L’absurdité du titre de cet article prêterait à rire si l’on n’avait pas appris ce jour que le maire de la commune de Morbecque (Nord) avait réellement pris l’initiative de déployer un gilet jaune géant sur la façade de sa mairie (
Le Figaro du 16/11/18).
Selon les propres dires de l'élu local, cette démarche tend à défendre le mouvement dit des « gilets jaunes », de soutien aux véhicules et à l’essence.
D’aucuns peuvent dès lors s’interroger sur la légalité de cette fantaisie municipale.
En la matière, la position de la justice administrative est très claire puisque, par un arrêt de principe « Commune de Sainte-Anne » du 27 juillet 2005 (n°
259806), le Conseil d’État a décidé que :
« (...) le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques (...) »
Cette décision du Conseil d’État avait été rendue à propos d’un drapeau indépendantiste martiniquais apposé d'ailleurs sur la façade d’une mairie et a été réaffirmée par la suite par le Ministre de l’Intérieur en 2010 dans le cadre d’une
réponse ministérielle :
« L'apposition de banderoles de revendication sur des édifices publics (...) est contraire à ce principe (de neutralité) (...) Il revient au responsable des bâtiments concernés de faire retirer ces banderoles, le cas échéant, sous le contrôle du juge administratif. »
L’initiative prise par le maire de la commune de Morbecque et son gilet jaune géant est donc indéniablement illégale.
En effet, la décision susvisée du Conseil d’Etat, ainsi que la législation et la réglementation s’appliquent à tous les édifices publics, donc à toutes les mairies de France.
La mairie de la commune de Morbecque est donc tenue, comme tout édifice public, au strict respect du principe de neutralité. Il est par conséquent interdit d’apposer sur sa façade des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques, conformément à la position constante du Conseil d’État.
Cantonné jusqu’alors à la sécurité routière, il est désormais incontestable que le gilet jaune puisse être considéré comme un « signe symbolisant la revendication d'opinions politiques » au regard du mouvement du même nom, de défense de l’automobile et de l’essence.
Le principe de neutralité trouve donc application et fait obstacle à la possibilité de l’afficher sur la façade de tout édifice public.
Tout administré disposant d’un intérêt à agir (comme un habitant de la commune) est donc légitime à solliciter sans délai le Préfet du Nord (12, rue Jean sans Peur CS 20003 59039 Lille Cedex ; Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) pour lui demander d’enjoindre au maire de retirer sans délai le gilet jaune géant qu’il a apposé sur la façade de sa mairie. Une action contentieuse dirigée contre le maire, assortie le cas échéant d’un référé est par ailleurs parfaitement envisageable.
On note enfin que l’illégalité est double en l’espèce puisque le symbole apposé sur la façade de la mairie vient soutenir un mouvement lui-même illégal : l’action dite des « gilets jaunes » est en effet un coup de force qui se situe hors-la-loi puisqu’aucune association ne vient le structurer et qu’aucune déclaration préalable n’a été déposée en préfectures et en mairies alors que plus de 1 500 rassemblements sont prévus pour le 17 novembre. Destiné principalement à troubler l’ordre public, le mouvement pourrait par ailleurs être appréhendé pénalement comme une incitation à l’émeute, par des personnes prétendant se substituer à la représentation nationale.
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