Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

Ligne directe : 07.80.99.23.28

contact@sisyphe-avocats.fr

Untitled 1

Par une ordonnance du 21 juin 2022 qui fera jurisprudence, le Conseil d’État a jugé qu’en autorisant les tenues religieuses de baignade comme le burkini dans ses piscines municipales, la ville de Grenoble avait violé le principe d’égalité de traitement des usagers du service public et porté atteinte au bon fonctionnement de ce dernier (CE, 21 juin 2022, Commune de Grenoble, n°464648).

C’est la première fois que la juridiction administrative était saisie au titre de la nouvelle procédure de « déféré laïcité » issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi sur le séparatisme ».

Un premier jugement avait été rendu par le tribunal administratif de Grenoble, qui avait décidé en référé le 25 mai 2022 qu’en autorisant le burkini dans ses piscines municipales, la ville de Grenoble avait gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public, dont la laïcité est une composante.

Le Conseil d’État avait été saisi comme juge d’appel de cette décision par la Ville de Grenoble.

La Haute juridiction administrative a d’abord rappelé les grands principes qu’elle prenait en considération, à savoir :

  • la liberté constitutionnelle de chacun d’exprimer ses convictions religieuses ;

  • le principe de neutralité du service public, dont la laïcité est une composante ;

  • et l’égalité de traitement entre les usagers du service public.

Sur le plan factuel, la Ville de Grenoble avait fait valoir dans le cadre des débats qu’elle avait voulu permettre aux usagers qui le souhaiteraient de pouvoir davantage couvrir leur corps à la piscine « quel que soit la raison de ce souhait ».

Mais le Conseil d’État a considéré que la délibération en litige de la Ville de Grenoble avait en réalité pour seul objet d’autoriser le burkini à la piscine.

Selon le juge, la Ville de Grenoble a donc adapté le règlement intérieur de ses piscines pour satisfaire une certaine catégorie spécifique d’usagers : ceux qui souhaitaient porter un burkini pour s’y baigner et uniquement ceux-ci.

Cette dérogation à la règle commune du service public est jugée comme destinée à satisfaire une revendication de nature religieuse de cette catégorie très limitée d’usagers.

Or, selon le Conseil d’État et dans ces strictes conditions, cette dérogation viole le principe d’égalité de traitement des usagers du service public et le bon fonctionnement du service.

C’est surtout la violation du principe d’égalité de traitement des usagers du service public par la Ville de Grenoble qui est retenue par le Conseil d’État pour interdire le burkini à la piscine municipale, dans une décision qui fera jurisprudence sur le sujet.

Le Conseil d’État ne va pas jusqu’à faire évoluer sa jurisprudence en soumettant tous les usagers du service public au principe de neutralité. Les baigneurs, usagers des piscines municipales ne sont donc toujours pas soumis à la laïcité. Le Conseil d’État n’a pas remis en cause cette jurisprudence constante sur le sujet. La décision s’inscrit donc dans un cadre juridique assez traditionnel.

Le Conseil d’État va même jusqu’à ouvrir une porte dans sa décision en jugeant qu’une adaptation du service public pour tenir compte de convictions religieuses des usagers n’est pas « en soi » contraire aux principes de laïcité et de neutralité du service public, dans la lignée de sa jurisprudence de 2020 sur les menus de substitution à la cantine scolaire (CE, 11 décembre 2020, Commune de Chalon-sur-Saône, n°426483).

Mais l’adaptation du règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble, trop ciblée sur le burkini donc sur une catégorie très limitée d’usagers est jugée illégale par le juge administratif, compte tenu du principe d’égalité de traitement dont est garant le gestionnaire du service.

On peut penser que si la Ville de Grenoble avait voté une adaptation plus générale du règlement de ses piscines, englobant d’autres usagers ou d’autres religions, le Conseil d’État aurait sans doute validé cette décision. C’est en tout cas le sous-texte du jugement rendu.

Mais l’adaptation votée par la Ville de Grenoble est trop ciblée sur le burkini pour être légale, selon le Conseil d’État.

Au final, même si elles ont été prises en compte, les considérations de laïcité et de neutralité du service public n’ont pas été totalement décisives dans la position prise par le juge administratif, qui s’est plutôt attaché à défendre le principe d’égalité de traitement des usagers du service public (la neutralité n’est notamment évoquée qu’indirectement à cet égard) et le bon fonctionnement du service.

De la même manière, les considérations d’hygiène et de sécurité ne sont évoquées que de manière marginale dans la décision rendue par les juges du Palais-Royal.

La position retenue par le Conseil d’État s’inscrit donc dans la lignée de celle du juge de Grenoble, qui avait décidé qu’en permettant à certains usagers des piscines municipales de porter des tenues religieuses de baignade, la ville de Grenoble avait violé le principe de neutralité du service public, dont une des composantes est la laïcité.

Le Conseil d’État est même moins sévère que le tribunal administratif de Grenoble, puisqu’il a tenu à rappeler que le gestionnaire d’un service public peut l’adapter pour tenir compte des convictions religieuses des usagers, ce qu’avaient exclu les premiers juges.

Le Conseil d’État a donc rejeté in fine la requête de la Ville de Grenoble.

L’exécution de l’article 10 du règlement des piscines de Grenoble dans sa rédaction issue de la délibération du conseil municipal du 16 mai 2022 est donc suspendue en tant qu’il autorise l’usage de tenues de bains comme le burkini.

Le burkini est donc interdit à la piscine municipale par ordonnance du 21 juin 2022 du Conseil d’État, qui fera jurisprudence sur le sujet. C'est une décision qui était attendue par les collectivités qui souhaitent se positionner sur le sujet.

En revanche, le Conseil d’État a toujours refusé à ce jour de valider des arrêtés municipaux « anti-burkini » à la plage au nom de la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle (CE, 26 août 2016, n°402742).

Ce n’est que dans le cas très particulier où le port du vêtement religieux de baignade avait provoqué des rixes entre usagers sur la plage publique à Sisco en Corse qu’un arrêté municipal « anti-burkini » avait été validé au nom de l’ordre public par le Conseil d’État (CE, 14 février 2018, n°413982).

Une décision sur le fond du Conseil d'État au sujet du burkini est désormais attendue prochainement, mais elle devrait logiquement aller dans le même sens que l'ordonnance de référé rendue le 21 juin 2022.

À noter enfin que la Cour européenne des droits de l’Homme se prononcera prochainement sur le cas spécifique du burkini à la piscine municipale (CEDH, Requête n°54795/21, Assia MISSAOUI et Yasmina AKHANDAF contre la Belgique introduite le 22 octobre 2021).

Cette jurisprudence attendue de la CEDH pourrait avoir des répercussions sur la situation française et ouvrir la porte à des recours si la Cour européenne venait à adopter une position différente de celle du Conseil d’État.

Lire aussi nos autres articles sur le sujet :


- "Burkini : ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Grenoble" 
- "10 questions juridiques autour du burkini"

- "Laurent Wauquiez peut-il couper toutes les subventions à la Ville de Grenoble si elle autorise le burkini ?"
- "Burkini ou topless à la piscine municipale ?"
- "Peut-on juridiquement interdire le 'burkini' sur les plages françaises ?"
- "Burkini bans : what next ?"

Untitled 1

Compte tenu du résultat des élections législatives, qui a fait perdre au parti présidentiel la majorité absolue à l’Assemblée nationale le 19 juin 2022, de nombreux commentateurs évoquent la possibilité pour le Président de dissoudre la chambre basse. Les électeurs seraient alors convoqués à nouveau aux urnes pour espérer un résultat différent.

Lors de la soirée électorale, il a parfois été entendu que les textes obligeraient le Président à attendre un délai d’un an minimum avant de pouvoir prendre une telle décision.

C’est inexact.

Le droit de dissolution est un pouvoir propre du Président de la République.

C’est l’article 12 de la Constitution qui en fixe les conditions :

  • Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale ;
  • Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.

Cet article ne fixe qu’une seule limite au Président : il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit une précédente dissolution.

C’est la traduction juridique de l’adage « dissolution sur dissolution ne vaut » fixé dès 1830 en réaction aux tentatives répétées de dissolution de Charles X.

La lettre de l’article 12 de la Constitution est donc claire et ne fixe pas de limite au Président pour exercer son droit de dissolution dans l’année qui suit les élections législatives.

Le Président peut donc dissoudre la chambre basse sans délai, dès le lendemain des élections législatives.

En revanche, d’autres limites sont fixées par la Constitution :

  • L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels du Président de la République (pleins pouvoirs de l’article 16 de la Constitution) ;
  • Le Président du Sénat, qui exerce l’intérim des fonctions du Président de la République en cas de vacance de la Présidence pour quelque cause que ce soit, ou d'empêchement, ne peut pas décider de dissoudre l’Assemblée nationale, ce pouvoir ne lui étant pas conféré (article 7 de la Constitution).

D’un point de vue constitutionnel, rien n’oblige donc le Président de la République Emmanuel Macron à attendre un an avant de prendre la décision de dissoudre l’Assemblée nationale après le second tour des élections législatives.

Politiquement, les conséquences d’une telle décision sur l’opinion publique seraient toutefois difficiles à anticiper.

Lire aussi : "Élections législatives 2022 : comment contester le scrutin ?"

Untitled 1

"L'apparence est le vêtement de la personnalité" (Galienni).

À chaque jour, sa nouvelle polémique sur les tenues vestimentaires à l’école.

Début juin 2022, deux garçons de moins de 10 ans d’une école privée se sont vus interdire d’entrer en classe au motif qu’ils portaient des jupes (La Nouvelle République).

Mais est-ce bien légal ?

Les établissements scolaires ont le droit de réglementer les tenues des élèves dans leur règlement intérieur. Le chef d’établissement est responsable de l’ordre public et donc de la sécurité des élèves. Une interdiction de la jupe pour les garçons qui viserait à les protéger des moqueries et harcèlement de leurs camarades serait donc justifiée.

C’est la question de la tenue appropriée pour la vie scolaire qui se pose, et sa réglementation par les établissements. Alors comment doit-on s’habiller pour aller à l’école ? Et surtout, un établissement peut-il encadrer la tenue vestimentaire des élèves ?

L’obligation de l’uniforme partout et pour tous permettait d’éviter les écueils rencontrés aujourd’hui par les établissements scolaires. Mais cette obligation n’a pas cours de nos jours en France et les élèves sont donc libres de s’habiller comme ils le souhaitent.

Libres ? Pas tout à fait...

En effet, la loi fixe d’abord certaines limites, la plus connue étant la loi du 15 mars 2004 qui encadre, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. C’est en application de ce texte que le voile islamique est par exemple interdit dans tous les établissements scolaires français (mais pas à l’université).

Outre ce cas particulier des tenues religieuses, la loi est silencieuse sur les tenues vestimentaires « appropriées » pour les élèves. C’est là qu’intervient le règlement intérieur. Chaque établissement doit en effet se doter d’un règlement intérieur qui fixe l'ensemble des règles de vie, de civilité et de comportement dans l'établissement (article R.421-5 du code de l’éducation).

Le texte est préparé par la direction du collège ou du lycée et voté par le conseil d’administration. Dans ce cadre, les instances de l’établissement disposent d’une certaine latitude pour fixer et adapter les règles en fonction des circonstances particulières, c’est-à-dire juridiquement d’un pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du rectorat.

C’est par l’intermédiaire du règlement intérieur que les établissements peuvent ainsi réglementer, dans une certaine mesure, les tenues ou comportements des élèves. On peut penser par exemple à l’obligation de nouer ses cheveux, ou de porter une tenue adaptée dans les cours de physique-chimie avec utilisation du bec Bunsen, ce qui se comprend parfaitement.

En définitive, les obligations et limitations posées par le règlement intérieur doivent être adaptées à la configuration scolaire : on acceptera le maillot de bain pendant les heures de natation à l’EPS, mais pas dans la salle de classe.

Alors quid de la jupe pour les garçons ?

Il est possible de raisonnablement penser que cette tenue n’est pas adaptée à la vie scolaire, ne serait-ce que pour protéger les enfants eux-mêmes des moqueries et du harcèlement auxquels pourraient se livrer leurs camarades à leur endroit.

Il incombe au chef d’établissement de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer l’ordre public et donc notamment la sécurité des personnes scolarisées (article R.421-10 du code de l’éducation).

À ce titre, une interdiction de la jupe pour les garçons, formalisée dans le règlement intérieur sous le contrôle du chef d’établissement pourrait donc être justifiée par la nécessité de garantir la sécurité des élèves et l’ordre public au sein de l’établissement.

Mais pas d’excès ni de caricature ! Les exemples cocasses sont multiples, comme cette collégienne visée dans l’Isère par une procédure disciplinaire pour un débardeur trop « provocant » (Franceinfo) ou l’interdiction par un lycée des Yvelines du port du jogging dans l’enceinte de l’établissement (Le Point).

La liberté reste toutefois toujours la règle, et l’interdiction l’exception. On peut donc conclure qu’un établissement peut tout à fait imposer aux élèves une tenue appropriée et adaptée à la vie scolaire dans le cadre de son règlement intérieur, sans toutefois pouvoir aller jusqu’à des interdictions trop ciblées ou généralisées (voir notre article « Peut-on interdire les tenues « crop top » à l’école ? »). 

Un règlement intérieur qui poserait une interdiction trop ciblée ou trop générale serait excessif et pourrait toujours être contesté devant le rectorat ou le juge administratif (depuis la décision CE, 2 novembre 1992, « Kherouaa » les règlements des établissements scolaires ne sont plus des mesures d’ordre intérieur, mais des décisions exécutoires faisant grief, pouvant dès lors être déférées à la censure du juge).

Lire aussi :


Peut-on interdire les tenues « crop top » à l’école ?


Untitled 1

Les prochaines élections législatives se dérouleront les dimanches 12 et 19 juin 2022. C’est l’occasion de faire le point sur les possibilités de recours en la matière.

Explications en 10 points :

Qui peut contester ?
Quel juge saisir ?
Dans quel délai peut-on contester les résultats ?
Comment faire son recours ?
Comment le Conseil constitutionnel traite-t-il les recours ?
Le recours peut-il être déclaré irrecevable ?
Quels sont les arguments permettant d'annuler le scrutin ?
Un simple post Facebook peut-il faire annuler un scrutin ?
Quels sont les pouvoirs du Conseil constitutionnel en la matière ?
Existe-t-il des délais de jugement et des possibilités de recours ?

1/ Qui peut contester ?

Le droit de contester le scrutin législatif appartient :

  • À toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection,
  • Ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte de candidature (perdants).
A contrario, les opérations électorales ne peuvent donc pas être contestées par les partis politiques, les associations, ou les personnes publiques (Article 33 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Le scrutin législatif d’une circonscription ne peut par ailleurs pas être contesté par un électeur d’une autre circonscription.

2/ Quel juge saisir ?

Il résulte de l’article 59 de la Constitution que le Conseil constitutionnel est seul compétent pour connaître de la régularité des élections législatives :

« Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs ».

Un recours contre le scrutin législatif porté devant le Tribunal Administratif ou le Conseil d’Etat sera donc irrecevable.

Les recours devront donc être adressés au 2 Rue de Montpensier, 75001 Paris.

3/ Dans quel délai peut-on contester les résultats ?
 
L'élection d'un député peut être contestée devant le Conseil constitutionnel jusqu'au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l'élection, au plus tard à 18 heures (Article 33 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Ainsi, les recours contre les élections législatives de 2022 devront être déposés au secrétariat général du Conseil constitutionnel au plus tard :

  • Le mercredi 22 juin 2022 à 18 H pour une élection acquise au premier tour,
  • Ou le mercredi 29 juin 2022 à 18 H pour une élection acquise au second tour.
On note toutefois que les résultats sont généralement proclamés le lundi qui suit le tour de scrutin au terme duquel l’élection est acquise, ce qui porte le délai de recours aux jeudis 23 et 30 juin 2022, mais il convient d’être prudent en la matière.
 
4/ Comment faire son recours ?
 
Toutes les personnes ayant intérêt à agir contre le scrutin ont le choix d’adresser leur requête :

  • Directement au Secrétariat général du Conseil constitutionnel,
  • Ou indirectement, au Préfet, qui assurera lui-même la transmission au Conseil constitutionnel.
On conseillera toutefois aux requérants de préférer la voie directe, en adressant leur requête au Secrétariat général du Conseil constitutionnel par LRAR (afin de conserver la preuve de l’envoi dans les délais). L’intermédiaire du Préfet pourrait en effet poser difficultés en matière de computation des délais (en cas de litige) et n’apporte pas de plus-value supplémentaire sur la requête.

Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi que par une requête écrite adressée au secrétariat général du Conseil ou au représentant de l'Etat.

De manière traditionnelle s’agissant d’un contentieux administratif, la requête en contestation d’un scrutin législatif devra impérativement :

  • Être signée par le requérant,
  • Comporter ses nom, prénom, domicile, et qualité (électeur / candidat vaincu),
  • Indiquer de manière précise et non équivoque le nom des élus dont l’élection est attaquée,
  • Mentionner les irrégularités relevées (seuls les griefs pouvant exercer une influence sur les résultats de l’élection seront examinés par le Conseil).
La requête n'a pas d'effet suspensif : le député proclamé élu continue d’exercer son mandat tant qu’aucune décision d’annulation n’a été rendue.  

Elle est dispensée de tous frais de timbre ou d'enregistrement (Article 35 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Le recours à un avocat est facultatif en matière électorale devant le Conseil constitutionnel, mais les conseils et l’expérience du professionnel s’avèrent néanmoins pertinents et efficaces pour contester valablement le scrutin législatif.

5/ Comment le Conseil constitutionnel traite-t-il les recours ?

Le Conseil constitutionnel dispose de la faculté de rejeter par décision motivée et sans instruction contradictoire préalable, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui ne peuvent manifestement pas avoir une influence sur les résultats de l'élection. Cette décision est immédiatement notifiée à l'Assemblée nationale (Article 38 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Il convient donc de prêter une attention particulière à la rédaction de la requête pour ne pas risquer l’irrecevabilité, et le rejet sans instruction par le Conseil constitutionnel.

Dans l’hypothèse d’une requête recevable, le Conseil constitutionnel avise le député dont l’élection est contestée du recours, et lui donne un délai de son choix pour produire des observations écrites, dans le respect du contradictoire.

Dès réception de ces observations ou à l'expiration du délai imparti pour les produire, l'affaire est rapportée devant le Conseil qui statue par une décision motivée. Cette décision est notifiée à l'Assemblée nationale.

Cette procédure rappelle ici encore l’importance de la bonne rédaction de la requête initiale, puisque le Conseil constitutionnel est en capacité juridique de statuer sur la base de cette seule requête, et de la réponse adverse, sans attendre de mémoire complémentaire.  

Dans le cadre de l’instruction, le Conseil constitutionnel peut, si besoin, ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait à l'élection (notamment les comptes de campagne établis par les candidats intéressés). Il peut également procéder à l’audition des parties et entendre des témoins. En 2012, le Conseil a procédé à huit auditions et en 2017 à quatorze auditions.

6/ Le recours peut-il être déclaré irrecevable ?

OUI

L’irrecevabilité peut d’abord résulter du caractère prématuré de la requête. En effet, contester les résultats au soir du premier tour pour une élection acquise au second tour est inutile : la requête sera irrecevable. Il convient donc de bien veiller à attaquer le scrutin après le second tour (le cas échéant), en invoquant éventuellement à l’appui de la requête des moyens liés à l’irrégularité du premier tour de scrutin.

Pour des exemples, voir :

  • Décision n° 2012-4546, (Français établis hors de France, 11e),
  • Décision n° 2012-4547, (Hauts-de-Seine, 7e),
  • Décision n° 2012-4548, (Hauts-de-Seine, 6e),
  • Décision n° 2012-4550, (Paris, 2e).
L’irrecevabilité peut également résulter de la tardiveté de la requête. On veillera donc à bien respecter les délais pour agir (voir les délais supra). En 2012, de nombreuses requêtes ont été irrecevables pour tardiveté :

  • Décision n° 2012-4643 (Hauts-de-Seine, 6e),
  • Décision n° 2012-4644 (Alpes-Maritimes, 2e).
La requête sera aussi irrecevable si elle est déposée auprès d’une autorité incompétente pour la recevoir comme le Tribunal administratif. Pour un exemple, voir la Décision n° 2012-4582 (Nord, 9e).

Enfin, l’irrecevabilité sera constatée lorsque la requête contient uniquement des moyens ne tendant pas réellement à l’annulation de l’élection du député : il s’agit de griefs insusceptibles d’exercer une influence sur l’issue du scrutin.

À titre d’exemples :

  • Le fait de diffuser des documents de propagande présentant une similarité avec les documents de communication municipaux sans que ceux-ci soient annexés (Décision n° 2017-5084, Val-de-Marne, 9e),
  • Le fait pour un maire candidat d'avoir fait de la promotion sur sa gestion locale lors de la cérémonie des voeux, compte tenu d'un écart de voix important (Décision n° 2017-5046, Pas-de-Calais, 7e),
  • La seule présence d’un candidat au premier tour (Décision n°2012-4562, Nord, 13e),
  • Le seul contenu d'affiches électorales (Décision n°2012-4573, Seine-Maritime, 10e).
Une bonne rédaction de la requête permettra d’éviter toute irrecevabilité.

7/ Quels sont les arguments permettant d'annuler le scrutin ?

Tout moyen peut être invoqué par les requérants pour démontrer la nullité du scrutin (ex : irrégularités des affiches électorales, tracts, démarchage irrégulier sur internet ou par téléphone, fausses procurations, comptes de campagnes, pressions par intimidation ou corruption, différences de signatures d’électeurs entre le premier et le second tour, vices des opérations électorales, etc.).

On conseillera donc aux équipes de campagne des candidats de bien surveiller et relever toutes les irrégularités constatées, surtout pendant les opérations électorales, quitte à faire le tri au lendemain de l’élection.

L’annulation du scrutin ne sera toutefois encourue qu’en cas de griefs précis, démontrés, établis en fait, et susceptibles d’exercer une influence sur l’issue du scrutin en raison d’un faible écart de voix (apprécié au cas par cas).

Il n'appartient en effet pas au juge de l'élection de sanctionner toutes les irrégularités, mais seulement celles qui ont pu affecter la sincérité du scrutin.

En 2012, le Conseil constitutionnel a été saisi de 108 requêtes, et n’a prononcé que 7 annulations.

En 2017, le Conseil constitutionnel a été saisi de 298 requêtes, et n’a prononcé que 8 annulations.

À titre d’exemples :

  • Dans la 1ère circonscription du département du Territoire de Belfort, le Conseil a considéré que le fait de diffuser des tracts imprimés à 10 000 et 15 000 exemplaires dont la présentation matérielle les faisait faussement apparaître comme émanant respectivement d'un parti concurrent constituait une manœuvre de nature à avoir créé une confusion dans l'esprit d'une partie des électeurs et à avoir influé sur le résultat du scrutin. Eu égard à l'ampleur de la diffusion tardive de ces tracts ainsi qu'au faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour, le Conseil a annulé les opérations électorales contestées (Décision n° 2017-5067 AN du 8 décembre 2017),
  • Dans la 2ème circonscription de la Guyane, le Conseil a considéré que l'absence d'assesseur dans deux bureaux de vote a entaché d'illégalité le scrutin compte tenu du faible écart de voix séparant les deux candidats du second tour - 56 voix - (Décision n° 2017-5091 AN du 8 décembre 2017),
  • Dans la 6ème circonscription de l’Hérault, le Conseil a invalidé 23 procurations, et annulé par conséquent l’élection acquise avec une avance de dix voix (Décision n° 2012-4590 A.N., 24 octobre 2012, Hérault 6e circ.),
  • Dans l’Oise, la diffusion tardive d’un tract a altéré la sincérité du scrutin et invalidé ce dernier, acquis avec 63 voix d’écart (Décision n° 2012-4594 A.N., 25 janvier 2013, Oise 2e circ.),
  • Dans les Hauts-de-Seine, l’élection a été annulée car le suppléant du candidat élu était déjà le remplaçant d’un sénateur élu (Décision n° 2012-4563/4600 A.N., 18 octobre 2012, Hauts-de-Seine 13e circ.).
Plus l’écart de voix sera faible, plus l’hypothèse d’un recours devra donc être sérieusement envisagée par les candidats.
 
8/ Un simple post Facebook peut-il faire annuler un scrutin ?

OUI

Si l'écart de voix entre les candidats est faible, un post Facebook irrégulier peut faire annuler l'élection.

C'est ce qu'a déjà jugé le Conseil constitutionnel à l'occasion du contentieux des élections législatives 2017 (Décision n° 2017-5092 AN du 18 décembre 2017).

Dans la 4ème circonscription du département du Loiret l'élection a été annulée le 18 décembre 2017 au motif qu'un candidat avait publié, le dimanche du second tour à 15 heures 52 sur la page « Facebook » dédiée à ses fonctions de maire une photo le représentant prononçant un discours à l'occasion de la cérémonie commémorant l'Appel du 18 juin, et faisant état de l'affluence à cette commémoration officielle.

Par ailleurs, un adjoint de ce même candidat avait publié le même jour à 11 heures 42 sur sa page « Facebook » personnelle des éléments de propagande électorale dont la diffusion était prohibée à cette date (un message invitant les électeurs à « choisir l'expérience face à l'aventure »).

Le Conseil constitutionnel a considéré que, compte tenu du faible écart de voix (7 voix), ces éléments étaient suffisants pour annuler l'ensemble des opérations électorales dans cette circonscription.

9/ Quels sont les pouvoirs du Conseil constitutionnel en la matière ?

Le Conseil constitutionnel dispose d’un pouvoir très large en matière électorale et peut notamment :

  • Rejeter la requête et valider l’élection,
  • Annuler l’élection (dans la circonscription concernée),
  • Réformer les résultats et proclamer élu un autre candidat.
L’annulation du scrutin législatif dans une circonscription est loin d’être exceptionnelle, le Conseil constitutionnel ayant déjà prononcé 71 annulations en la matière depuis sa création en 1958.   

On note toutefois que le Conseil constitutionnel n’a jamais encore proclamé élu un candidat à la place d’un autre, bien qu’il ait tout à fait pouvoir pour ce faire. La tendance est donc plutôt à l’annulation du scrutin en cas d’irrégularités et à laisser les électeurs se prononcer à nouveau.  

10/ Existe-t-il des délais de jugement et des possibilités de recours ?

NON

Aucun délai n’est fixé au Conseil constitutionnel pour rendre sa décision. Le délai de jugement variera donc en fonction de la complexité des irrégularités relevées.

Il convient de rappeler que le député élu restera en place jusqu’à l’éventuelle décision d’annulation.

En application de l’article 62 de la Constitution, l’autorité de la décision rendue par le Conseil constitutionnel est absolue : aucun recours n’est possible.
 
Enfin, la décision du juge constitutionnel n'a d'effet juridique qu'en ce qui concerne l'élection dont il est saisi (uniquement la circonscription concernée par le recours).

Untitled 1

Par une ordonnance du 25 mai 2022, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé qu’en autorisant les tenues religieuses de baignade comme le burkini dans ses piscines municipales, la ville de Grenoble avait gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public, dont la laïcité est une composante.


C’est la première fois que la juridiction administrative était saisie au titre de la nouvelle procédure de « déféré laïcité » issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi sur le séparatisme ».

Cette décision rendue par le juge administratif de Grenoble est aussi surprenante qu’audacieuse.

Le juge administratif a commencé par rappeler que les usagers des services publics disposent de la liberté constitutionnelle d'exprimer librement leur appartenance religieuse. En effet, à la différence des agents du service public, les usagers ne sont pas soumis à l’obligation de neutralité. Ce n’est que de manière exceptionnelle que la loi interdit à l’usager du service public de manifester ses convictions religieuses : c’est le cas par exemple dans les écoles, les collèges et les lycées publics sur le fondement de la loi du 15 mars 2004.

Les baigneurs, usagers des piscines municipales ne sont donc pas soumis à la laïcité. Le juge de Grenoble ne semble donc pas remettre en cause cette jurisprudence constante sur le sujet.

Néanmoins, le juge a également rappelé que l’article premier de la Constitution française dispose que la France est une République laïque qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de religion.

Sur cette base, le juge de Grenoble a indiqué que les règles de salubrité publique imposent des tenues de baignade près du corps à tous les usagers des piscines municipales, de manière égalitaire. Ces règles s’imposent donc à tous.

Or, et c’est le plus important, le juge administratif a décidé qu’en permettant à certains usagers des piscines municipales de porter des tenues religieuses de baignade, la ville de Grenoble a violé le principe de neutralité du service public, dont une des composantes est la laïcité.

Plus précisément, il nous semble que ce que veut dire par là même le juge de Grenoble, c’est qu’en permettant à certains usagers de porter des tenues religieuses de baignade, la ville de Grenoble a introduit une différenciation illégale entre les usagers, car fondée sur des considérations religieuses. Le principe constitutionnel d’égalité est donc méconnu par le règlement des piscines municipales.

Enfin, on peut comprendre de cette décision que le juge administratif considère que les usagers du service public sont libres d'exprimer leur appartenance religieuse... sous réserve de ne pas s'en prévaloir pour s'affranchir des règles communes organisant et assurant le bon fonctionnement des services publics.

Le juge des référés semble donc faire prévaloir le bon fonctionnement des services publics, donc l'ordre public, sur la libre expression des convictions religieuses par les usagers du service public.

In fine, le juge des référés de Grenoble a donc suspendu l’exécution de l’article 10 du règlement des piscines de Grenoble dans sa rédaction issue de la délibération du conseil municipal du 16 mai 2022 en tant qu’il autorise l’usage de tenues de bains non près du corps moins longues que la mi-cuisse comme le burkini.

La motivation importante de l’ordonnance est reproduite ci-après :


« Si les usagers du service public peuvent exprimer librement, dans les limites fixées par la loi, leur appartenance religieuse, les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances pour s'affranchir des règles communes organisant et assurant le bon fonctionnement des services publics. Par ailleurs, l’autorité administrative doit respecter le principe de neutralité et édicter des règles concourant au maintien de l’ordre public sous ses composantes de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publiques. Il ne saurait être dérogé aux règles édictées dans l’objectif d’assurer l’ordre public.

En permettant aux usagers du service public communal des piscines de Grenoble de porter des tenues « non près du corps », sous la seule condition qu’elles soient moins longues que la mi-cuisse - comme c’est le cas notamment du vêtement de baignade appelé burkini-, c’est à dire en dérogeant à la règle générale d’obligation de porter des tenues ajustées près du corps pour permettre à certains usagers de s’affranchir de cette règle dans un but religieux, ainsi qu’il est d’ailleurs reconnu dans les écritures de la commune, les auteurs de la délibération litigieuse ont gravement porté atteinte au principe de neutralité du service public ».


L’ordonnance du 25 mai 2022 du tribunal administratif de Grenoble est susceptible d'appel devant le Conseil d'État dans la quinzaine de sa notification. En ce cas, le Conseil d'État devra statuer dans un délai de 48 heures.

Le maire de Grenoble a déjà indiqué sa volonté de faire appel de cette décision :


Il est possible de douter que le Conseil d'État valide le raisonnement surprenant - du moins inédit - suivi aujourd'hui par le tribunal administratif de Grenoble sur ce sujet du burkini. Le Conseil d'État n'est en effet jamais allé aussi loin dans la conciliation laïcité / ordre public.

Bien au contraire, en jurisprudence, le Conseil d’État a toujours refusé à ce jour de valider des arrêtés municipaux « anti-burkini » au nom de la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle (CE, 26 août 2016, n°402742).

Il s’agissait toutefois d’arrêtés municipaux « anti-burkini » à la plage, et non à la piscine, ce qui est très différent.

Ce n’est que dans le cas très particulier où le port du vêtement religieux de baignade avait provoqué des rixes entre usagers sur la plage publique à Sisco en Corse qu’un arrêté municipal « anti-burkini » avait été validé au nom de l’ordre public par le Conseil d’État (CE, 14 février 2018, n°413982).

Il y aura donc rapidement une nouvelle jurisprudence du Conseil d'État intéressante sur le sujet du burkini, la première depuis 2016. C'est une décision attendue par les collectivités qui souhaitent se positionner sur le sujet.

Si le Conseil d'État ne tranchait pas définitivement le point juridique, seule la loi pourrait interdire, ou pas, le burkini dans la République.

Lire aussi nos autres articles sur le sujet :


- "10 questions juridiques autour du burkini"
- "Laurent Wauquiez peut-il couper toutes les subventions à la Ville de Grenoble si elle autorise le burkini ?"
- "Burkini ou topless à la piscine municipale ?"
- "Peut-on juridiquement interdire le 'burkini' sur les plages françaises ?"
- "Burkini bans : what next ?"

Untitled 1

La tenue religieuse de baignade "burkini" pose de nombreuses questions juridiques :

Le maire est-il compétent pour décider des règles applicables aux piscines ?
Des règles interdisent-elles la baignade habillée à la piscine ?
Les arrêtés municipaux « anti-burkini » à la plage sont-ils légaux ?
Le Conseil d’État a-t-il déjà validé un arrêté municipal « anti-burkini » ?
Les baigneurs des piscines municipales sont-ils soumis à la laïcité ?
Un maire peut-il autoriser le burkini dans les piscines municipales ?
Un Président de Région peut-il couper les subventions à une commune qui autoriserait le burkini dans ses piscines ?
Le Défenseur des Droits s’est-il déjà prononcé sur le burkini ?
Qu’est-ce que le déféré-laïcité ?
Y a-t-il eu beaucoup d’affaires impliquant le burkini en France ?

  • Le maire est-il compétent pour décider des règles applicables aux piscines ?

OUI

Le maire, appuyé par son conseil municipal et les services de police est investi des pouvoirs de police sur le territoire de sa commune.

À ce titre, l'élu local est donc bien compétent pour édicter le règlement intérieur des piscines municipales de sa commune, c’est-à-dire de décider des règles applicables afin d’en assurer le bon fonctionnement et la bonne gestion, à l’aune des principes de bon ordre, de sûreté, de sécurité et de salubrité publiques (Article L2212-2 CGCT).

  • Des règles interdisent-elles la baignade habillée à la piscine ?

OUI

Le respect des règles d’hygiène justifie généralement l’interdiction de la baignade habillée dans le règlement intérieur des piscines publiques françaises.

Tel que le rappellent à la fois le Code du sport (L322-2) et le Code de la santé publique (L1332-1), les établissements où sont pratiquées une ou des activités physiques ou sportives doivent en effet présenter pour chaque type d'activité et d'établissement des garanties d'hygiène et de sécurité définies par voie réglementaire.

Le burkini est donc généralement interdit dans les piscines municipales françaises au nom du principe de salubrité publique dont le maire doit assurer le respect, au même titre que le short de bain pour les garçons.

C’est une situation très différente de celle que l’on peut rencontrer à la plage par exemple, car les piscines sont des bassins clos.

  • Les arrêtés municipaux « anti-burkini » à la plage sont-ils légaux ?

NON

En jurisprudence, le Conseil d’État a toujours refusé à ce jour de valider des arrêtés municipaux « anti-burkini » au nom de la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle (CE, 26 août 2016, n°402742).

Il s’agissait toutefois d’arrêtés municipaux « anti-burkini » à la plage, et non à la piscine, ce qui est très différent.

En dernier lieu, le 17 juillet 2023, le Conseil d'État a suspendu en référé la décision du maire de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) d’interdire l’accès aux plages aux personnes portant une tenue manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse, telle que le burkini. Selon le Conseil d’Etat, cette interdiction porte atteinte de manière grave et illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté personnelle (CE, 17 juillet 2023, n°475636).

  • Le Conseil d’État a-t-il déjà validé un arrêté municipal « anti-burkini » ?

OUI

En août 2016, le maire de Sisco en Corse avait été contraint de prendre un arrêté municipal interdisant le port du burkini compte tenu d’une rixe liée à ce vêtement ayant fait cinq blessés et mobilisant plus de 500 personnes devant la préfecture (France24).

Dans ce cas très particulier où le port du vêtement religieux de baignade avait provoqué des rixes entre usagers sur la plage publique un arrêté municipal « anti-burkini » avait été validé au nom de l’ordre public par le Conseil d’État – CE, 14 février 2018, n°413982.

  • Les baigneurs des piscines municipales sont-ils soumis à la laïcité ?

NON

Le régime juridique applicable en matière de laïcité dépend de la personne concernée.

Si les fonctionnaires sont astreints à une stricte obligation de neutralité leur interdisant de manifester leurs convictions religieuses dans le cadre du service, il n’en va pas de même des usagers du service public.

Les usagers ont en effet, a priori, tout à fait le droit d’exprimer et de manifester leurs convictions religieuses. Une femme portant le foulard peut ainsi tout à fait se présenter au guichet d’une mairie, à condition qu’il ne dissimule pas l’intégralité de son visage (loi du 11 octobre 2010).

Ce n’est que de manière exceptionnelle que la loi interdit à l’usager du service public de manifester ses convictions religieuses : c’est le cas par exemple dans les écoles, les collèges et les lycées publics sur le fondement de la loi du 15 mars 2004.

Les baigneurs, usagers des piscines municipales ne sont donc pas soumis à la laïcité.

  • Un maire peut-il autoriser le burkini dans les piscines municipales ?

NON

Par une ordonnance du 21 juin 2022, le Conseil d’État a jugé qu’en autorisant les tenues religieuses de baignade comme le burkini dans ses piscines municipales, la ville de Grenoble avait violé le principe d’égalité de traitement des usagers du service public et porté atteinte au bon fonctionnement de ce dernier (CE, 21 juin 2022, Commune de Grenoble, n°464648).

C’est donc la violation du principe d’égalité de traitement des usagers du service public qui a été retenue par le Conseil d’État pour interdire le burkini à la piscine municipale, dans une décision qui a fait jurisprudence sur le sujet, et pas la laïcité.

Sur la base de ce précédent jurisprudentiel, le burkini est interdit à ce jour à la piscine municipal, même s'il est autorisé à la plage.

  • Un Président de Région peut-il couper les subventions à une commune qui autoriserait le burkini dans ses piscines ?

PROBABLEMENT

Le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a décidé de couper toutes les subventions régionales allouées à la Ville de Grenoble en raison de l'autorisation du burkini dans ses piscines municipales.

Comme tout acte administratif, une décision venant retirer un subventionnement doit être motivée en fait et en droit.

Il est évident qu’un Président de Région ne pourrait pas couper « toutes » les subventions à une commune au seul motif qu’elle autoriserait le burkini dans ses piscines municipales. Une telle décision serait trop générale et trop absolue, il n’y aurait ainsi pas lieu de couper toutes les subventions allouées à l’eau, aux cantines, aux écoles… pour un litige limité au niveau des piscines municipales.

En revanche, un retrait des subventions allouées à la commune au titre des piscines serait plus envisageable. Si le Président de Région considère que la décision de la commune viole les règles élémentaires de salubrité publique, alors il pourrait justifier en droit un arrêt des subventions pour ces établissements.

Un retrait de subvention pour le motif de la laïcité serait plus difficile à soutenir.

Il n’en demeure pas moins qu’un subventionnement n’est jamais inconditionné, et que le bénéficiaire doit toujours respecter les conditions posées par l’autorité qui le subventionne. Si la Région est dotée d’une Charte de la laïcité conditionnant les subventionnements, alors le Président de Région pourrait fonder en droit sa décision de retirer les subventions à la commune pour violation de cette Charte.

Le Président de Région pourrait aussi tout simplement décider de ne plus allouer de subventions à l’avenir à la commune, un subventionnement ne constituant jamais un droit acquis pour son bénéficiaire.

  • Le Défenseur des Droits s’est-il déjà prononcé sur le burkini ?

OUI

Plusieurs fois, le Défenseur des Droits a pris des décisions favorables au burkini à la piscine municipale et dans les bases de loisirs.

Le 27 décembre 2018, saisi par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), aujourd'hui dissous pour islamisme, le Défenseur des Droits a recommandé à une piscine gérée par un établissement privé dans le cadre d’une délégation de service public de modifier son règlement intérieur afin de le rendre non-discriminatoire pour les usagers souhaitant se baigner en burkini (décision 2018-303 du 27 décembre 2018 relative au refus d’accès d’un établissement de bain à une femme musulmane portant un burkini).

Le 12 décembre 2018, le Défenseur des droits a considéré que le refus opposé à une femme musulmane de nager en burkini dans la piscine d’un village de vacances où elle séjournait pendant 15 jours caractérisait une discrimination fondée sur la religion et le genre (décision 2018-297 du 12 décembre 2018 relative au refus d’accès à la piscine d’un village de vacances à une cliente portant un burkini).

En janvier 2021, toujours saisi par le CCIF, le Défenseur des Droits a estimé que l'interdiction du burkini dans les bases de loisirs en île-de-France était discriminante.

Dans ces affaires, le Défenseur des droits en conclut que le refus d’accès opposé aux usagers des piscines et bases de loisirs du fait qu’ils portaient un burkini et l’adoption d’un règlement intérieur interdisant son port caractérisent des discriminations fondées sur la religion et le genre, au sens des articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l’homme combinés avec son article 14, et de l’article 2-3 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.

  • Qu’est-ce que le déféré-laïcité ?

Le Préfet de l’Isère, en concertation avec le Ministère de l’Intérieur, a annoncé vouloir exercer un "déféré-laïcité" contre la décision de la Ville de Grenoble d'autoriser le burkini dans ses piscines (Le Monde).

Les actes des collectivités territoriales portant atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics peuvent faire l'objet d'un déféré préfectoral pour en demander l'annulation. Au regard de la procédure au fond qui peut toutefois durer plusieurs mois, voire plus d'un an, le déféré est souvent assorti d’une demande de suspension de l'exécution de l'acte en question.

Dans cette perspective, l'article 5 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a renforcé l'efficacité du contrôle du juge sur ces actes. Cet article a ainsi pour objet de garantir que les actes portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics puissent se voir appliquer le même régime de déféré suspension que les actes de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle (Instruction du Gouvernement du 31 décembre 2021 relative au contrôle de légalité des actes portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics).

Les nouvelles dispositions introduites au cinquième alinéa de l'article L. 2131-6 du CGCT prévoient que, lorsqu’un acte portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics est déféré au tribunal administratif, le juge statue sur la demande de suspension de l’exécution de l’acte dans un délai de 48 heures, comme lorsqu'un acte compromet l'exercice d'une liberté publique ou individuelle.

Ce délai court laissé au juge administratif pour se prononcer permet d'éviter que les effets produits par l'acte ne se prolongent, en particulier lorsque les atteintes graves portées aux principes de laïcité et de neutralité affectent des services publics qui accueillent des usagers dans leurs locaux (équipements sportifs, cantines, bibliothèques...).

Les conditions de recevabilité de la demande de suspension introduite par la loi du 24 août 2021 sont les suivantes :

- La demande de suspension doit nécessairement être associée à une requête au fond et déposée dans les délais de droit commun ;
- Il faut démontrer que l'acte contesté est de nature à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics. En revanche, à la différence des référés ouverts aux particuliers, l'urgence n'est pas à démontrer.

L'appréciation de la gravité de l'atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics peut être délicate, c'est pourquoi elle relève in fine du juge. La suspension n'est donc pas automatique.

Dans le cadre du burkini, il semble que le déféré-laïcité qui a été évoqué par le Préfet de l’Isère sera toutefois difficile à utiliser.

  • Y a-t-il eu beaucoup d’affaires impliquant le burkini en France ?

OUI

En août 2016, le maire de Villeneuve-Loubet a été le premier à prendre un arrêté municipal "anti-burkini" qui a d'abord été validé par le Tribunal administratif de Nice... (Franceinfo)

... avant d'être invalidé par le Conseil d'État, faisant jurisprudence sur le sujet (Le Monde).

En août 2016, le maire de Sisco en Corse a lui-même été contraint de prendre un arrêté municipal interdisant le port du burkini compte tenu d’une rixe liée à ce vêtement ayant fait cinq blessés et mobilisant plus de 500 personnes devant la préfecture (France24).

Cet arrêté a été exceptionnellement validé par le Conseil d'État car il entrait dans le cas très particulier du trouble à l'ordre public (rixes entre usagers sur la plage publique) (CE, 14 février 2018, Ligue des droits de l’Homme, n°413982).

En mai 2017, un rassemblement de personnes en burkini en marge du Festival de Cannes a été interdit par la préfecture de police en raison de risques de troubles à l’ordre public (L'express).

En août 2018, la Ville de Rennes a été la première à autoriser le burkini dans ses piscines municipales.

En mars 2019, le Syndicat mixte Baie de Somme Grand littoral picard a décidé de modifier le règlement intérieur de l'Aquaclub de Belle Dune à Fort-Mahon en interdisant le port du burkini, suite à une forte polémique et des tensions rencontrées sur le site (France 3).

En juin 2019, une dizaine de militantes ont occupé la piscine municipale de Grenoble dans le cadre d’une « action coup de poing » visant à imposer le port du burkini (France 3).

En juillet 2019, une forte pression a été exercée sur le maire de Villeurbanne afin de faire évoluer le règlement des piscines municipales en faveur du burkini (20 Minutes).

En septembre 2019, une quinzaine de militantes ont provoqué la fermeture d'une piscine à Paris après s'être baignées en burkini dans le cadre d’une autre opération « coup de poing » (Le Figaro).

En janvier 2021, saisi par le Collectif contre l’islamophobie en France, aujourd'hui dissous pour islamisme, le Défenseur des Droits a estimé que l'interdiction du burkini dans les bases de loisirs en île-de-France était discriminante (Le Point).

En mai 2022, la Ville de Grenoble autorise à son tour le burkini dans ses piscines municipales, suscitant une forte polémique (Le Monde).

Dans la foulée, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a annoncé couper "toutes les subventions régionales" à la Ville de Grenoble.

Untitled 1

La légalité d’une autorisation du burkini dans les piscines municipales qu’envisage la Ville de Grenoble est incertaine compte tenu des règles de salubrité publique applicables. Elle l’est moins sur le fondement de la laïcité, en l’absence de loi ou de décision du Conseil d’État en ce sens. Le Président Wauquiez ne pourrait pas couper toutes les subventions à la Ville de Grenoble pour ce seul motif. En revanche, la Charte régionale de la laïcité pourrait lui permettre de motiver un retrait du subventionnement aux piscines grenobloises.

Ce sont deux visions antagonistes de la laïcité et des droits des femmes qui s’affrontent.

Lundi 16 mai 2022, le conseil municipal de la Ville de Grenoble délibérera pour autoriser le port du « burkini » dans les piscines municipales sur demande du maire Éric Piolle qui en a fait un marqueur politique.

Mais le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a déjà prévenu : si le « burkini » était autorisé à Grenoble, alors toutes les subventions allouées à la Ville par la Région seront immédiatement coupées.

Mais cet arrêt des subventions régionales à cause du burkini serait-il bien légal ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord réfléchir à la légalité d’une décision autorisant le burkini dans les piscines municipales (1) avant celle de la sanction de retrait des subventions régionales pour ce motif (2).

1) Le maire peut-il autoriser le burkini dans les piscines municipales ?


Le maire, appuyé par son conseil et les services de police municipale est investi des pouvoirs de police sur le territoire de sa commune.

À ce titre, l'élu local est donc bien compétent pour édicter le règlement intérieur des piscines municipales de sa commune, c’est-à-dire de décider des règles applicables afin d’en assurer le bon fonctionnement et la bonne gestion, à l’aune des principes de bon ordre, de sûreté, de sécurité et de salubrité publiques (Article L2212-2 CGCT).

Le respect des règles d’hygiène justifie généralement l’interdiction de la baignade habillée dans le règlement intérieur des piscines publiques françaises.

Tel que le rappellent à la fois le Code du sport (L322-2) et le Code de la santé publique (L1332-1), les établissements où sont pratiquées une ou des activités physiques ou sportives doivent en effet présenter pour chaque type d'activité et d'établissement des garanties d'hygiène et de sécurité définies par voie réglementaire.

Le burkini est donc généralement interdit dans les piscines municipales françaises au nom du principe de salubrité publique dont le maire doit assurer le respect, au même titre que le short de bain pour les garçons. C’est une situation très différente de celle que l’on peut rencontrer à la plage par exemple, car les piscines sont des bassins clos.

Mais le maire de Grenoble semble bien décidé à s’affranchir de ces règles de salubrité publique pour autoriser le burkini dans ses piscines, car il en a fait un marqueur de sa politique.

Cette décision serait contestable au titre des règles de salubrité publique susvisées.

Elle le serait moins au titre de la laïcité.

En effet, le principe de neutralité des services publics ne s’applique pas à ses usagers, comme les baigneurs (sauf cas particulier de l’école publique), et le principe constitutionnel de laïcité ne peut pas constituer à ce jour le fondement d’une interdiction de port de signe religieux dans l’espace public (hors cas particulier du voile intégral).

En jurisprudence, le Conseil d’État a toujours refusé à ce jour de valider des arrêtés municipaux « anti-burkini » au nom de la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle (CE, 26 août 2016, n°402742) sauf dans le cas très particulier où le port de ce vêtement religieux avait provoqué des rixes entre usagers sur la plage publique (exemple de Sisco en Corse, où l’arrêté « anti-burkini » avait été validé au nom de l’ordre public – CE, 14 février 2018, n°413982).

La décision de la Ville de Grenoble d’autoriser le port du burkini dans ses piscines municipales serait donc contestable sur deux fondements :

- Les règles de salubrité publique ;
- Et les règles liées à l’ordre public, à la stricte condition que des incidents entre usagers interviennent au sein des piscines municipales à Grenoble pour ce motif.

En revanche, les règles de la laïcité ne semblent pas faire obstacle à ce jour au port du burkini dans les piscines municipales.

La légalité d’une décision municipale autorisant le burkini à Grenoble est donc incertaine à ce jour et des recours seront certainement déposés qui permettront à la juridiction administrative de trancher le point.

2) Le retrait de toutes les subventions régionales à cause du burkini serait-il légal ?


Comme tout acte administratif, une décision venant retirer un subventionnement doit être motivée en fait et en droit. Si le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez voulait retirer toutes les subventions à la Ville de Grenoble, comme il l’a déjà indiqué, il devrait alors justifier sa décision.

Il est évident que le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ne pourrait pas couper « toutes » les subventions à la Ville de Grenoble au seul motif qu’elle autoriserait le burkini dans ses piscines municipales. Une telle décision serait trop générale et trop absolue, il n’y aurait ainsi pas lieu de couper toutes les subventions allouées à l’eau, aux cantines, aux écoles… pour un litige limité au niveau des piscines municipales.

En revanche, un retrait des subventions allouées à la Ville de Grenoble au titre des piscines serait plus envisageable. Tel que nous l’avons vu, il n’y a pas de certitude juridique à ce jour sur la légalité d’une autorisation du port du burkini au sein des piscines municipales, ne serait-ce qu’au titre des règles de salubrité publique. Si Laurent Wauquiez considère que la décision de Grenoble viole les règles élémentaires de salubrité publique, alors il pourrait justifier en droit un arrêt des subventions pour ces établissements.

Le point sur la laïcité est plus délicat. Tel qu’il a également été vu, les règles de la laïcité ne semblent pas faire obstacle à ce jour au port du burkini dans les piscines municipales. Un retrait de subvention pour le motif de la laïcité serait donc difficile à soutenir.

Il n’en demeure pas moins qu’un subventionnement n’est jamais inconditionné, et que le bénéficiaire doit toujours respecter les conditions posées par l’autorité qui le subventionne. Or la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est dotée le 17 mars 2022 d’une Charte de la laïcité à laquelle ses subventionnements font désormais référence. Laurent Wauquiez pourrait donc essayer de fonder en droit sa décision de retirer les subventions à la Ville de Grenoble pour violation de cette Charte.

Compte tenu des positions antagonistes en présence, il est certain qu’un contentieux sera engagé par l’une ou l’autre des parties. Ce sera l’occasion pour le juge administratif de trancher le point important de la compatibilité avec l’espace public d’un vêtement religieux qui n’est pas anodin.

Untitled 1

En tant que propriétaire visé par une expropriation, vous disposez de droits que vous pouvez faire valoir pendant toute la procédure. Des recours sont possibles, car l’expropriation n’est pas totalement à la discrétion de la collectivité, qui doit remplir des conditions précises pour y recourir.

La propriété privée est protégée par les dispositions du Code Civil[1], mais également de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen[2].

Néanmoins, ces mêmes textes introduisent une limite, en autorisant les personnes publiques (comme une Commune, une Communauté de Communes, etc.) à mettre en œuvre la procédure d’expropriation dans un but d’utilité publique, afin de contraindre un propriétaire à leur céder son immeuble moyennant une juste et préalable indemnité.

Dans le cadre de l’expropriation, la personne publique peut donc récupérer votre terrain ou votre immeuble sans votre consentement.

Des recours existent cependant pour s’opposer à cette dépossession brutale.

La procédure d’expropriation est possible juridiquement à trois conditions :

  • Être justifiée par un intérêt public[3],
  • Que l’expropriant ne dispose pas déjà de terrain(s) où il aurait pu réaliser l’opération dans des conditions équivalentes[4] (sans exproprier),
  • Et que l’atteinte à la propriété de la personne expropriée ne soit pas disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

Le juge administratif veille au respect de ces trois conditions dans le cadre d’un contrôle dit « du bilan coûts/avantages »[5] de l’opération. 

Il faut donc s’assurer que ces conditions sont remplies pour s’opposer à une expropriation :

  • Le projet est-il justifié par un vrai intérêt public ? C’est-à-dire, qu’est-ce qui justifie la procédure d’expropriation diligentée contre vous ? L’enquête publique qui s’ouvre dans le cadre de la procédure d’expropriation permet de répondre à cette question. Si la collectivité n’a pas un vrai projet pour votre terrain, ou que le projet n’est pas d’intérêt public, alors un recours est envisageable ;
  • La personne publique ne dispose pas déjà de terrain(s) où elle pourrait réaliser l’opération dans des conditions équivalentes[6] sans avoir recours à l’expropriation ? Il faut vérifier ce point important. Si la collectivité a déjà un terrain où elle pourrait réaliser son opération, alors votre expropriation n’est peut-être pas justifiée et un recours est possible ;
  • L’atteinte à la propriété de la personne expropriée est-elle disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi ? Le juge met en balance l’atteinte à la propriété des personnes avec l’intérêt public de l’opération. La réalisation de l’opération ne doit pas entraîner une atteinte disproportionnée aux droits des personnes expropriées. Ici encore, si la personne publique peut réaliser son projet par des moyens plus souples, c’est-à-dire sans recourir à l’expropriation, la procédure peut être annulée par le juge.

Dans l’hypothèse où la collectivité ferait le choix d’initier une procédure d’expropriation pour devenir propriétaire de votre parcelle nécessaire à la réalisation de son projet, deux phases devront être respectées : une phase administrative (1) et une phase judiciaire (2). En tant que propriétaire, vous disposez de droits pendant toute cette procédure (3).

  1. La phase administrative de l’expropriation

La phase administrative suppose une enquête publique et une enquête parcellaire.

L’enquête publique tend à démontrer l’utilité publique du projet, à savoir sa finalité d’intérêt général permettant de justifier le recours à la procédure d’expropriation, et à recueillir l’avis de l’ensemble des personnes intéressées par le projet.

Dans le cadre de l’enquête publique, il est possible de prendre connaissance du dossier complet d’expropriation, donc du projet porté par la collectivité et de formuler des observations pour le contester.

L’enquête publique aboutit sur le prononcé d’une déclaration d’utilité publique (DUP), par arrêté préfectoral[7] qui doit être affiché en mairie.

Cet acte administratif peut être attaqué.

L’enquête parcellaire a pour objet de permettre aux propriétaires concernés de vérifier l’exactitude des informations dont dispose l’expropriant quant à la liste des parcelles à exproprier et aux bénéficiaires de l’indemnisation. Elle aboutit sur le prononcé d’un arrêté préfectoral de cessibilité[8].

Cet acte administratif peut également être attaqué.

Ces enquêtes durent au minimum 15 jours chacune. Toutefois, l’enquête publique et l’enquête parcellaire peuvent se dérouler en même temps, avec le même commissaire-enquêteur.

Le Préfet, seul habilité à déclencher la procédure d’enquête publique et d’enquête parcellaire, se voit transmettre un dossier d’enquête publique complet[9] ainsi qu’un dossier d’enquête parcellaire complet[10]

L’enquête publique et l’enquête parcellaire sont alors ouvertes par arrêté préfectoral, et conduites par un commissaire-enquêteur désigné par le Tribunal administratif. Des formalités de publicité doivent être respectées.

Au terme de la procédure de consultation, le Préfet prononcera l’utilité publique du projet dans le cadre d’une DUP, et la cessibilité des parcelles dans le cadre d’un arrêté de cessibilité. Si l’enquête publique et l’enquête parcellaire ont été menées ensemble, la DUP pourra toutefois tenir lieu d’arrêté de cessibilité[11].

Ces actes administratifs (arrêté préfectoral portant DUP et arrêté préfectoral de cessibilité) pourront être attaqués au contentieux devant le Tribunal administratif de ressort. Votre qualité de propriétaire concerné par le projet porté par la personne publique vous confère intérêt à agir contre ces actes devant le Tribunal.

Les arguments déjà évoqués pourront être soulevés dans ce cadre devant le juge :

  • Le projet est-il justifié par un vrai intérêt public?
  • La collectivité ne dispose pas déjà de terrain(s) où elle pourrait réaliser l’opération dans des conditions équivalentes[12] sans avoir recours à l’expropriation ?
  • L’atteinte à la propriété de la personne expropriée est-elle disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi ?

La phase administrative est suivie d’une phase judiciaire.

  1. La phase judiciaire de l’expropriation

Si la DUP est validée, c’est-à-dire si l’utilité publique de l’opération est reconnue, une seconde phase s’ouvrira après la phase administrative.

Cette phase dite judiciaire aura pour objet d’opérer concrètement le transfert de propriété de votre bien à la personne publique qui porte le projet.

Des possibilités de recours sont ouvertes. Dans ce cadre, l’avocat est obligatoire depuis une réforme de 2020 [13].

Ce transfert de propriété s’opérera :

  • À l’amiable,
  • Ou par saisine, par le Préfet, du juge de l’expropriation du Tribunal judiciaire de ressort[14].

L’expropriation des immeubles sera prononcée par le juge judiciaire dans un délai maximum de 15 jours après saisine : cette ordonnance aura pour effet de transférer la propriété des biens à la collectivité.

Ici encore, des possibilités de recours sont existantes tout le long de la procédure judiciaire et contre l’ordonnance rendue par le juge judiciaire, susceptible de recours en cassation.

La personne publique ne pourra entrer en possession effective du tènement qu’à l’issue de cette procédure judiciaire et à compter du paiement de l’indemnité d’expropriation qu’elle vous versera.

  1. Les droits des propriétaires pendant la procédure d’expropriation

En tant que propriétaire d’un bien objet d’une expropriation, vous pouvez prétendre à une « juste indemnité »[15], couvrant l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation[16].

Une offre indemnitaire devra vous être adressé par la collectivité dès notification de l’ordonnance d’expropriation (ou avant) par courrier postal recommandé (LRAR).

L’estimation de la valeur du bien exproprié est effectuée par le service des Domaines de l’État. La valeur retenue est souvent malheureusement inférieure à la vraie valeur vénale du bien.

Dans l’hypothèse d’un accord, un traité d’adhésion sera signé, et la personne publique pourra vous verser l’indemnité.

En cas de désaccord, l’indemnité sera fixée par le juge de l’expropriation.

L’estimation des Domaines peut être contestée devant le juge avec une contre-expertise de la valeur vénale du bien.

Enfin, vous disposez toujours de la possibilité, jusqu’au jugement fixant l’indemnité, de proposer une cession amiable de votre bien[17].


***


Ce qu’il faut retenir :

La procédure d’expropriation comprend une phase administrative puis une phase judiciaire.

À chaque phase, des possibilités de recours sont existantes, d’abord devant le Tribunal administratif (contre l’arrêté préfectoral portant DUP et l’arrêté préfectoral de cessibilité), puis devant le Tribunal judiciaire.

Les arguments principaux pour s’opposer à l’expropriation seront les suivants :

  • Le projet est-il justifié par un vrai intérêt public?
  • La collectivité ne dispose pas déjà de terrain(s) où elle pourrait réaliser l’opération dans des conditions équivalentes[12] sans avoir recours à l’expropriation ?
  • L’atteinte à la propriété de la personne expropriée est-elle disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi ?

Si l’expropriation de votre parcelle va au bout, la personne publique devra vous verser une juste et préalable indemnité.

L’estimation de la valeur du bien exproprié est effectuée par le service des Domaines de l’État. La valeur retenue est souvent malheureusement inférieure à la vraie valeur vénale du bien.

L’estimation des Domaines peut être contestée devant le juge avec une contre-expertise de la valeur vénale du bien.


***

 

[1] Article 545 du Code Civil : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité »

[2] Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité »

[3] Article 545 du Code Civil, Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Conseil Constitutionnel, 25 juillet 1989, n°89-256 DC

[4] CE, 29 juin 1979, Malardel, n° 05536, CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Époux Hartmann-Six, n° 91558 et n° 91559

[5] CE, 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est, n°78825

[6] CE, 29 juin 1979, Malardel, n° 05536, CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Époux Hartmann-Six, n° 91558 et n° 91559

[7] Article R.11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[8] Article R132-1 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[9] Article R112-4 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[10] Article R131-3 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[11] Article R131-14 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[12] CE, 29 juin 1979, Malardel, n° 05536, CE, 20 novembre 1974, Époux Thony et Époux Hartmann-Six, n° 91558 et n° 91559

[13] Article R311-9 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[14] Article R221-1 et suivants du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[15] Article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et Article 545 du Code Civil 

[16] Article L321-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

[17] Article L222-2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique 

Untitled 1

Alors que le Président de la République Emmanuel Macron vient d'être réélu dimanche 24 avril 2022 pour un deuxième mandat, la question est déjà posée par certains : la Constitution française autorise-t-elle le Président à effectuer un troisième mandat ?

Oui.

L’article 6 de la Constitution française dispose que :

« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

Alors que la limitation à deux mandats consécutifs avait été envisagée dès la réforme de 2000 sur le quinquennat présidentiel, elle n’a finalement été retenue que dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008.

Le texte est clair : c’est bien une limitation à deux mandats consécutifs qui est retenue.

Un Président de la République ayant déjà effectué deux mandats consécutifs pourrait donc tout à fait se représenter pour un troisième mandat… à condition de laisser temporairement sa place à un successeur pour au moins un mandat.

Emmanuel Macron pourrait donc tout à fait envisager un troisième mandat, sans toutefois pouvoir se représenter immédiatement en 2027.

Sauf si la Constitution venait à être révisée pendant le quinquennat présidentiel qui s’ouvre et que la limite était supprimée…

Historiquement, la limitation de la possibilité pour le Président de se représenter rappelle la Constitution de la IIe République de 1848, dont l’article 45 disposait :

« Le président de la République est élu pour quatre ans, et n'est rééligible qu'après un intervalle de quatre années. »

C’est cette limite constitutionnelle qui avait justifié le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, pour se maintenir au pouvoir.

Gageons toutefois que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets.

Untitled 1
Tout le monde a vu les images de ces femmes insultant copieusement Emmanuel Macron à l’annonce des résultats du second tour de l’élection présidentielle française à Hénin-Beaumont :
Mais peut-on librement insulter ainsi le vainqueur de l'élection présidentielle ?

Non.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 protège en ses articles 10 et 11 la liberté d’expression des français :

  • Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ;
  • La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Mais cette liberté n’est pas infinie, comme le montrent les deux limites fixées par ces articles de valeur constitutionnelle : l’ordre public établi par la loi, et l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Historiquement, un délit d’offense au chef de l’État avait été créé par l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Puni de 45 000 euros d’amende, mais tombé en désuétude sous la Vème République, ce délit a été abrogé par la loi du 5 août 2013 suite à un arrêt célèbre de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnant la France (affaire dite de l’affichette « Casse-toi pov' con »).

Mais l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État n’est pas pour autant un blanc-seing donné pour insulter librement le Président élu depuis lors.

Les insultes anti-Macron entrent en effet parfaitement dans la qualification pénale de l’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique défini à l’article 433-5 du code pénal :

« Constituent un outrage puni de 7 500 euros d'amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. Lorsqu'il est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique, l'outrage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »


En outre, comme le relevait le Professeur Olivier Beaud auteur d’un livre remarqué sur la question (L'Express), le chef de l’État élu est protégé de l’injure et de la diffamation publique comme tout citoyen ordinaire (articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Autant de qualifications pénales pouvant être mobilisées pour sanctionner les contrevenants.

D’origine législative, ces articles du code pénal et de la loi sur la liberté de la presse doivent être regardés comme des limites légitimes et indispensables à la liberté constitutionnelle d’expression, posées par la loi.

Bien évidemment, les sanctions posées par le code pénal et la loi sur la liberté de la presse constituent des plafonds rarement appliqués par les tribunaux, et destinés à être modulés en fonction du passé pénal ou des motivations des individus interpellés.

Dans le cas de l’affaire « Casse-toi pov' con », le militant socialiste qui avait brandi une affichette insultant le Président Sarkozy à Laval avait par exemple été condamné à seulement 30 euros d’amende avec sursis (Le Figaro).

Récemment le 28 mars 2022, la « gilet jaune » qui avait hurlé, dans un état second,  « Macron démission, Macron décapitation ! » a été condamnée à 3 mois de prison avec sursis (Franceinfo).

Les militantes filmées insultant copieusement Emmanuel Macron à l’annonce des résultats du second tour de l’élection présidentielle française à Hénin-Beaumont pourraient donc être inquiétées juridiquement, si elles étaient identifiées et si le Procureur de la République décidait d'ouvrir une enquête à leur égard.

Alors non, il n’est pas possible juridiquement d’insulter impunément le Président de la République, même dans le cadre d'une soirée électorale, qu’on soit ou non d’accord avec la politique menée. Se garder toujours de l'écueil relevé par Paul Valéry "Qui ne peut attaquer le raisonnement attaque le raisonneur".

PODCASTs

écoutez-moi sur :

Soundcloud 

iTunes

INTERVENtions PRESSE

- Le Progrès (19/02/2024)
- France 2 (12/02/2024)
- BFMTV (12/02/2024)
- BFMTV (11/02/2024)
- Independent Arabia (26/01/2024)
- Le Progrès (14/01/2024)
- Independent Arabia (16/12/2023)
- Le Progrès (15/10/2023)
- Independent Arabia (31/08/2023)
- Franceinfo (28/08/2023)
- Europe 1 (18/07/2023)
- Amnesty International (04/07/2023)
- Franceinfo (02/07/2023)
- Le Progrès (28/06/2023)
- Le Figaro (04/05/2023)
- Actu Paris (04/05/2023)
- BFMTV (23/04/2023)
- Le Point (01/02/2023)
- Ouest France (31/01/2023)
- Sud Radio (30/01/2023)
- Radio classique (19/01/2023)
- Le Figaro (17/01/2023)
- Le Parisien (14/01/2023)
- Le Progrès (06/01/2023)
- Ouest France (23/12/2022)
- France 3 (17/12/2022)
- France 3 (10/12/2022)
- Le Progrès (08/12/2022)
- Le Progrès (22/11/2022)
- Sud Radio (18/10/2022)
- TF1 (08/10/2022)
- Ouest France (01/10/2022)
- Le Progrès (22/09/22)
- Le JDD (11/09/22)
- BFMTV (03/09/22)
- Ouest France (01/09/22)
- Le Parisien (01/09/22)
- BFMTV (08/08/22)

- BFMTV (08/08/22)
- Libération (06/08/22)
- Tout sur mes finances (18/07/22)
- Ouest France (13/07/22)
- 20 Minutes (09/05/22)
- Le Figaro (06/07/21)
- Radio classique (11/06/21)
- Ouest France (04/06/21)
- Marianne (03/06/21)
- TV France 3 (20/05/21)
- TV France 3 (21/11/20)
- Franceinfo (23/11/20)
- L'Écho républicain (03/11/20)
- Pépère news (02/11/20)
- Franceinfo (15/09/20)
- Le JDD (30/08/20)
- Causeur (22/05/20)
- Challenges (27/04/20)
- Libération (04/03/20)
- Acteurs publics (04/03/20)
- Acteurs publics (03/03/20)
- Le JDD (07/01/20)
- Sud Radio (05/12/19)
- UCLy (06/12/19)
- Causeur (01/12/19)
- Le Parisien (01/11/19)
- La voix du Nord (07/08/19)
- France info (16/07/19)
- Ouest France (06/07/19)
- LCI (04/05/19)
- Le Figaro (29/04/19)
- Libération (10/04/19)
- Libération (25/03/19)
- TV 20H RT France (10/01/19)
- Capital (04/01/19)
- Le Parisien (03/01/19)
- LCI (03/01/19)
- Causeur (12/12/18)
- Ouest France (16/11/18)
- Causeur (25/10/18)
- Causeur (17/10/18)
- Le Figaro (28/09/18)
- Causeur (03/07/18)
- TV Franceinfo (09/05/18)
- La Croix (03/05/18)
- Franceinfo (02/05/18)
- Causeur (27/10/17)
- Ouest France (19/06/17)
- 20 minutes (07/06/17)
Le Monde (10/03/17)
- Causeur (16/03/17)
- RTBF (04/04/17)
Politis (13/03/17)
- L'Express (12/10/16)
- Radio Classique (04/10/16)
TV France 24 (27/08/16)
- Le Parisien (27/08/16)
L'Express (26/08/16)
- RMC (21/06/16)
- La Tribune de Lyon (03/12/15)
- La semaine juridique JCPA (31/08/15)
- L'Express (26/02/14)
20 Minutes (06/01/14)
- La Revue des Droits de l'Homme

Suivez-moi sur