Les violences insoutenables qui ont émaillé Paris et plusieurs villes de France samedi après samedi ont choqué le monde entier. Elles sont le fait de certains gilets jaunes qui se sont radicalisés. L’heure n’est plus à la stupéfaction ni à la stupeur, mais à la recherche d’une solution efficace pour rétablir d’urgence et fermement l’ordre public. La solution miracle n’existe pas, et elle ne sera jamais juridique dans un tel contexte. Néanmoins, un outil est envisageable pour renforcer notre arsenal juridique en la matière : la création d’une interdiction administrative individuelle de manifester. Il est plus qu’urgent de l’intégrer dans notre législation et de l’utiliser pour neutraliser individuellement les casseurs et les meneurs dans les manifestations ou les évènements à risque.
Si tous les français sont attachés à la liberté de manifester, protégée par l’
article 10 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, ils ont conscience que comme toute liberté, cette dernière s’exerce dans les limites du risque de trouble à l’ordre public, apprécié par l’autorité administrative sous le contrôle de son juge.
Toutefois, et comme tout un chacun a pu le constater ces dernières semaines, cette interdiction est dépourvue d’effet puisqu’elle est aisément contournée par les manifestants eux-mêmes, qui entreprennent des manifestations sauvages comme les gilets jaunes aux Champs-Élysées, qui dégénèrent d’autant plus rapidement.
L’interdiction préalable d’une manifestation dans son ensemble est donc sans effet sur les groupes de casseurs, qui n’en sont que plus galvanisés.
Plus efficace semble devoir être l’interdiction administrative individuelle de manifester, qui n’existe pas à ce jour dans notre droit français : c’est l’idée de donner la possibilité aux Préfets d’interdire à un ou plusieurs individus identifiés de manifester ou de se rendre dans une zone, pour une durée déterminée, sans qu’ils n’aient jamais été nécessairement condamnés sur le plan pénal.
On pense ici à des individus identifiés par les pouvoirs publics comme appartenant à des mouvances extrémistes (à titre d’exemple, la mouvance « black blocs » d’ultragauche) qui n’auraient jamais été sanctionnés pénalement et s’apprêteraient à participer à une manifestation, même sauvage, pour semer le chaos comme samedi aux Champs-Élysées à Paris.
Un
rapport parlementaire de 2015 avait pour la première fois proposé au législateur l’introduction dans le droit français d’un tel dispositif préalable d’interdiction administrative individuelle de manifester, en l’absence de toute infraction pénale.
Il s’agirait concrètement pour l’autorité préfectorale d’apprécier si une personne identifiée par nos services de renseignements comme un casseur ou un meneur constitue une menace pour l’ordre public, en utilisant le faisceau d’indices suivant :
- L’individu a déjà été nominativement condamné (le cas échéant), ou est « connu en tant que casseur violent » (sans nécessairement avoir été condamné) ;
- Des risques sérieux et manifestes de trouble à l’ordre public sont existants ;
- Des indices matériels faisant redouter la commission d’une infraction à l’occasion de la manifestation ou de l’événement à venir ont été relevés.
L’arrêté préfectoral emporterait alors interdiction préalable pour la personne identifiée, de pénétrer, pendant une durée déterminée, au sein d’un périmètre spécifique comme celui d’une manifestation (on pense par exemple aux alentours de l’Arc de Triomphe).
On pourrait alors imaginer un système de pointage en commissariat ou gendarmerie à l’occasion de chaque événement ou manifestation, à l’instar de la procédure prévue pour les hooligans interdits de stade, obligés de pointer le jour de chaque rencontre sportive de leur équipe, afin de s’assurer de la neutralisation des individus identifiés comme des casseurs.
Il nous apparaît plus qu’urgent, au regard des graves violences de certains gilets jaunes radicalisés, de réactiver cette piste de la création d’une interdiction administrative individuelle de manifester. Bien utilisée, elle aurait pour avantage de neutraliser des casseurs ou des meneurs en amont de manifestations ou d’événements identifiés comme à risque et donc de limiter le risque de violence.
Nous avons conscience que cette mesure n’est pas seule à même de répondre à la menace et que le droit ne peut pas tout face au réel. Elle a toutefois le mérite de constituer une piste intéressante d’évolution de notre droit, aux fins de préserver partout et fermement l’ordre public républicain face aux casseurs radicalisés.
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