiration du 15e jour de séance qui suit celui où elle a été prononcée.
Elle comporte la privation de la moitié de l’indemnité parlementaire, pendant un délai qui peut aller jusqu’à six mois dans l’hypothèse de « l’agression contre un ou plusieurs collègues » (Article 77 du règlement de l’AN).
Le député Sébastien Delogu (LFI) qui a brandi mardi 28 mai 2024 un drapeau étranger (palestinien) dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale en pleine séance des questions au gouvernement a fait l’objet de la sanction la plus lourde, à savoir la censure avec exclusion temporaire de 15 jours.
Une telle sanction n’est pas surprenante. Elle est adaptée et proportionnée à la violation du règlement par le député.
Il faut enfin préciser que la sanction aurait été la même si le député avait brandi un drapeau israélien dans l’hémicycle, ou tout autre drapeau étranger.
À la suite de l’embrasement de la Nouvelle-Calédonie, le gouvernement a annoncé mercredi 15 mai 2024 sa décision de couper TikTok sur l’ensemble de l’île.
Vendredi 17 mai 2024, les associations militantes « La Quadrature du Net » et « La ligue des droits de l’Homme » ont déposé un référé liberté contre cette mesure devant le Conseil d’État.
Alors est-ce bien légal ? Le gouvernement peut-il à sa guise « couper TikTok » ?
La #LDH attaque en référé-liberté l'interdiction et le blocage de #TikTok sur le territoire de la #NouvelleCalédonie pour défendre la liberté de communication des idées et des opinions. pic.twitter.com/7c2NVSfcIg
— LDH France (@LDH_Fr) May 17, 2024
L’exercice des libertés publiques ne se conçoit en France que dans le respect de l’ordre public. En cas de trouble à l’ordre public, l’exécutif peut limiter légalement les libertés publiques, pour une durée limitée jusqu’au retour au calme.
L'état d'urgence est entré en vigueur sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie le 15 mai 2024 à 20 heures, heure de Paris.
La déclaration d’état d’urgence emporte application des dispositions exceptionnelles de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, modifiée régulièrement depuis lors.
L’article 11 II de cette loi dispose que « Le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ».
TikTok doit être regardé comme un « service de communication au public en ligne » au sens de la loi sur l’état d’urgence.
Cette application peut donc être coupée par décision du ministre de l’Intérieur s’il est démontré que le service est utilisé par des émeutiers pour provoquer à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.
Compte tenu des évènements récents en Nouvelle-Calédonie, il semble clair que l’application TikTok a servi de support principal aux émeutiers pour provoquer à la commission de violences dirigées contre l’État, les personnes et les biens et en faire l’apologie.
Les exemples en ligne étaient nombreux sur l’application, jusqu’à ce que le signal soit coupé par le ministre de l’Intérieur.
Il est très probable que les associations militantes vont contester la nature de « terrorisme » des actes documentés par l’État lui permettant de justifier la coupure temporaire de l’application sur le « Caillou ».
En défense, l’État devra être en mesure de fournir des exemples précis de messages et vidéos TikTok d’émeutiers provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie, ce qui ne devrait pas poser de grandes difficultés.
Dans la mesure où les violences sont dirigées contre la souveraineté de l’État, la qualification de « terrorisme » est en effet encourue, même s’il y aura probablement un débat juridique sur ce point de droit.
Le référé liberté sera audiencé prochainement par le Conseil d’État. Il faut s’attendre à un rejet de ce recours par le juge administratif, qui contrôlera la proportionnalité de la mesure prise par l’État.
La coupure temporaire d’une application de loisir n’est en effet pas une atteinte grave aux libertés publiques, surtout face à des troubles majeurs à l’ordre public ayant déjà fait plusieurs morts. C’est ce que dira probablement le Conseil d’État prochainement dans ce dossier.
La loi sur l’état d’urgence du 3 avril 1955, récemment modifiée par les parlementaires, constitue donc une base légale solide pour couper de manière temporaire l’application TikTok en Nouvelle-Calédonie, jusqu’au retour au calme.
Pour le recours en ligne, le dépôt est toujours possible jusqu’au dernier jour du délai de deux mois.
Mais pour l’envoi du recours par voie postale, la justice administrative retenait jusqu’à présent la date de réception par la juridiction, c’est-à-dire le tampon du greffe, pour calculer si le délai de recours était respecté par le justiciable.
Il fallait donc prendre garde à ce que le courrier contenant le recours soit bien arrivé au tribunal au plus tard au jour de l’expiration du délai de deux mois, en anticipant donc sa date de dépôt à la poste de quelques jours…
Le Conseil d’État a décidé le 13 mai 2024 de changer cette règle importante en retenant pour toute la justice administrative la nouvelle règle du « cachet de la poste faisant foi ».
Lorsqu’il est saisi d’un recours par voie postale, le juge administratif devra donc désormais regarder le cachet de la poste, c’est-à-dire la date de dépôt du courrier postal à la poste pour calculer si le requérant a bien respecté le délai de recours de deux mois.
Il est donc désormais possible de déposer son recours à la poste le dernier jour de l’expiration du délai de recours, avant la levée postale.
Peu importe donc désormais la date de réception du recours au greffe de la justice administrative : c’est le cachet de la poste qui fait foi.
Cette nouvelle règle importante posée par le Conseil d’État le 13 mai 2024 irrigue immédiatement toute la justice administrative et s’applique donc à compter de cette date à tous les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et, bien entendu, au Conseil d’État lui-même.
Il faut donc retenir que le justiciable peut désormais poster son recours contentieux au plus tard le dernier jour du délai de recours, avant la levée postale.
Quand elle ne défile pas dans les rues de Paris, l'extrême droite se planque dans les distributions alimentaires.
— Emmanuel Grégoire (@egregoire) May 15, 2024
Et dénature ainsi cet admirable geste de solidarité par un racisme sans équivoque.
Avec @leafiloche, nous avons saisi @prefpolice @NunezLaurent.
Évidemment. https://t.co/MIo1nJjkkm
[2] CE, avis, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité, n°223645 ; CE, 3 novembre 1997, Société Million et Marais, n°169907
[3] Article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales
[4] CE, 19 mai 1933, Benjamin, n°17413, n°17520
[5] CE, 10 août 1917, Baldy, n°59855
[6] CE, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, n°136727
[7] CE, 9 janvier 2014, Ministre de l'intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala, n° 374508
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