Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

Ligne directe : 07.80.99.23.28

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C’est la nouvelle polémique. Le lundi 14 septembre, toutes les lycéennes de France étaient appelées par des collectifs féministes à s’habiller de manière « indécente » pour aller à l’école, appel véhiculé sous les hashtags #Balancetonbahut et #lundi14septembre pour « lutter contre le sexisme » (France bleu).

Hier, c’est le Ministre de l’Éducation nationale lui-même qui lançait en réponse un appel à la pudeur, suggérant le port par les élèves d’une « tenue républicaine » (Ouest-France). De manière étrange, c’est la tenue « crop top », emblème démodé des années 90 qui a été au cœur des débats (Madame Figaro).

C’est la question de la tenue appropriée pour la vie scolaire qui se pose, et sa réglementation par les établissements. Alors comment doit-on s’habiller pour aller à l’école ? Et surtout, un établissement peut-il encadrer la tenue vestimentaire des élèves ?

Jadis, l’obligation de l’uniforme partout et pour tous permettait d’éviter les écueils rencontrés aujourd’hui par les établissements scolaires. Mais cette obligation n’a plus cours de nos jours en France, du moins dans l’enseignement public, et les élèves sont donc libres de s’habiller comme ils le souhaitent.

Libres ? Pas tout à fait...

En effet, la loi fixe d’abord certaines limites, la plus connue étant la loi du 15 mars 2004 qui encadre, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. C’est en application de ce texte que le voile islamique est par exemple interdit dans tous les établissements scolaires français (mais pas à l’université).

Mais, outre le cas particulier des tenues religieuses, la loi est silencieuse sur les tenues vestimentaires « appropriées » pour les élèves. C’est là qu’intervient le règlement intérieur. Chaque établissement doit en effet se doter d’un règlement intérieur qui fixe l'ensemble des règles de vie, de civilité et de comportement dans l'établissement (article R421-5 du code de l’éducation).

Le texte est préparé par la direction du collège ou du lycée et voté par le conseil d’administration. Dans ce cadre, les instances de l’établissement disposent d’une certaine latitude pour fixer et adapter les règles en fonction des circonstances particulières, c’est-à-dire juridiquement d’un « pouvoir d’appréciation », sous le contrôle du rectorat.

C’est par l’intermédiaire du règlement intérieur que les établissements peuvent ainsi réglementer, dans une certaine mesure, les tenues ou comportements des élèves. On peut penser par exemple à l’obligation de nouer ses cheveux, ou de porter une tenue adaptée dans les cours de physique-chimie avec utilisation du bec bunsen, ce qui se comprend parfaitement.

En définitive, les obligations et limitations posées par le règlement intérieur doivent être adaptées à la configuration scolaire : on acceptera le maillot de bain pendant les heures de natation à l’EPS, mais pas dans la salle de classe.

Mais pas d’excès ni de caricature ! Les exemples cocasses sont multiples, comme cette collégienne visée dans l’Isère par une procédure disciplinaire pour un débardeur trop « provocant » (Franceinfo) ou l’interdiction par un lycée des Yvelines du port du jogging dans l’enceinte de l’établissement (Le Point).

La liberté reste toutefois toujours la règle, et l’interdiction l’exception. On peut donc conclure qu’un établissement peut tout à fait imposer aux élèves une tenue appropriée et adaptée à la vie scolaire dans le cadre de son règlement intérieur, sans toutefois pouvoir aller spécifiquement jusqu’à l’interdiction de telle ou telle tenue comme le « crop top ».

Un règlement intérieur qui poserait une telle interdiction serait excessif et pourrait toujours être contesté devant le rectorat ou le juge administratif (on sait depuis la décision CE, 2 novembre 1992, « Kherouaa » que les règlements des établissements scolaires ne sont plus des mesures d’ordre intérieur, mais des décisions exécutoires faisant grief, pouvant dès lors être déférées à la censure du juge de l’excès de pouvoir).

Ou commencer par apprendre aux élèves que "l'apparence est le vêtement de la personnalité" (Galienni).

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Le Conseil constitutionnel a censuré, ce jeudi 18 juin 2020, la quasi-totalité de la loi « Avia » contre les contenus haineux sur Internet (décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020). Après une telle censure, le véhicule législatif est vidé de toute substance : il ne reste rien de la loi « Avia », et c’est tant mieux.

La décision du Conseil constitutionnel, très claire et très pédagogique n’a pas surpris les juristes. En quelque sorte, le juge constitutionnel a rappelé que la fin ne justifiait pas tous les moyens.

Le Conseil constitutionnel a tout d’abord réaffirmé solennellement le principe de libre communication des pensées et des opinions (A. 11 DDHC) : à l’ère numérique, ce droit implique la liberté de chacun d'accéder aux réseaux sociaux et de pouvoir s'y exprimer librement.

Le Conseil constitutionnel rappelle toutefois que la liberté d'expression n’est pas absolue, les citoyens devant répondre de tout abus de cette liberté dans les conditions déterminées par la loi (A. 11 DDHC).

Sur cette base, le juge constitutionnel a affirmé que le législateur était légitime à intervenir pour faire cesser les abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers (A. 34 de la Constitution). Le Conseil constitutionnel a donc reconnu la légitimité de la loi « Avia » dans sa finalité... mais a sanctionné les modalités excessives qu’elle prévoyait pour y parvenir.

Le juge constitutionnel a en effet considéré que les atteintes portées à l'exercice de la liberté d'expression et de communication par la loi « Avia » n’étaient ni nécessaires ni adaptées ni proportionnées à l'objectif poursuivi de lutte contre les abus :

  • En laissant à des opérateurs privés de plateforme en ligne la responsabilité de juger du caractère haineux ou sexuel d’un contenu sur simple dénonciation (et non au juge) et de les retirer ou de rendre inaccessibles dans un délai de 24H seulement sous peine de sanction pénale, la loi est excessive ;
  • En conférant à la seule administration (et non au juge) l’appréciation du caractère terroriste ou pédopornographique d'un contenu, la loi est excessive ;
  • Le délai d'une heure seulement laissé par la loi à l'éditeur ou l'hébergeur du site pour retirer ou rendre inaccessible le contenu visé est trop court, car il ne lui permet pas d'obtenir une décision du juge avant d'être contraint de le retirer ;
  • Les sanctions prévues pour les éditeurs et hébergeurs de sites sont excessives (un an d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende).

Le Conseil constitutionnel a donc particulièrement insisté sur l’absence du juge dans les mécanismes de contrôle prévus par la loi « Avia », à laquelle il reproche donc la privatisation du contrôle de la liberté d’expression. Pour le Conseil constitutionnel, le pouvoir judiciaire doit donc conserver le monopole du contrôle de cette liberté, qui ne peut pas être délégué à des opérateurs privés comme les gestionnaires de réseaux sociaux.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel constate le caractère impraticable de la loi « Avia », avec des délais trop courts et des sanctions déraisonnables dès le premier manquement. Ces mécanismes excessifs ne peuvent en effet que conduire à un excès de prudence des opérateurs de plateforme en ligne à retirer tous les contenus qui leur seraient signalés, qu'ils soient ou non manifestement illicites selon le juge constitutionnel : la loi « Avia » portait en son sein un risque d’atteintes généralisées à la liberté d’expression.

Cette décision doit nous amener à réfléchir sur la place du juge constitutionnel dans le processus législatif, dans le respect de la séparation des pouvoirs. Combien d’heures et de jours perdus par le législateur pour une loi finalement balayée par le juge constitutionnel ? La loi « Avia » devra nous servir collectivement de contre-exemple. Une réflexion sur la saisine pour avis du Conseil constitutionnel en amont du travail parlementaire sur les lois ordinaires pourrait être très utile.

mercredi, 19 juin 2024 13:17

Le Président peut-il démissionner ?

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Après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin 2024, toutes les options constitutionnelles semblent sur la table, y compris celle d’une démission du Président de la République en cours de mandat. Mais est-ce vraiment possible ?

Mes étudiants de première année de Licence de droit écrivent souvent dans leurs copies « Le Président a le pouvoir de se dissoudre », ce que je corrige immédiatement en leur indiquant que c’est inexact : le Président a le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale ou de démissionner lui-même ce qui, chacun en conviendra, est différent de la première hypothèse envisagée.

Rien ne s’oppose dans les textes à une démission du Président de la République. Le Président est donc libre de démissionner à tout moment en cours de mandat, sans avoir à s’en justifier.

Cette hypothèse appelée juridiquement « vacance de la Présidence de la République » est prévue par l’article 7 de notre Constitution avec les règles suivantes :

  • C’est le Conseil constitutionnel qui constate la vacance de la Présidence de la République ;
  • Le mandat du Président prend immédiatement fin de manière anticipée ;
  • Les fonctions du Président sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ;
  • Le scrutin pour l’élection du nouveau Président a lieu 20 jours au moins et 35 jours au plus après l’ouverture de la vacance.


Si le Président Emmanuel Macron venait à démissionner au cours de son second mandat, par exemple après les élections législatives anticipées ou en cas de majorité introuvable à l’Assemblée nationale et de crise politique, c’est le Conseil constitutionnel qui constaterait la vacance de la Présidence de la République.

Le second mandat du Président Macron s’achèverait donc instantanément de manière anticipée et les fonctions de Président de la République seraient temporairement exercées par le Président du Sénat Gérard Larcher.

Le scrutin pour l’élection du nouveau Président aurait alors lieu 20 jours au moins et 50 jours au plus après l’ouverture de la vacance.

D’autres conséquences peuvent être relevées : 

  • La démission d’un Président de la République n’a pas de conséquence directe sur les mandats des députés, qui restent donc en place. Cette démission ne fait donc pas tomber l’Assemblée nationale ;
  • Si rien n’interdit à un Président démissionnaire de se présenter à nouveau aux suffrages des électeurs pour la présidence, la question est un peu plus complexe pour Emmanuel Macron. En effet l’article 6 de la Constitution pose depuis 2008 une limitation à deux mandats consécutifs pour le Président de la République, qui ne peut donc pas effectuer trois mandats d’affilée. Mais s’agit-il de deux mandats complets ? Autrement formulé, si le Président n’effectue pas son second mandat en entier et démissionne, peut-il briguer un troisième mandat ? La Constitution ne dit rien en la matière et devrait donc être interprétée par le Conseil constitutionnel si l’hypothèse se présentait. Dans le silence du texte, la plupart des constitutionnalistes s’accordent toutefois à dire qu’un Président démissionnaire de son second mandat ne pourrait pas immédiatement se présenter pour un troisième mandat compte tenu de l’article 6 de la Constitution ;
  • Le Président de la République par intérim n’a pas le droit de dissolution. Gérard Larcher ne pourrait donc pas dissoudre l’Assemblée nationale en tant que Président par intérim. D’autant que l’Assemblée nationale ne peut pas être dissoute dans l’année qui suit une précédente dissolution, ce qui constitue un second blocage en la matière ; 
  • Le Président de la République par intérim n’a pas le droit d’organiser de référendum ;
  • Toute révision constitutionnelle est impossible pendant la vacance de la Présidence de la République.


Historiquement, la démission d’un Président de la République ne s’est présentée une seule fois avec la célèbre démission du Général de Gaulle le 28 avril 1969 à la suite du référendum perdu sur la régionalisation et l’élection subséquente de Georges Pompidou. Le Président du Sénat Alain Poher avait alors assumé les fonctions de Président de la République par intérim pendant 1 mois et 23 jours :


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Le Conseil constitutionnel prend acte de la démission du Général de Gaulle

Le Président Macron aime jouer avec le feu en disant souvent qu’il « prend son risque ». Attention toutefois au retour de flamme. La démission d’un Président de la République provoque en effet toujours une crise politique majeure.

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De manière très surprenante, le Tribunal administratif de Paris a écarté en référé une demande de suspension de la neutralisation des notes inférieures à 10/20 décidée par l’université Paris-1 au motif de l’épidémie de covid-19. Mais l’affaire reviendra prochainement devant le juge administratif qui a été immédiatement saisi par le recteur de la région académique d’Île-de-France, suspendant également lui-même l’exécution de la mesure polémique.

Alors peut-on décider de la neutralisation automatique de toutes les notes inférieures à 10/20 à l’université ?

Par deux délibérations du 16 avril 2020 et du 5 mai 2020, la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) du conseil académique de l’université Paris I, Panthéon-Sorbonne, a adopté les conditions dans lesquelles seront évaluées les connaissances des étudiants de l’université, sur le fondement de l’article L. 712-6-1 du code de l’éducation.

En pratique, la commission a ainsi permis à l’université de neutraliser les notes des étudiants inférieures à 10/20 au motif de l’épidémie de covid-19 qui n’aurait pas permis de poursuivre les enseignements ni de faire passer les examens dans des conditions satisfaisantes.

Par une requête en référé enregistrée le 7 mai 2020, un certain nombre d’enseignants-chercheurs à l’université Paris 1 ont saisi le Tribunal administratif de Paris, lui demandant de suspendre en urgence l’exécution des délibérations de la CFVU du 16 avril 2020 et du 5 mai 2020, et d’enjoindre à l’université d’adopter sous huitaine de nouvelles règles relatives aux examens et à l'évaluation des enseignements.

La procédure de référé-suspension permet en effet au juge administratif de se prononcer rapidement et d’ordonner la suspension d’une décision administrative à condition qu’il lui soit démontré (article L. 521-1 du code de justice administrative) :

  • Une situation d’urgence,
  • Et un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

La requête des enseignants-chercheurs était appuyée par le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui concluait aux mêmes fins que les requérants.

Ils faisaient notamment valoir que la neutralisation des notes inférieures à 10/20 était contraire :

  • Aux principes de souveraineté et d’indépendance des jurys d’examen,
  • Au principe à valeur constitutionnelle d’indépendance des enseignants-chercheurs,
  • Au principe d’égalité entre les étudiants,
  • Et au principe selon lequel les modalités de contrôle des aptitudes et d'acquisition des connaissances ne peuvent pas être modifiées en cours d’année universitaire (article L. 613-1 du code de l’éducation).

En défense, un certain nombre de collectifs étudiants (AGE-UNEF, CJES, Solidaires Etudiants Paris 1) et de syndicats (CGT) concluaient au rejet de la requête.

Ils estimaient que la neutralisation des notes inférieures à 10/20 était parfaitement légale compte tenu du contexte particulier de l’épidémie de covid-19, faisant notamment valoir que l’inégalité numérique entre les étudiants rendait impossible l’égalité de traitement entre les candidats.

Par une ordonnance du 20 mai 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le recours des enseignants-chercheurs de l’université Paris 1, en considérant que le doute sérieux quant à la légalité des délibérations de la CFVU n’était pas établi en l’espèce.

Pour parvenir à cette décision, le juge administratif a considéré que les circonstances liées à la pandémie de covid-19 ne permettaient pas l’organisation d’examens en présentiel mais, et c’est plus surprenant, pas non plus à distance.

Cette appréciation portée par le juge administratif repose principalement sur une enquête interne menée à l’université Paris I qui démontrerait que de nombreux étudiants n’auraient pas encore accès aux moyens leur permettant de bénéficier de l’enseignement à distance : « seuls 73 % des étudiants disposent d’un équipement informatique personnel et 40 % ne s’estiment pas en mesure de subir des épreuves à distance en un temps réduit ».

Par ailleurs, le juge a balayé d’une phrase les autres moyens soulevés par les requérants : « les moyens tirés (…) de la méconnaissance du principe d’indépendance des jurys et leur souveraineté, ainsi que de la méconnaissance du principe à valeur constitutionnelle d’indépendance des enseignants-chercheurs ne sont pas, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des délibérations contestées ».

Cette solution n’avait pourtant rien d’évident.

Il faut en effet rappeler, et c’est très important, qu’en matière de référé, le doute sérieux sur la légalité d’une décision administrative suffit au juge pour ordonner la suspension de la mesure, et non pas la preuve définitive de l’illégalité.

A minima, le Tribunal administratif de Paris aurait pu considérer qu’un doute sérieux était caractérisé en l’espèce quant à la légalité des délibérations contestées de la CFVU.

La neutralisation des notes inférieures à 10/20 pose en effet une vraie question juridique, qu’il appartiendra au juge administratif de trancher au fond, et si la question n’a pas encore été réglée en jurisprudence, les moyens avancés par les enseignants-chercheurs apparaissent comme sérieux.

Le moyen tiré de la violation de l’article L. 613-1 du code de l’éducation, selon lequel les modalités de contrôle des aptitudes et d'acquisition des connaissances ne peuvent pas être modifiées en cours d’année universitaire était facile à écarter, l’ordonnance n°2020-351 du 27 mars 2020 ayant précisément pour objet de déroger à cette disposition compte tenu de l’épidémie de covid-19.

Mais en revanche, est solidement ancré en jurisprudence le principe de souveraineté des jurys d’examen : les jurys délibèrent souverainement à partir de l'ensemble des résultats obtenus par les candidats, ce qui implique, en amont de la délibération, un pouvoir souverain de notation de la part de l'enseignant. L’appréciation portée par un jury d’examen sur les mérites des candidats ne peut ainsi pas être utilement discutée au contentieux (CE, 17 juillet 2009, n°311972 ; CE, 8 octobre 2008, n°309017). Il est indéniable que la neutralisation des notes inférieures à 10/20 à l’université interfère avec ce principe de souveraineté du jury d’examen.

Par ailleurs, la motivation de la décision rendue par le Tribunal administratif en référé apparaît juridiquement faible, car reposant sur une seule enquête interne à l’université dépourvue par nature de toute valeur juridique. Précisément, le résultat d’un sondage selon lequel certains étudiants « ne s’estiment pas » en mesure de subir des épreuves à distance ne permet pas de fonder juridiquement une délibération de neutralisation de toutes les notes inférieures à 10/20 : il n’appartient pas aux étudiants de décider eux-mêmes des modalités de contrôle des aptitudes et d'acquisition des connaissances à l’université, encore moins via un sondage.

Les conclusions de la seule enquête interne sur laquelle s’est appuyé le juge administratif pour rendre sa décision surprenante sont par ailleurs très contestables, dans la mesure où de très nombreuses universités françaises ont pu valablement organiser des examens à distance pendant l’épidémie de covid-19 et que chaque enseignant a pu constater la grande facilité avec laquelle les étudiants ont pu suivre les cours et préparer leurs exercices à distance : les nouveaux outils numériques d’enseignement sont indénombrables, d’une facilité d’utilisation déconcertante et un simple smartphone suffit.

D'autant plus que l'ordonnance "covid-19" prévoit précisément la possibilité d'organiser des examens dématérialisés à distance, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats : "S'agissant des épreuves des examens ou concours, ces adaptations peuvent porter, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d'organisation, qui peut notamment s'effectuer de manière dématérialisée" (article 2 de l'ordonnance).

La neutralisation des notes inférieures à la moyenne est enfin peu compréhensible :

  • Soit l’examen à distance est possible, auquel cas toutes les notes sont valables, même celles inférieures à la moyenne,
  • Soit l’examen à distance est impossible, auquel cas il peut être annulé et les notes de contrôle continu peuvent être retenues, même celles inférieures à la moyenne.

Elle introduit en outre une discrimination difficilement acceptable entre les étudiants en fonction des résultats obtenus, au détriment des étudiants ayant obtenu une note supérieure à 10/20. Cette inégalité de traitement entre les étudiants est susceptible d’entacher d’illégalité les délibérations qui étaient contestées.

Le doute sérieux sur la légalité de la neutralisation des notes inférieures à 10/20 à l’université Paris-1 paraissait donc a minima établi, et le Tribunal administratif de Paris aurait donc pu par prudence suspendre l’exécution des délibérations contestées.

L’affaire va en tout état de cause prochainement rebondir et revenir devant le juge administratif.

Par un arrêté du 25 mai 2020, le recteur de la région académique d’Île-de-France a en effet suspendu l’exécution des délibérations contestées, et annoncé saisir lui-même le Tribunal administratif au visa de l'article L. 719-7 du code de l 'éducation (procédure rare de déféré rectoral). Cet article lui permet en effet de saisir le juge d'une demande tendant à l'annulation des décisions ou délibérations des autorités des universités qui lui paraissent entachées d'illégalité, le tribunal devant alors statuer « d'urgence ».

En parallèle, le recours en cassation dirigé contre l’ordonnance de référé du Tribunal administratif de Paris du 20 mai 2020 est possible dans les 15 jours devant le Conseil d'État, qui doit alors statuer « dans les meilleurs délais ».

Espérons que le juge administratif pourra trancher cette question sur des bases juridiques plus solides que la décision surprenante rendue en référé par le Tribunal administratif de Paris, dans l’intérêt de tous les étudiants, qui ont tous et tout à perdre à la dévalorisation de leur diplôme.

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Suite au feu vert donné par le gouvernement, les conseils municipaux élus au premier tour lors des récentes municipales de mars peuvent désormais s’installer. La date d’entrée en fonction des nouveaux élus locaux a ainsi été fixée par décret au 18 mai 2020.

La première réunion du conseil municipal est très importante, car elle a pour objet l’élection du maire et de ses adjoints.

Mais cette réunion peut rapidement tourner au casse-tête pour les nouveaux élus, qui doivent actuellement composer avec les règles de distanciation sociale liées à l’épidémie de covid-19 dans de petits locaux.

LCI rapportait ainsi récemment que la plus petite mairie de France, située en campagne normande, était installée dans un bâtiment de seulement 8m2 de surface (LCI).

En Gironde, le quotidien Sud-Ouest relevait que le maire de la ville de Gradignan avait été obligé de tenir son premier conseil municipal dans les jardins de l’hôtel de ville afin de respecter les nouvelles distances réglementaires de sécurité sanitaire (Sud-Ouest).

Mais c’est une information bien plus cocasse qui a attiré notre attention, puisque France bleu nous apprenait que le maire d’Emiéville dans le Calvados a tenu son premier conseil municipal dans l’église de sa commune justifiant sa décision par le caractère exigu de sa mairie rendant impossible toute distanciation sociale et se montrant rassurant "je ne vais quand même pas faire la messe" (France bleu).

Si cette réunion d’un conseil municipal dans une église peut faire sourire, elle n’en est pas moins parfaitement illégale.

Les règles sont en effet les suivantes (article L2121-7 du CGCT) :

  • Par principe, le conseil municipal doit se réunir et délibérer à la mairie de la commune ;
  • Par exception, le conseil municipal peut également se réunir et délibérer dans un autre lieu situé sur le territoire de la commune, dès lors que ce lieu offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances ;
  • Mais le lieu retenu ne doit pas contrevenir au principe de neutralité des édifices publics, qui a pour corollaire le principe de laïcité issu de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.


L'ordonnance n°2020-562 du 13 mai 2020 liée à l'épidémie de covid-19 va plus loin en ajoutant que le conseil municipal peut même décider de se réunir dans un lieu situé hors du territoire de la commune compte tenu du contexte sanitaire, mais tout en rappelant que ce lieu ne doit pas contrevenir pas au principe de neutralité.

De la même manière, conformément à la loi du 25 janvier 1907 portant sur l’exercice public du culte et à la loi du 9 décembre 1905, les églises sont mises à la disposition du clergé et des fidèles et sont affectées exclusivement au culte. Tout autre usage est hors de la légalité, ce principe étant d’ordre public ce que le Conseil d’État a jugé à plusieurs reprises (CE, 1er mars 1912, Commune de Saint-Dézéry ; CE 25 août 2005 Commune de Massat, n° 284307).

La réunion d’un conseil municipal dans une église, même justifiée par un contexte extraordinaire d’épidémie contrevient donc directement aux dispositions légales applicables en matière de neutralité des édifices publics, qui a pour corollaire le principe de laïcité.

Ce que n’a pas manqué de relever le Préfet du Calvados, qui a déjà fait connaître son intention de faire annuler la première délibération issue de ce conseil municipal illégal : un déféré préfectoral sera probablement exercé afin de saisir le tribunal administratif de Caen.

Cette affaire rappelle d’autres actualités récentes que nous avions relevées, comme le maire de Morbecque qui avait apposé illégalement un gilet jaune géant sur la façade de sa commune, ou encore le président de l’Assemblée nationale qui avait de la même manière illégalement apposé un drapeau homosexuel sur la façade de l’Assemblée nationale à l’occasion de la fête dite « des fiertés ».

Le principe de neutralité applicable aux édifices publics vise précisément à éviter un tel mélange des genres et une instrumentalisation des biens communs au profit de revendications militantes.

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- Le nouveau délai de recours contre les élections municipales 2020 est porté au vendredi 3 juillet 2020 au plus tard
- Le recours doit être porté devant le Tribunal administratif de ressort
- L'argument de l'abstention lié au contexte de covid-19 ne sera pas seul suffisant pour annuler l'élection, mais pourra être utilisé
- Tous les électeurs, élus, éligibles, candidats peuvent agir

Vous souhaitez contester les résultats des élections municipales 2020 dans votre commune ? Utilisez notre formulaire spécial.
  


Le Premier ministre a tranché : le second tour des élections municipales sera enfin organisé dimanche 28 juin 2020. C'est un soulagement pour de nombreuses communes qui étaient dans l'attente.

C’est l’occasion de faire le point sur les possibilités de contester ce scrutin ou ses résultats.

1/ Jusqu'à quand peut-on contester ?

Il faudra agir très vite.

Le recours appelé « protestation électorale » contre l'élection municipale doit être déposé au greffe du Tribunal administratif de ressort au plus tard à 18 heures le cinquième jour qui suit l’élection (article R.119 du Code électoral).

Le délai de recours est donc de seulement 5 jours à partir du scrutin.

Ainsi, les recours contre les élections municipales de 2020 devront être déposés au greffe du Tribunal administratif de ressort le vendredi 3 juillet 2020 au plus tard

À noter que seules les élections acquises au second tour sont concernées par ce nouveau délai de recours : les élections acquises au premier tour (= pas de second tour) en mars ne pourront pas être contestées dans ce nouveau délai. 

En revanche les vices de légalité du premier tour de scrutin peuvent être invoqués à l'appui du recours dirigé contre le second tour de scrutin (CE, 6 mai 2009, n° 317867).

2/ Qui peut contester ?

C’est l’article L.248 du Code électoral qui prévoit que les élections municipales peuvent être contestées par :

  • Tout électeur de la commune, même s’il n’est pas inscrit sur les listes électorales,
  • Toute personne éligible dans la commune (voir les articles 45L.228 et L.229 du code électoral),
  • Les candidats,
  • Les élus,
  • Et le Préfet.
A contrario, les opérations électorales ne peuvent donc pas être contestées par les partis politiques, les associations, les syndicats ou la commune elle-même.

3/ Devant quelle juridiction ?

La juridiction compétente pour connaître d’un recours contre un scrutin municipal est le Tribunal administratif (article L.248 du Code électoral) dans le ressort duquel se trouve le siège de l’assemblée à la composition duquel pourvoit l’élection contestée (article R.312-9 du Code de Justice Administrative).

Le ressort de tous les tribunaux administratifs de France peut être consulté ici
 
4/ Comment s’y prendre concrètement ?

Il faudra déposer son recours (protestation électorale) dans le délai de 5 jours au greffe du Tribunal administratif de ressort ou en ligne sur le site Télérecours.

Il est également possible de demander le jour même du scrutin (second tour) la consignation d’une réclamation au procès-verbal ou de la déposer à la sous-préfecture ou à la préfecture au plus tard à 18 heures le cinquième jour qui suit l’élection, soit le 3 juillet au plus tard. Ces réclamations seront alors immédiatement adressées au Préfet qui les fera enregistrer au greffe du Tribunal administratif de ressort.

Enfin, le Préfet, s’il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n’ont pas été remplies, peut lui-même également déférer les opérations électorales au Tribunal administratif dans le délai de 15 jours à compter de la date de la réception du procès-verbal en préfecture.

Dans le respect du principe du contradictoire, le Tribunal administratif notifie alors la réclamation aux conseillers dont l’élection est contestée, dans les 3 jours de l’enregistrement de la requête au greffe. Un délai maximum de 5 jours est alors ouvert aux conseillers municipaux afin de déposer leur défense au greffe et de faire connaître s’ils entendent ou non user du droit de présenter des observations orales (article R.119 du Code électoral).
 
5/ Comment présenter son recours ?

La requête en contestation d’un scrutin municipal (protestation électorale) devra impérativement :

  • Étre signée par le requérant (CE, 7 décembre 1983, commune de Briot, n° 51788),
  • Comporter ses nom, prénom, et domicile,
  • Indiquer de manière précise et non équivoque les demandes (ex: annulation du scrutin et/ou proclamation d’un autre candidat) (CE,  22 juin 1990, commune de Forbach, n° 107768) ainsi que les irrégularités relevées (CE, 9 octobre 2002, commune de Goyave, n° 235362).
6/ L’avocat est-il obligatoire ?

Le recours à un avocat est facultatif en matière électorale devant les tribunaux administratifs, mais les conseils du professionnel seront néanmoins efficaces pour contester valablement et efficacement le scrutin municipal.

Le bénéfice de l’aide juridictionnelle pourra être sollicité pour engager un tel recours (réponse ministérielle, JO Sénat du 27/09/2007, page 1732).
 
7/ Avec quels arguments ?

Tout moyen (argument) peut être invoqué par les requérants pour démontrer la nullité des opérations électorales :

  • Les manœuvres altérant la sincérité du scrutin (ex: diffamation) (CE, 14 novembre 2008, commune du Vauroux, n° 316708 – CE, 16 juin 1972, Élections municipales du Blanc, n° 84204),
  • L’inscription de faux électeurs,
  • L’achat de votes,
  • L’absence de signature de l’un des candidats sur la déclaration de candidature (CE, ass., 21 décembre 1990, Élections municipales Mundolsheim, n° 112221),
  • L’inéligibilité d’un candidat (CE, 29 juillet 2002, Élections municipales Levallois Perret, n° 240108),
  • Les éléments matériels démontrant la rupture d’égalité entre les candidats,
  • Les infractions commises lors du déroulement du scrutin, etc.
Par ailleurs il sera difficile d'obtenir l'annulation d'un scrutin sur le seul fondement du contexte lié au covid-19 (abstention), mais ce moyen pourra toujours être invoqué à l'appui d'une argumentation complète. 

L’annulation totale du scrutin ne sera toutefois prononcée par le juge qu’en cas de vice(s) substantiel(s), ou si le juge ne peut déterminer avec certitude le résultat de l’élection en raison des irrégularités commises.

8/ Que pourra faire le juge ?

Le juge de l’élection municipale dispose d’un pouvoir très large et peut notamment :

  • Contrôler la validité des suffrages émis,
  • Modifier le nombre de suffrages recueillis par un candidat,
  • Reconnaître l’inéligibilité d’un candidat,
  • Annuler de manière totale (en cas de vice substantiel) ou partielle, le scrutin,
  • Ou proclamer élus certains candidats à la place d’autres.
Il conviendra donc d’apporter un soin tout particulier à la rédaction de la protestation électorale (recours objectif de plein contentieux) dans la mesure où le juge électoral est tenu par les demandes des parties et ne pourra donc, sauf moyens d’ordre public, prononcer des mesures qui ne lui ont pas été demandées par le requérant (CE, 1er décembre 1989, commune de Seraincourt, n°108998).
 
9/ Quel sera le délai de jugement ?

Le Tribunal administratif doit statuer dans un délai de 2 mois (en cas d’élection municipale partielle), ou de 3 mois (en cas de renouvellement général des conseils municipaux) à compter de l’enregistrement de la réclamation au greffe (article R.120 du Code électoral). 

Le nouveau contexte issu du covid-19 est toutefois susceptible d'allonger ces délais, de manière exceptionnelle. 

10/ Quelles possibilités de recours contre la décision rendue ?

Le recours éventuel contre la décision du Tribunal administratif doit être porté devant le Conseil d’État (pas la Cour administrative d’appel), dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision (article R.123 du Code électoral).

A noter enfin que le(s) conseiller(s) proclamé(s) élu(s) reste(nt) en place jusqu’à ce que le Conseil d’État ait définitivement statué sur le contentieux (pas d’effet suspensif sur le mandat).

***

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« Nous qui n'avons le droit de nous mêler que des choses de ce monde, nous pouvons donc permettre la liberté des cultes, et dormir en paix. » (Mirabeau)

En cas d’épidémie, le Premier ministre est habilité par la loi à prendre par décret motivé des mesures proportionnées aux risques courus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population.

Le chef du gouvernement peut ainsi notamment (article L3131-15 du code de la santé publique) :

  • Limiter ou interdire les rassemblements et réunions de toute nature,
  • Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, des établissements recevant du public (ERP) ainsi que des lieux de réunion.

Ce faisant, le Premier ministre peut légalement porter atteinte, de manière mesurée, aux libertés fondamentales au nom de l’impératif de protection de la santé publique, composante sanitaire de l’ordre public.

Dans ce cadre, compte tenu de l’émergence du nouveau coronavirus (covid-19) particulièrement contagieux, le Premier ministre a pris un décret n°2020-548 du 11 mai 2020 venant encadrer de manière particulièrement stricte les établissements de culte (ERP de catégorie V) :

« Les établissements de culte, relevant du type V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit. / Les cérémonies funéraires sont autorisées dans la limite de vingt personnes, y compris dans les lieux mentionnés à l'alinéa précédent. ».

Le décret du 11 mai 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l’épidémie de covid-19 interdisait donc de manière absolue tout rassemblement ou réunion au sein des établissements de culte jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Considérant que ce décret portait atteinte à la liberté de culte, des associations religieuses catholiques comme Civitas et un certain nombre de croyants ont saisi le Conseil d’État en urgence, lui demandant d’en suspendre l’exécution et d’enjoindre au Premier ministre de lever cette interdiction pour tous les cultes.

La procédure de référé-liberté permet en effet au juge des référés de se prononcer très rapidement sous 48H et d’ordonner « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale » à condition qu’il lui soit démontré (article L521-2 du code de justice administrative) :

  • Une situation d’urgence,
  • Et une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Par une ordonnance du 18 mai 2020, le Conseil d’État a donné raison aux requérants en enjoignant au Premier ministre de modifier, dans un délai maximum de 8 jours le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, pour encadrer, et non pas interdire, les rassemblements et réunions dans les établissements de culte.

C’est une décision bienvenue.

Pour parvenir à une telle solution, la Haute juridiction a pris en compte et rappelé de nombreux éléments.

En premier lieu, le Conseil d’État a considéré que la condition d’urgence était remplie compte tenu :

  • De l’amélioration de la situation sanitaire ayant justifié le déconfinement,
  • De l’impossibilité pour les fidèles de se réunir au sein des établissements de culte,
  • Et des importantes fêtes qui ont eu lieu au printemps dans les trois religions réunissant le plus grand nombre de fidèles en France.

De manière surprenante, les pouvoirs publics n’avaient même pas contesté cette situation d’urgence dans le cadre de leur défense.

En deuxième lieu, le Conseil d’État a rappelé que la liberté du culte présentait le caractère d’une liberté fondamentale pouvant justifier un référé-liberté, ce qui n’est pas nouveau dans sa jurisprudence (CE, ord., 16 février 2004, Benaissa, n°264314).

Mais plus encore, et c’est le plus important, la Haute juridiction a précisé que cette liberté ne se limitait pas au droit de tout individu d’exprimer individuellement les convictions religieuses de son choix, mais qu’elle comportait également, parmi ses « composantes essentielles », le droit de « participer collectivement (…) à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte ».

Par le passé, le Conseil d’État avait d’ailleurs déjà pu juger que la « possibilité d'exprimer dans des formes appropriées ses convictions religieuses » constituait une liberté fondamentale (CE, ord., 7 avril 2004, Kilicikesen, n°266085).

En troisième lieu, confrontant les principes à la situation d’espèce, le Conseil d’État a considéré que le Premier ministre avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte par son décret du 11 mai 2020.

Le Conseil d’État n’a pas nié la nécessité pour le Premier ministre d’encadrer les établissements de culte compte tenu de l’épidémie, mais lui reproche d’avoir posé une interdiction trop générale et trop absolue dans le nouveau contexte issu du déconfinement.

Dans un État de droit, la liberté est la règle, et la restriction de police l’exception (CE, 10 août 1917, Baldy, n°59855). Les pouvoirs publics doivent donc toujours concilier l’exercice des libertés fondamentales avec l’impératif de protection de l’ordre public en trouvant un point d’équilibre. Pour qu’une mesure de police soit légale, il faut ainsi qu’elle tende à maintenir l’ordre public par les moyens les moins rigoureux possible (CE, 21 janvier 1994, Commune de Dammarie-Les-Lys, n° 120043) et qu’elle ne porte pas une atteinte excessive aux libertés fondamentales (CE, 19 mai 1933, Benjamin, n° 17413).

Le Conseil d’État a jugé que l’intervention du Premier Ministre était nécessaire pour encadrer les établissements de culte dans la mesure où :

  • Le risque de contamination est élevé dans un espace clos, puisque les personnes ont des contacts proches et prolongés et émettent davantage de gouttelettes ;
  • Il est possible d’être également contaminé par le biais des surfaces sur lesquelles le virus s’est déposé ;
  • Les rassemblements et réunions sont la principale cause de propagation du virus ;
  • Les cérémonies de culte exposent les participants à un risque de contamination élevé puisqu’elles ont lieu dans un espace clos, de taille restreinte, pendant une durée importante, avec un grand nombre de personnes, qu’elles s’accompagnent de prières récitées à haute voix ou de chants, de gestes rituels impliquant des contacts, de déplacements, ou encore d’échanges entre les participants, y compris en marge des cérémonies elles-mêmes et que les règles de sécurité appliquées y sont insuffisantes à ce jour ;
  • Un rassemblement religieux réunissant plus d’un millier de participants venus de toute la France entre le 17 et le 24 février 2020 près de Mulhouse a provoqué un nombre important de contaminations qui ont, elles-mêmes, contribué à la diffusion massive du virus dans l’ensemble de la population française.

Mais dans le même temps le Conseil d’État a jugé que le décret du Premier Ministre était excessif dans la mesure où :

  • Le même décret du 11 mai 2020 prévoit des régimes bien moins restrictifs pour l’accès du public pour de nombreuses activités qui ne sont pas moins risquées que les cérémonies de culte au regard de l’épidémie, notamment le service de transport public de voyageurs, les magasins et centres commerciaux, les établissements d’enseignement et les bibliothèques ;
  • Une tolérance est appliquée par les pouvoirs publics pour les rassemblements de moins de 10 personnes dans les lieux publics depuis le déconfinement ;
  • Des règles de sécurité adaptées aux établissements de culte peuvent être élaborées sous le contrôle des autorités de l’État et des établissements de culte afin de permettre les réunions en leur sein tout en limitant le risque sanitaire ;
  • Le rassemblement évangélique imprudent de Mulhouse n’est pas représentatif de l’ensemble des cérémonies de culte, puisqu’il a cumulé un grand nombre de facteurs de risque et qu’il s’est tenu à une date à laquelle n’étaient pas appliquées de règles de sécurité particulières en matière de contamination par le coronavirus.

Il en résulte, selon le Conseil d’État, que l’interdiction générale et absolue imposée par le décret contesté de tout rassemblement ou réunion dans les établissements de culte présente un caractère disproportionné au regard de l’objectif de préservation de la santé publique. Cette interdiction constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière.

Dans ces conditions, le Conseil d’État enjoint au Premier ministre de modifier, dans un délai maximum de 8 jours le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, pour encadrer, et non pas interdire, les rassemblements et réunions dans les établissements de culte.


***


C’est un signal fort envoyé par le Conseil d’État aux pouvoirs publics par cette décision.

En rappelant le principe de la proportionnalité de la mesure de police, même en période exceptionnelle d’épidémie, le Conseil d’État remet l’Église au milieu du village.

D’autant plus qu’en défense, le ministre de l’Intérieur avait fait valoir qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ne pouvait être caractérisée puisque les établissements de culte étaient autorisés par le décret contesté à rester ouverts : seuls les rassemblements et réunions en leur sein étant interdit.

En rappelant que la liberté de culte ne se limite pas au droit de tout individu d’exprimer individuellement les convictions religieuses de son choix, mais qu’elle comporte également, parmi ses composantes essentielles, le droit de participer collectivement à des cérémonies, le Conseil d’État fait également œuvre utile.

On peut toutefois regretter l’analogie faite par la Haute juridiction entre la situation des établissements de culte et celle des magasins et centres commerciaux : les français ne se rendent pas à la messe comme au supermarché, et si elle est dénuée d’impact économique, la vie spirituelle n’en est pas moins essentielle pour la Nation.

Enfin, on se gardera d’analyser la décision commentée comme un blanc-seing donné par le Conseil d’État à tous les rassemblements dans les établissements de culte. Le rassemblement évangélique irresponsable de Mulhouse relevé dans la décision doit servir de leçon et de contre-exemple.

Il appartient désormais aux pouvoirs publics de trouver le juste curseur pour encadrer sous huitaine les rassemblements et réunions dans les établissements de culte afin de contenir l’épidémie, dans le respect de l’exercice de la liberté de culte.

Décision commentée : CE, ord., 18 mai 2020, M. W... et autres, n°440366 et suivants

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Avec l’arrivée du printemps, la France voit fleurir sur ses balcons de plus en plus de pancartes hostiles au chef de l’État. France 3 reportait ainsi récemment qu’une jeune femme d’extrême-gauche (NPA) avait été placée en garde à vue pour avoir affiché une banderole « Macronavirus : à quand la fin ? » sur sa fenêtre (France 3).

Des slogans similaires se sont multipliés aux fenêtres françaises ces derniers jours, notamment à Toulouse, Paris, Marseille et Caen (20 minutes).

La situation n’est pas sans rappeler les banderoles anti-Macron du mouvement des gilets jaunes, qui avaient été parfois gommées par certains journaux télévisés (L'Express).

Alors peut-on librement insulter le chef de l’État à sa fenêtre ?

À cette question, la Ligue des droits de l’Homme a immédiatement répondu par l’affirmative, invoquant la liberté d’expression et ciblant le Procureur de la République, coupable d’avoir utilisé « une incrimination pénale détournée de ses fins dans le but d’intimider et de faire taire des opposants politiques » (LDH).

Ce faisant, la Ligue des droits de l’Homme reconnaissait le caractère militant des banderoles anti-Macron. C’est d’ailleurs le journal Charlie Hebdo qui avait été le premier à utiliser l’expression outrageuse « Macronavirus » dans sa Une du 29 janvier (Facebook).

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 protège en ses articles 10 et 11 la liberté d’expression des français :
  • Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ;
  • La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Mais cette liberté n’est pas infinie, comme le montrent les deux limites fixées par ces articles de valeur constitutionnelle : l’ordre public établi par la loi, et l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Historiquement, un délit d’offense au chef de l’État avait été créé par l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Puni de 45 000 euros d’amende, mais tombé en désuétude sous la Vème République, ce délit a été abrogé par la loi du 5 août 2013 suite à un arrêt célèbre de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnant la France (affaire dite de l’affichette « Casse-toi pov' con »).

Mais l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État n’est pas pour autant un blanc-seing donné pour insulter librement le Président depuis lors.

Les banderoles anti-Macron (ou ciblant tout autre chef d’État français en exercice) entrent en effet parfaitement dans la qualification pénale de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique défini à l’article 433-5 du code pénal :

« Constituent un outrage puni de 7 500 euros d'amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. Lorsqu'il est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique, l'outrage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »


En outre, comme le relevait le Professeur Olivier Beaud auteur d’un livre remarqué sur la question (L'Express), le chef de l’État est protégé de l’injure et de la diffamation publique comme tout citoyen ordinaire (articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Autant de qualifications pénales pouvant être mobilisées pour sanctionner les contrevenants. Associer le nom du Président Macron à un virus responsable d'une pandémie très meurtrière relève en effet indéniablement a minima de l'injure. 

D’origine législative, ces articles du code pénal et de la loi sur la liberté de la presse doivent être regardés comme des limites légitimes et indispensables à la liberté constitutionnelle d’expression, posées par la loi.

Bien évidemment, les sanctions posées par le code pénal et la loi sur la liberté de la presse constituent des plafonds rarement appliqués par les tribunaux, et destinés à être modulés en fonction du passé pénal ou des motivations des individus interpellés. Dans le cas de l’affaire « Casse-toi pov' con », le militant socialiste qui avait brandi une affichette insultant le Président Sarkozy à Laval avait par exemple été condamné à seulement 30 euros d’amende avec sursis (Le Figaro).

Alors non, il n’est pas possible juridiquement d’insulter impunément le Président de la République, même par le biais de slogans apposés à la fenêtre de son appartement, qu’on soit ou non d’accord avec la politique menée. Se garder toujours de l'écueil relevé par Paul Valéry "Qui ne peut attaquer le raisonnement attaque le raisonneur".

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Signe le plus visible du déconfinement progressif annoncé par le Président de la République, la France s’apprête à rouvrir ses écoles. Mais cette réouverture a été immédiatement jugée hâtive par certains enseignants qui ont fait connaître leur intention d’exercer leur droit de retrait pour ne pas reprendre le travail afin d’éviter d’être infectés par le coronavirus covid-19. Les réactions politiques n’ont pas tardé. François Bayrou jugeait ainsi le 19 avril « Un droit de retrait des enseignants ne serait pas civique à mon sens » (Le Figaro).

On fait le point juridiquement.

Si le droit de retrait des enseignants après le 11 mai devra nécessairement s’envisager au cas par cas et ne pas être généralisé (1), l’État peut également voir sa responsabilité engagée en maintenant coûte que coûte en classe des agents « à risque » pendant l’épidémie (2).

1/ Le droit de retrait des enseignants doit s’envisager au cas par cas

Comme tous les fonctionnaires, les enseignants sont astreints à un strict devoir d’obéissance hiérarchique. Par la profession spécifique qu’ils ont librement choisi de rejoindre, les enseignants doivent donc obéissance à l’État qui les emploie.

Cependant, cette obligation est tempérée par l’existence d’un droit de retrait leur permettant de désobéir de manière exceptionnelle si la situation le justifie.

Le droit de retrait ne peut être exercé qu’en cas de situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour la santé physique de l’agent :

  • L'agent doit alerter immédiatement sa hiérarchie de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection ;
  • Il peut se retirer d'une telle situation ;
  • Aucune sanction disciplinaire ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent qui s’est retiré d'une telle situation ;
  • L'autorité administrative ne peut pas demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité tant que persiste ce danger grave et imminent.

En revanche, l'agent qui abuse du droit de retrait en l'exerçant dans une situation qui ne le justifie pas s'expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement pour abandon de poste. 

La question est donc la suivante : la reprise des classes imposée à partir du 11 mai aux enseignants constitue-t-elle une situation de danger grave et imminent justifiant leur droit de retrait compte tenu de la circulation active du coronavirus covid-19 sur notre territoire ?

Deux hypothèses semblent devoir être distinguées :

  • Un exercice généralisé du droit de retrait des enseignants à partir du 11 mai sera fragilisé juridiquement compte tenu notamment des mesures que s’apprête à prendre le gouvernement pour adapter le service public à la situation sanitaire. À tout le moins, il conviendra de surveiller les mesures prises (ex : limitation des effectifs des classes, distanciation sociale, fourniture de masques et de gels hydroalcoolique, etc.) sur lesquelles le juge administratif exercera son contrôle le cas échéant. Plus les mesures prises pour protéger les agents seront importantes, plus la caractérisation d’un danger « grave et imminent » justifiant le droit de retrait sera délicate ;
  • En revanche, pour certains agents considérés comme « à risque » au regard de l’état des connaissances scientifiques sur le covid-19, c’est-à-dire les enseignants âgés ou pouvant justifier médicalement d’une pathologie particulière (ex : diabète, maladies respiratoires, etc.) l’exercice du droit de retrait pourrait au cas par cas s’envisager. En tout état de cause, il sera nécessaire que l’agent puisse justifier, au besoin devant le juge, de la réalité de la pathologie en question, qui ne saurait pouvoir reposer sur de simples allégations (des certificats médicaux seront nécessaires). Toute pathologie ne pourra pas en outre justifier le droit de retrait des enseignants, là encore en fonction de la consistance des mesures prises par le gouvernement pour protéger les agents dans les classes.

Le juge administratif examinera le cas échéant la légalité du retrait d’un agent au cas par cas au regard de l’importance et de la réalité des mesures prises par l’administration et de la pathologie invoquée.

Mais le fait d’imposer à tous les enseignants de reprendre le travail le 11 mai n’est pas sans risque pour l’État.

2/ L’État peut engager sa responsabilité


Il est intéressant de rapprocher la situation actuelle de reprise des classes pendant l’épidémie de coronavirus covid-19 d’un précédent jurisprudentiel rendu par le Conseil d’État le 6 novembre 1968.

Le contexte était alors le suivant : l’État maintient les classes pour tous ses agents sans distinction pendant une épidémie de rubéole qui frappe la ville de Sancerre aux mois de mai et juin 1951 et dont ont connaissance les pouvoirs publics.

Une institutrice des cours préparatoire et élémentaire à l’école des filles de Sancerre, Madame Saulze, est donc maintenue en poste comme tous les agents alors même qu’elle est enceinte. Son enfant Pierre va naître avec de graves infirmités par la suite (diminution de l’activité rétinienne et surdité). Le Conseil d’État jugera alors que :

« Dans le cas d’une épidémie de rubéole, le fait, pour une institutrice en état de grossesse, d'être exposée en permanence aux dangers de la contagion comporte pour l'enfant à naître un risque spécial et anormal qui, lorsqu'il entraîne des dommages graves pour la victime, est de nature à engager, au profit de celle-ci, la responsabilité de l'État » (CE, 6 novembre 1968, Dame Saulze)


Il en résulte que l’État peut engager sa responsabilité sans faute au regard d’agents publics qu’il aurait maintenu en fonction sans considération de leurs particularités (théorie de la « situation dangereuse » engageant la responsabilité sans faute pour risque de l’État).

Par hypothèse, la responsabilité de l’État pourrait donc être engagée si le ministre de l’Éducation nationale s’oppose à l’exercice légitime du droit de retrait d’un agent « à risque » en le maintenant coûte que coûte en classe pendant l’épidémie de coronavirus covid-19 si ce dernier venait malheureusement à contracter la maladie en service. Se posera toutefois pour l’agent ou ses ayants droit la question de la preuve puisqu’il faudra démontrer au juge le lien avec le service.

***


Même dans l’hypothèse d’une épidémie comme le coronavirus covid-19, le droit de retrait ne doit donc pas être exercé à la légère par les enseignants à partir du 11 mai prochain. Mal utilisé et portant atteinte au principe de continuité du service public, il expose les agents à des sanctions disciplinaires et peut ajouter de la crise à la crise en paralysant la vie sociale et économique du pays après le confinement.

En revanche, l’État devra veiller à protéger ses agents les plus vulnérables, sauf à risquer de voir sa responsabilité engagée.

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Devant l’évolution inquiétante du nombre de cas de coronavirus covid-19 en France, deuxième foyer européen de l’épidémie après l’Italie, de nombreux agents publics s’interrogent sur la possibilité d’exercer leur droit de retrait pour éviter la contagion. On fait le point.

Les fonctionnaires sont astreints à un strict devoir d’obéissance hiérarchique. Cependant, cette obligation est tempérée par l’existence d’un droit de retrait leur permettant de désobéir de manière exceptionnelle si la situation le justifie.

Le droit de retrait ne peut être exercé qu’en cas de situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour la santé physique de l’agent.

Les textes prévoient ainsi que l'agent doit alerter immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'autorité administrative ne peut alors pas demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.

Aucune sanction disciplinaire ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail d’une telle situation.

Pour ce qui concerne le coronavirus covid-19, de nombreux agents français du service public comme des conducteurs de bus ou des enseignants ont déjà fait connaître leur intention d’exercer leur droit de retrait pour éviter d’être infectés. Dans la plupart des cas, l’exercice de ce droit de retrait serait toutefois fragilisé juridiquement : même si la situation est inquiétante, on peut légitimement considérer que le caractère « imminent » du danger pour la santé physique de l’agent ne sera pas existant. Ce n’est que dans les zones limitées avec multiplication exponentielle des cas, appelées aussi « cluster », que l'exercice du droit de retrait de conducteurs de bus ou d’enseignant pourrait tenir au contentieux.

D'autant plus que le droit de retrait n'est que l'ultime étape en cas de danger susceptible de se réaliser brutalement et dans un délai rapproché : bien souvent, le simple droit d'alerte sera suffisant, car la collectivité prendra les mesures appropriées pour protéger ses agents sans qu'ils aient besoin de cesser le travail (ex: mise en place de vitres-conducteur dans les bus, fourniture de masques aux agents, etc.).

Le juge examinera ainsi la légalité du retrait au regard de l’importance et de la réalité du risque dans la zone concernée.
 
On note en la matière des jurisprudences intéressantes pour les personnels de la fonction publique hospitalière :
 
  • Ainsi il a été jugé que l’admission dans un établissement hospitalier de malades porteurs du VIH ou de l’hépatite virale B ne présentait pas, par elle-même, le caractère d’un danger grave et imminent justifiant un droit de retrait dès lors qu’un tel établissement, en raison même de sa mission, doit être apte à faire face aux risques de contagion pour ses agents et pour les tiers (TA Versailles, 2 juin 1994, Hadjab et autres c/ AP-HP). Ce précédent jurisprudentiel peut aisément être rapproché de la situation actuelle de coronavirus covid-19 ;

  • De la même manière, toujours en matière de fonction publique hospitalière, il a été jugé que le droit de retrait ne pouvait pas être exercé d’une manière qui puisse mettre gravement en péril la sécurité des patients, tel que l’abandon du patient dans un bloc opératoire (Cass. Crim. 2 octobre 1958).

On note enfin que, compte tenu de leurs missions particulières, le droit de retrait est exclu pour certains agents du service public, dont la mission est précisément d’assurer la sécurité des biens et des personnes (services de police, gendarmerie, administration pénitentiaire, etc.).

Même dans l’hypothèse d’une épidémie comme le coronavirus covid-19, le droit de retrait ne doit donc pas être exercé à la légère. Mal utilisé et portant atteinte au principe de continuité du service public, il peut en effet ajouter de la crise à la crise en paralysant la vie sociale et économique du pays. En l’état actuel de la situation française, il semble ne pouvoir se justifier que dans de très rares zones bien définies et fortement infectées. Il faut savoir raison garder.

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