Suite au feu vert donné par le gouvernement, les conseils municipaux élus au premier tour lors des récentes municipales de mars peuvent désormais s’installer. La date d’entrée en fonction des nouveaux élus locaux a ainsi été fixée
par décret au 18 mai 2020.
La première réunion du conseil municipal est très importante, car elle a pour objet l’élection du maire et de ses adjoints.
Mais cette réunion peut rapidement tourner au casse-tête pour les nouveaux élus, qui doivent actuellement composer avec les règles de distanciation sociale liées à l’épidémie de covid-19 dans de petits locaux.
LCI rapportait ainsi récemment que la plus petite mairie de France, située en campagne normande, était installée dans un bâtiment de
seulement 8m2 de surface (
LCI).
En Gironde, le quotidien Sud-Ouest relevait que le maire de la ville de Gradignan avait été obligé de tenir son premier conseil municipal
dans les jardins de l’hôtel de ville afin de respecter les nouvelles distances réglementaires de sécurité sanitaire (
Sud-Ouest).
Mais c’est une information bien plus cocasse qui a attiré notre attention, puisque France bleu nous apprenait que le maire d’Emiéville dans le Calvados a tenu son premier conseil municipal
dans l’église de sa commune justifiant sa décision par le caractère exigu de sa mairie rendant impossible toute distanciation sociale et se montrant rassurant
"je ne vais quand même pas faire la messe" (
France bleu).
Si cette réunion d’un conseil municipal dans une église peut faire sourire, elle n’en est pas moins parfaitement illégale.
Les règles sont en effet les suivantes (
article L2121-7 du CGCT) :
- Par principe, le conseil municipal doit se réunir et délibérer à la mairie de la commune ;
- Par exception, le conseil municipal peut également se réunir et délibérer dans un autre lieu situé sur le territoire de la commune, dès lors que ce lieu offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances ;
- Mais le lieu retenu ne doit pas contrevenir au principe de neutralité des édifices publics, qui a pour corollaire le principe de laïcité issu de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État.
L'ordonnance n°2020-562 du 13 mai 2020 liée à l'épidémie de covid-19 va plus loin en ajoutant que le conseil municipal peut même décider de se réunir dans un lieu situé hors du territoire de la commune compte tenu du contexte sanitaire, mais tout en rappelant que ce lieu ne doit pas contrevenir pas au principe de neutralité.
De la même manière, conformément à la loi du 25 janvier 1907 portant sur l’exercice public du culte et à la loi du 9 décembre 1905, les églises sont mises à la disposition du clergé et des fidèles et sont affectées exclusivement au culte. Tout autre usage est hors de la légalité, ce principe étant d’ordre public ce que le Conseil d’État a jugé à plusieurs reprises (CE, 1er mars 1912, Commune de Saint-Dézéry ; CE 25 août 2005 Commune de Massat, n° 284307).
La réunion d’un conseil municipal dans une église, même justifiée par un contexte extraordinaire d’épidémie contrevient donc directement aux dispositions légales applicables en matière de neutralité des édifices publics, qui a pour corollaire le principe de laïcité.
Ce que n’a pas manqué de relever le Préfet du Calvados, qui a déjà fait connaître son intention de faire annuler la première délibération issue de ce conseil municipal illégal : un déféré préfectoral sera probablement exercé afin de saisir le tribunal administratif de Caen.
Cette affaire rappelle d’autres actualités récentes que nous avions relevées, comme le maire de Morbecque qui avait apposé illégalement un gilet jaune géant sur la façade de sa commune, ou encore le président de l’Assemblée nationale qui avait de la même manière illégalement apposé un drapeau homosexuel sur la façade de l’Assemblée nationale à l’occasion de la fête dite « des fiertés ».
Le principe de neutralité applicable aux édifices publics vise précisément à éviter un tel mélange des genres et une instrumentalisation des biens communs au profit de revendications militantes.