Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

Ligne directe : 07.80.99.23.28

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Elle est devenue le nouveau cheval de bataille des partisans du « made in France » (expression anglaise, allez comprendre…) et un sujet majeur de la campagne présidentielle. Elle, c’est la nouvelle clause à la mode, la « clause Molière », ou « clause de langue française », inventée à Angoulême, et exportée depuis lors dans toute la France, notamment en Auvergne Rhône-Alpes.

Cette clause dite « Molière » est assez simple à comprendre : elle impose la maîtrise du français par tous les ouvriers sur les chantiers de travaux publics, avec contrôles à la clé.

Concrètement, toute entreprise de BTP dont les ouvriers ne maîtrisent pas la langue française est donc susceptible de se voir fermer l’accès aux marchés publics de travaux de la collectivité imposant et appliquant la clause Molière.

Mesure « logique », « évidente », qui « devrait exister depuis longtemps », entend-on ces derniers jours de toutes parts. La réalité est, comme souvent, plus nuancée.

La clause Molière est en effet moins une mesure destinée à promouvoir la langue française et la francophonie sur les chantiers qu’une sanction déguisée destinée à lutter contre le travail détaché.

L’idée est astucieuse, car contrairement à ce que l’on entend parfois, le travail détaché est parfaitement légal en France, comme dans toute l’Europe, en application d’une directive européenne de 1996, révisée en 2014.

Il n’est donc pas possible de l’interdire directement, sous peine de violer le droit de l’UE, et ses transpositions dans le droit français.

Le vrai travail détaché consiste, pour une entreprise basée hors de France, à envoyer des salariés (détachés) dans l’hexagone pour y travailler temporairement. C’est pourquoi il n’est pas rare d’entendre parler portugais, roumain ou polonais sur les chantiers français (pour les trois nationalités les plus représentées, au regard des dernières statistiques disponibles).

Sauf pour les partisans de « la France aux français », cette possibilité du travail détaché s’inscrit dans la logique de la construction européenne, et notamment son marché unique au sein duquel la concurrence est libre et non faussée : dans une vision idyllique, l’ouverture est réciproque, c’est-à-dire qu’il est parfaitement loisible aux entreprises françaises de détacher elles-mêmes leurs travailleurs au Portugal, en Roumanie ou en Pologne. Ce serait donc gagnant-gagnant.

Il n’en est pourtant rien.

D’une part, parce que, nonobstant l’obligation de respecter un certain nombre de règles (notamment, le respect du salaire minimum du pays d’accueil, de la législation applicable en matière de temps de travail, de congés payés, d’hygiène et de sécurité au travail), le travail détaché permet allègrement aux entreprises de pratiquer un important dumping fiscal et social. Un ouvrier roumain sera ainsi bien moins payé sur un chantier en France que son homologue français, dans la mesure où ce dernier perçoit généralement davantage que le salaire minimum, et surtout, que le roumain cotisera en Roumanie (où les cotisations sont bien évidemment plus faibles).

D’autre part, une importante fraude au travail détaché est constatée : elle peut concrètement consister en la création de fausses sociétés étrangères, uniquement destinées, dans les pays à faibles cotisations, à détacher fictivement de vrais travailleurs.

Ces abus ne sont pas acceptables et doivent être dénoncés.

Il n’en demeure pas moins que le vrai travail détaché est légal en l’état actuel des textes applicables, et que le juriste doit se prononcer au regard des seuls textes en vigueur, sans considérations partisanes.

Dans ce cadre rappelé, la clause Molière peut poser difficulté.

En effet, les règles applicables en matière de passation de marchés publics sont strictes, qui imposent la plus totale liberté d’accès à la commande publique, et l’égalité de traitement de toutes les entreprises qui respectent les règles.

Ainsi, chaque candidature et chaque offre doit être regardée de manière objective par le pouvoir adjudicateur (collectivité publique), sans a priori d’aucune sorte, et comparée aux autres sans discrimination, en application de l’égalité de traitement des candidats : seuls le prix et la valeur technique des offres doivent permettre de les comparer, et de les noter. Pour le dire plus clairement encore, la candidature et l’offre d’une entreprise polonaise ne seront pas par nature de moindre valeur que celle d’une entreprise française, du seul fait qu’elle soit française. Point de préférence nationale en matière de marchés publics. La nationalité de l’entreprise et de ses travailleurs ne doit donc pas être prise en considération par les collectivités publiques dans l’analyse des candidatures et des offres, en application des textes européens.

Or la clause Molière introduit en la matière une différenciation, puisque, par nature, toute entreprise étrangère ne sera pas en mesure d’attester que ses travailleurs parlent le français, et seront en mesure de le parler sur les chantiers.

La clause Molière fait donc directement obstacle à la candidature des entreprises étrangères aux marchés publics français (sauf, peut être, les entreprises canadiennes, belges, suisses ou togolaises ?). C’est donc le principe constitutionnel de libre accès à la commande publique qui se trouve menacé (il s’apprécie bien évidemment jusque dans l’UE, et au-delà).

En outre, la clause Molière conduit le pouvoir adjudicateur qui l’applique à un traitement différencié des candidatures et offres en présence, privilégiant toujours les entreprises françaises : c’est le principe constitutionnel d’égalité de traitement des candidats qui est violé.

Par ailleurs, comment définir la « maîtrise » de la langue française ? Où place-t-on le curseur (la clause est imprécise) ? De surcroît, la présence d’interprètes sur les chantiers (comme souvent), fait-elle échec à l’application de la clause ? Des difficultés concrètes d’application s'anticipent donc déjà.

Sauf à prouver que la maîtrise du français est nécessaire pour construire un mur (que la langue est donc une condition d’exécution du marché public), la clause Molière sera difficile à défendre devant le juge.

Seul ce dernier pourra toutefois trancher la question de sa légalité, et il pourrait cependant être sensible aux arguments tendant à démontrer que la maîtrise de la langue française serait indispensable pour assurer la parfaite sécurité des travailleurs sur les chantiers. Mais étaient-ils dans l’insécurité la plus totale jusqu’alors ? Et, si tel était le cas, pourquoi ne réagir qu’en 2017 ?

Le juge administratif sera amené à se prononcer prochainement sur la question, puisque des déférés préfectoraux se préparent (notamment à l'initiative du Préfet Delpuech, dans le Rhône). À l’instar de l’exception de préférence locale dans les marchés publics (fondée par exemple sur la rapidité d’exécution, ou la connaissance du contexte local), le juge pourrait choisir de faire jurisprudence, en posant une nouvelle exception aux règles de passation des marchés publics (nous n’y croyons guère).   

D’aucuns nous opposeront également que le recours au travail détaché induit par lui-même une distorsion de concurrence puisqu’il permet aux entreprises de candidater à un prix plus bas aux mêmes marchés publics. C’est indéniable, mais, dans ce cas là, c’est le procès du travail détaché qu’il faut instruire.

On l’aura compris, la clause Molière est une mauvaise réponse apportée à une vraie question. Point de clause Molière, fragile juridiquement, c’est la question du travail détaché en lui-même qu’il faut oser poser !

20 ans après la directive de 1996, faut-il une nouvelle directive détachement ? Faut-il interdire le travail détaché ? Faut-il imposer une harmonisation fiscale et sociale par le haut aux travailleurs détachés ? Les faire cotiser en France (et vice-versa) ? Les payer à égalité de traitement avec les travailleurs français ? Les réponses sont politiques, et hors de notre propos, mais voilà les vraies questions, auxquelles la clause Molière n’est pas même le commencement d’une réponse.

Point de Monsieur Argan, ce n’est pas le malade qui est ici imaginaire, c’est le remède qui est inefficace !

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Retrouvez mes interventions récentes sur ce sujet dans le quotidien « Le Monde » et l’hebdomadaire « Politis ».

2017
Candidat parti pour rester, implosion des partis majoritaires, affaires, complots, trahisons, hologramme, la campagne présidentielle de 2017 restera dans les livres d'Histoire comme celle de tous les excès et de tous les possibles. Scrutin suprême, rencontre d'un homme avec la Nation, épicentre de la vie politique française, l'élection présidentielle n'en demeure pas moins, comme tout scrutin, susceptible de recours. Si d'aucuns dénoncent un "gouvernement des juges", le juge électoral reste le garant de la sincérité et de la régularité des opérations électorales et du résultat de l'élection présidentielle (1). D'autres recours sont également ouverts aux électeurs et candidats (2). 

1/ Le contentieux des résultats de l'élection présidentielle

L’article 58 de la Constitution confère compétence au Conseil Constitutionnel pour connaître du contentieux relatif à l’élection présidentielle :

« Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin. »

Les résultats peuvent être contestés par les électeurs (a), et des requérants particuliers (b), suivants des modalités qui diffèrent.

a) Les recours des électeurs

Tout électeur a le droit de contester la régularité du scrutin en faisant porter au procès-verbal (PV) des opérations de vote mention de sa réclamation, dans les bureaux de vote (Article 30 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001).

Ceci signifie que les requérants-électeurs doivent formuler leurs requêtes le jour du scrutin (au premier et/ou au deuxième tour), dans les bureaux de vote, sans possibilité d’adresser directement leurs protestations électorales au Conseil Constitutionnel.

Par ailleurs, l’intérêt à agir des électeurs est limité aux opérations électorales du bureau de vote où ils sont inscrits.

1500 magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif remplissent les fonctions de délégués du Conseil Constitutionnel le jour des opérations électorales sur tout le territoire, aux fins de transmettre le plus rapidement possible à ce dernier toutes les réclamations déposées par les électeurs. Ce sont eux qu'il faut solliciter.

On encouragera donc les électeurs qui le souhaitent à faire remonter, le plus rapidement possible, toute irrégularité constatée le jour du vote aux assesseurs et/ou délégués du Conseil Constitutionnel présents dans les bureaux de vote.

Le Conseil Constitutionnel statue le plus rapidement possible sur les réclamations qui lui parviennent. Selon la gravité des manquements constatés, il peut procéder à l'annulation totale ou partielle des résultats du bureau de vote concerné.

En matière de contentieux électoral, les manquements sanctionnés sont ceux qui entachent le secret, la liberté et la sincérité du vote.

Ainsi à titre d’exemple de :

  • L’absence de mise à disposition d’isoloirs,
  • L’absence de bulletins de vote d’un ou plusieurs candidats,
  • Les irrégularités de la liste d’émargement,
  • L’opacité de l’urne électorale,
  • Ou encore le dépouillement à huis clos.
Toutefois, l’annulation de l’élection présidentielle ne serait encourue que dans l’hypothèse d’irrégularités d’une telle ampleur, qu’elles renverseraient le résultat du vote : on pense, par exemple, à l’inscription de milliers de faux-électeurs sur les listes électorales.

Au regard du nombre considérable de suffrages qui séparent les candidats à la fonction suprême (1.139.983 voix ont séparé François Hollande de Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle de 2012), le risque est toutefois faible qu’une irrégularité électorale constatée entraîne l’invalidation du scrutin, même si les résultats d’un ou plusieurs bureaux de vote sont invalidés.

Sauf en cas de scrutin très serré et de fraude très importante, il est donc fort peu probable qu’un recours engagé par un électeur conduise à l’annulation des résultats de l’élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel.

b) Le recours spécial des requérants particuliers

Deux catégories de requérants particuliers disposent d’un recours spécial (direct) contre le scrutin présidentiel.

En premier lieu, les Préfets peuvent, dans un délai de 48 heures suivant la clôture du scrutin, déférer directement au Conseil constitutionnel les opérations d'une circonscription de vote dans laquelle les conditions et formes légales ou réglementaires n'ont pas été observées (Article 30 alinéa 2 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001).

En deuxième lieu, les candidats (du premier et du second tour) peuvent, dans ce même délai de 48 heures, déférer directement au Conseil constitutionnel l'ensemble des opérations électorales (Article 30 alinéa 3 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001).

Là encore, sauf fraude massive et écart de voix infime, on voit mal comment un recours pourrait renverser le résultat de l’élection présidentielle, sans toutefois pouvoir l’exclure.

2/ Les autres recours contre l'élection présidentielle

D’autres recours contre le scrutin présidentiel sont existants, bien qu’ils n’aient aucune incidence directe sur les résultats du vote.

Ainsi, le Conseil Constitutionnel est compétent pour connaître des requêtes dirigées contre le décret de convocation des électeurs pour les opérations électorales. Pour 2017, voir le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République. S’agissant d’un décret, on retiendra le délai traditionnel de deux mois pour agir (la date du 24 février n’est donc pas anodine). En la matière, seules des erreurs de dates ou de circonscriptions électorales semblent susceptibles de fonder un recours.

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de recours contre la liste officielle des candidats. En la matière, seuls les candidats ayant fait l’objet d’une présentation (et évincés de la course présidentielle) sont habilités à déposer un recours, dans le jour qui suit la publication au Journal officiel de la liste des candidats (au cas présent, jusqu’au 22 mars 2017 à minuit). Les électeurs ne peuvent donc pas contester cette liste. Le plus souvent, c’est le contrôle du nombre et de la validité des parrainages qui sera discuté dans le cadre de ce contentieux. Pour un exemple, voir la décision du Conseil Constitutionnel du 22 mars 2012 portant sur une réclamation présentée par Mme Corinne Lepage.
  
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) s’assure elle du respect par les candidats des règles applicables aux comptes de campagne (notamment le plafonnement des dépenses), et le Conseil constitutionnel a compétence pour connaître des recours déposés par les candidats contre ses décisions. En la matière, les candidats ne peuvent déposer de recours que contre la décision de la Commission portant sur leur propre compte de campagne, et pas celui des autres candidats. Le délai de recours est d’un mois à compter de la décision de la Commission. S’ils constatent, par exemple, un dépassement du plafond autorisé, la CNCCFP et le Conseil Constitutionnel pourront rejeter le compte de campagne, le réformer, ou fixer un montant de remboursement (on se souvient de la célèbre décision de 2013 par laquelle le Conseil Constitutionnel avait validé le rejet par la CNCCFP du compte de campagne du candidat Sarkozy, qui n’avait donc pas pu bénéficier du remboursement étatique forfaitaire de son compte de campagne, suivie du "Sarkothon").

Enfin, les électeurs peuvent adresser librement, et sans formalités particulières, leurs réclamations au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui veille au respect des temps de parole des candidats, et à la Commission des sondages qui comme son nom l'indique, s’assure du respect des strictes règles applicables aux sondages (notamment quant aux périodes de publication).

***

Si l'ensemble de ces recours sont existants, on constate toutefois qu'ils sont peu utilisés pour le scrutin présidentiel. Sans doute le suffrage universel est-il le seul juge de cette élection particulière, ou comme le disait le Général de Gaulle qu'en France, "la Cour suprême, c'est le peuple". 

Les grandes métropoles françaises (surtout Lyon et Paris) connaissent depuis fin novembre, et en ce début d’année un épisode de pollution atmosphérique aux particules fines (PM10) sans précédent, que certains n’ont pas hésité à qualifier d’ « airpocalypse ».

Alors que l’attention médiatique se focalise exclusivement sur des épiphénomènes (comme la mise en place de la circulation alternée), l’examen sérieux des données disponibles donne le vertige : alors que la valeur limite de concentration pour la protection de la santé humaine est fixée à 40 µg/m3 pour les PM10, la région lyonnaise connaît depuis plus d’un mois un taux de concentration proche de 130 µg/m3.
 
Évolution mensuelle de la pollution sur Lyon (ligne : risque santé humaine)
Évolution mensuelle de la pollution sur Lyon (ligne : risque santé humaine)

Avec un tel niveau de pollution de l’air, l’impact sur la santé humaine est immédiat : les personnes sensibles (allergiques, enfants) en ressentent directement les effets, les autres en souffrent de manière plus diffuse, mais continue. Outre une gêne quotidienne (toux prolongée, maux de tête, irritation des yeux), une telle concentration de particules multiplie les risques à long terme pour la santé : risques cardiovasculaires, maladies pulmonaires, cancers.

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À titre de comparaison, la pollution aux particules fines est responsable en France d’autant de morts par an que l’alcool (Étude de l'institut de veille sanitaire).

Peut-on engager la responsabilité de l’Etat à ce titre ?

L’épisode de pollution actuel s’explique par une combinaison de plusieurs phénomènes : les particules fines principalement générées par l’industrie, le chauffage au bois et la circulation automobile stagnent en ville en basse atmosphère en raison des températures hivernales, et de l’absence de vent.

À court terme, les pouvoirs publics, au premier rang desquels, le Préfet (qui représente l’Etat), disposent d’un panel de mesures de police pouvant être mises en œuvre en urgence, afin de limiter au maximum la pollution de l’air dans l’hypothèse d’un dépassement des seuils :

  • Limitation de la vitesse maximale autorisée,
  • Mise en place de la circulation alternée,
  • Restrictions de circulation pour les poids lourds en ville, et aux abords immédiats,
  • Gratuité des transports publics,
  • Interdiction du trafic automobile en ville (sauf transports publics, professions autorisées et dérogations pour les véhicules de secours et d’urgence),
  • Mise en place de contournements routiers,
  • Gratuité du stationnement urbain.
La responsabilité de l’Etat dans la mise en œuvre de ces mesures est intéressante à étudier.

1/ L’obligation pour l’Etat de prendre des mesures de police pour protéger la qualité de l’air

Dans le département du Rhône, à titre d’exemple, l’inertie des pouvoirs publics dans la lutte contre le phénomène de pollution a été dénoncée par tous.

Nonobstant le panel de mesures existantes sus rappelé, une seule mesure a été décidée : la circulation alternée. Au surplus, cette mesure, qui ne peut qu’être qualifiée de « mesurette » au regard de l’ampleur du problème, n’a été mise en place par le Préfet que quelques jours seulement en décembre, puis en janvier. Le jeudi 26 janvier, le Préfet levait la mesure : la pollution était amplifiée le jour même, puis le week-end.  

On ne relèvera pas l’incitation des pouvoirs publics à l’usage du vélo (ex : gratuité du Velib’) en plein épisode de pollution, qui pourrait relever de la mise en danger délibérée de la vie d’autrui.

La police administrative est une activité de service public dont le seul but est d’assurer l’ordre public, qui recoupe notamment les impératifs de santé publique. Si l’édiction de mesures de police administrative est le plus souvent une possibilité pour l’autorité compétente, qui en apprécie l’opportunité, elle est aussi parfois une obligation.

En matière de pollution atmosphérique, les fondements de l’obligation d’agir qui incombe aux pouvoirs publics (surtout l’Etat) reposent tout d’abord sur la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle qui dispose en son article premier que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Par ailleurs, un certain nombre d’engagements européens et internationaux de la France (issus notamment de la COP21) imposent à l’Etat d’agir.

Enfin, la loi pose un principe d’obligation :

  • Par l’intermédiaire de l’impératif de protection de l’ordre public de l’article L.2212-2 du CGCT,
  • Et par l’article L221-7 du Code de l’environnement, qui dispose que « L'Etat coordonne les travaux d'identification des facteurs de pollution ainsi que l'évaluation des expositions et des risques sanitaires relatifs à la qualité de l'air dans les environnements clos. Il élabore les mesures de prévention et de gestion destinées à réduire l'ampleur et les effets de cette pollution. Il informe le public des connaissances et travaux relatifs à cette pollution ».
La jurisprudence traditionnelle considère par ailleurs que l’autorité de police est tenue de prendre les mesures nécessaires à l’application des législations et réglementations édictées (CE, 23 juin 1976, Latty). Que l’on pense par exemple à l’ensemble des normes édictées pour limiter l’impact écologique des industries, et des particuliers.

La mesure de police devient indispensable dès lors qu’elle est nécessaire pour faire cesser un péril grave résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour l’ordre public (CE, 14 décembre 1959, Doublet), ce qui est indéniablement le cas pour un épisode d’extrême pollution.

Il est donc clair que les fondements juridiques ne manquent pas pour démontrer que l’Etat est tenu de prendre des mesures permettant efficacement de répondre à un phénomène de pollution menaçant la santé publique.

2/ L’inertie de l’Etat engage sa responsabilité

Or l’inertie des pouvoirs publics est susceptible d’engager leur responsabilité.

En effet, en matière de police administrative toute carence dans l’édiction ou la mise en œuvre d’une mesure de police est fautive. En tant que telle, elle engage la responsabilité de l’autorité compétente.

On peut donc imaginer que tout citoyen résidant dans une zone impactée par l’épisode de pollution est en droit de demander réparation à l’Etat à ce titre.

Comme en matière de responsabilité civile, il conviendra de démontrer un préjudice, et un lien de causalité.

Le préjudice se démontrera sur le fondement de certificats médicaux délivrés pendant l’épisode de pollution attestant un vrai impact sur la santé de la personne (maladie respiratoire, pulmonaire, ou cardiovasculaire, par exemple). À défaut, il se démontrera sur le fondement du risque (mise en danger), ou du préjudice futur.

Le lien de causalité entre la faute (carence fautive de l’Etat dans la mise en œuvre de mesures de police permettant de lutter contre la pollution) et le préjudice (impact sur la santé) devra être démontré. Au regard de l’ensemble des mesures disponibles, et qui n’ont pas été mises en œuvre par les pouvoirs publics, il ne sera pas difficile de le démontrer, sans que la force majeure, ou l’obligation de moyens ne puissent y faire obstacle.

Le litige sera porté devant le Tribunal administratif de ressort. Une demande indemnitaire précise, chiffrée et fondée juridiquement devra à cette fin être adressée au Préfet, afin de lier le contentieux, au besoin en cours d’instance.

***

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, des mesures de fond sont indispensables à moyen et long terme pour enrayer le phénomène chronique de pollution d’ampleur : interdiction du diesel, renouvellement du parc automobile, interdiction du chauffage au bois, décarbonisation de l’économie et transition écologique en sont autant d’exemples.

À défaut, le risque de multiplication, voire de banalisation de ces phénomènes est existant. Notre responsabilité à l’égard des enfants, et des générations futures serait alors incommensurable.

Les élections régionales se tiendront les 6 et 13 décembre 2015 en France Métropolitaine, Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion (Mayotte ne sera pas concernée par le scrutin régional de 2015), l'ensemble des recours dirigés contre l'organisation de ces élections à ces dates ayant été rejetés par le Conseil d'Etat (CE, 27 octobre 2015, n° 393026388807 et 390456).

Les opérations électorales auront pour objet de pourvoir les sièges des conseillers régionaux dans les 13 nouvelles régions issues de la réforme territoriale de décembre 2014 (loi du 16 janvier 2015) pour une durée de 6 ans (article L336 du Code électoral).

regions
1671 conseillers régionaux des nouvelles régions métropolitaines (hors Corse, et outre-mer) seront notamment élus lors de ce scrutin, au scrutin de liste à deux tours, mêlant scrutin majoritaire et représentation proportionnelle, sans adjonction ni suppression de noms (interdiction du panachage) et sans modification de l'ordre de présentation (pas de vote préférentiel) (article L338 du Code électoral).

La réforme territoriale de 2015 a instauré un nombre minimum de sièges de conseillers régionaux par département (article L338-1 du Code électoral), qui s’appliquera pour la première fois lors du scrutin de décembre :

  • Un minimum de deux sièges de conseillers régionaux pour les départements de moins de 100.000 habitants,
  • Et un minimum de quatre sièges de conseillers régionaux pour les départements d’au moins 100.000 habitants.
C’est l’occasion de faire le point sur les possibilités de recours en la matière (contentieux des élections régionales).

1/ L’intérêt à agir

Aux termes des dispositions de l’article L361 du Code électoral « Les élections au conseil régional peuvent être contestées dans les dix jours suivant la proclamation des résultats par tout candidat ou tout électeur de la région devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux. Le même droit est ouvert au représentant de l'Etat dans la région s'il estime que les formes et conditions légalement prescrites n'ont pas été respectées ».

Il résulte de cet article que les élections régionales peuvent être contestées par :

  • Tout électeur de la région,
  • Les candidats,
  • Et le Préfet (représentant de l’Etat dans la région).
A contrario, les opérations électorales ne peuvent être contestées par les partis politiques (CE, 17 octobre 1986, Elections cantonales de Sevran, n° 70266), les associations, ou la région elle-même.

Par ailleurs, et conformément à la rédaction susvisée, un électeur ou un candidat d’une autre région ne saurait également pouvoir  valablement contester le scrutin d’une région qui n'est pas la sienne.

2/ La juridiction compétente

CELa juridiction compétente pour connaître d’un recours contre un scrutin régional est le Conseil d’Etat, statuant en la matière en premier et dernier ressort (article L361 du Code électoral) (article L311-3 2° du Code de Justice Administrative).

Toute protestation contre un scrutin régional déposée devant le Tribunal Administratif sera par conséquent déclarée irrecevable.

3/ Les délais pour agir, et les modalités concrètes d’exercice du recours

S’agissant des modalités concrètes d’exercice du recours, les protestations électorales contre un scrutin régional doivent être déposées au greffe du Conseil d’Etat dans un délai maximum de 10 jours suivant la proclamation des résultats (article L361 du Code électoral), c'est-à-dire au plus tard :

  • le mercredi 16 décembre 2015 pour une élection acquise au premier tour,
  • ou le mercredi 23 décembre 2015 pour une élection acquise au second tour.
Ces protestations destinées au Conseil d'Etat peuvent également être déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture du domicile du requérant (article R773-4 CJA).

Le Préfet lui-même, s'il estime que les formes et conditions légalement prescrites n'ont pas été respectées, dispose d’un délai de 10 jours pour déférer les opérations électorales au contrôle du Conseil d’Etat (article L361 du Code électoral).

Conformément aux règles traditionnelles de la procédure administrative, le Conseil d’Etat est tenu de notifier la protestation électorale aux conseillers régionaux intéressés (article R611-1 CJA), sans toutefois qu’un délai particulier soit prévu en la matière (à l’inverse du scrutin municipal et départemental).

4/ La présentation de la requête

De manière traditionnelle s'agissant d'un contentieux administratif, la requête en contestation d'un scrutin régional devra impérativement être signée par le requérant (CE, 7 décembre 1983, commune de Briot, n° 51788), comporter ses nom, prénom, et domicile, indiquer de manière précise et non équivoque les demandes (ex: annulation du scrutin et/ou proclamation d'un autre candidat) (CE,  22 juin 1990, commune de Forbach, n° 107768) ainsi que les irrégularités relevées (CE, 9 octobre 2002, commune de Goyave, n° 235362). Le requérant visera également nommément le ou les candidats dont l'élection est contestée dans sa protestation, et on lui conseillera de justifier de sa qualité, lui donnant intérêt à agir dans ce contentieux particulier (électeur de la région, candidat).

Si le recours à un avocat est facultatif en matière électorale devant le Conseil d’Etat (article R432-2 CJA), les conseils du professionnel peuvent néanmoins être efficaces pour contester valablement le scrutin régional, dans un délai restreint.

A noter enfin que le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être sollicité par un justiciable pour engager un contentieux régional (réponse ministérielle, JO Sénat du 27/09/2007, page 1732).

5/ Les moyens invocables

Tout moyen peut être invoqué par les requérants pour démontrer la nullité des opérations électorales. Ainsi, à titre d’exemples, des manœuvres altérant la sincérité du scrutin (ex: diffamation) (CE, 14 novembre 2008, commune du Vauroux, n° 316708 - CE, 16 juin 1972, Élections municipales du Blanc, n° 84204), des éléments matériels démontrant la rupture d'égalité entre les candidats, de l'inscription de faux électeurs, de « l’achat » de votes, de l'absence de signature de l'un des candidats sur la déclaration de candidature (CE, Ass., 21 décembre 1990, Élections municipales Mundolsheim, n° 112221), de l'inéligibilité d'un candidat (CE, 29 juillet 2002, Élections municipales Levallois Perret, n° 240108), des infractions commises lors du déroulement du scrutin, etc.

L'annulation totale du scrutin ne sera toutefois prononcée par le Conseil d’Etat qu'en cas de vice substantiel, ou si le juge ne peut déterminer avec certitude le résultat de l'élection en raison des irrégularités commises.

Un faible écart de voix entre les candidats renforcera, en cas de manœuvres, la propension du juge à annuler le scrutin (CE, 8 juillet 1992, Élection cantonale partielle Saint-Denis-de-la-Réunion, n° 126820).

On précisera enfin que le contentieux de l'élection régionale ne saurait être l'occasion de contester, par voie d'exception, le redécoupage de la carte des régions issue de la loi du 16 janvier 2015.

6/ Les pouvoirs du juges - les conséquences du recours

Le recours exercé contre un scrutin régional est un recours objectif de plein contentieux.

En effet, le juge de l’élection dispose d’un pouvoir très large en la matière et peut notamment :

  • Apprécier la validité des procédures électorales,
  • Contrôler la validité des suffrages émis,
  • Modifier le nombre de suffrages recueillis par un candidat,
  • Rectifier le nombre de sièges obtenus par une liste,
  • Reconnaître l’inéligibilité d’un candidat,
  • Annuler de manière totale (en cas de vice substantiel) ou partielle, le scrutin,
  • Ou proclamer élus certains candidats à la place d’autres (CE 20 octobre 2004, Élections régionales de Picardie, Montès et a., n°266334).
Il conviendra donc d’apporter un soin tout particulier à la rédaction de la requête en matière de contentieux des élections régionales dans la mesure où le juge électoral est tenu par les demandes des parties et ne pourra donc, sauf moyens d’ordre public, prononcer des mesures qui ne lui ont pas été demandées par le requérant (CE, 1er décembre 1989, commune de Seraincourt, n°108998).

Ainsi, à titre d’exemple, une protestation tendant à l'annulation d'une élection régionale, lorsqu'elle est fondée sur des griefs tirés de la discordance entre le nombre de suffrages comptabilisés et le nombre d'émargements, ne saisit le juge que des écarts contestés dans les bureaux de vote mentionnés dans la protestation, et non de ceux des autres bureaux de vote (CE  1er décembre 2010, Élection des membres du conseil régional des Pays-de-Loire, n°337945).

Par ailleurs, si la protestation ne porte que sur les opérations électorales intervenues dans un des départements de la région, et qu'aucun grief n'a été invoqué dans le délai de recours à l'encontre des résultats proclamés dans les autres départements de cette région, il n'appartient pas au Conseil d'État de se saisir des résultats des opérations électorales intervenues dans ces derniers départements (CE  20 octobre 2004, Élections régionales de Picardie, Montès et a., n°266334).

Particularité du scrutin régional, liée au mode de scrutin, on notera par ailleurs que l'annulation partielle de l’élection, dans laquelle l'attribution des sièges constitue une opération indivisible, ne peut être prononcée que si les griefs présentés à l'appui de la protestation portent :

S'agissant d'un scrutin de liste, le juge administratif peut ainsi annuler un seul siège (et non l'élection toute entière). Ce siège sera alors normalement pourvu par la désignation du candidat venant immédiatement après le dernier élu de la liste qui doit disposer de ce siège, en application du Code électoral (article L360 du Code électoral). Lorsque ces dispositions ne peuvent être appliquées (en raison du nombre de voix en présence), le juge électoral constatera la vacance du siège jusqu'au prochain renouvellement du conseil régional (CE, 4 juillet 2011, Elections régionales d’Ile-de-France Mme A., M. M., n°338033).

7/ Les délais de jugement et les possibilités de recours contre la décision rendue

Aucun délai préfix n’est posé par le Code électoral pour que le Conseil d’Etat prononce sa décision en matière de contentieux régional, qui sera notifiée aux parties intéressées.

On notera, à titre d’exemple, que le Conseil d’Etat s’est prononcé le 4 juillet 2011 sur une protestation électorale tendant à l’annulation des opérations électorales s’étant déroulées les 14 et 21 mars 2010 dans la région Ile-de-France, soit un délai de jugement de plus d’un an et demi (CE, 4 juillet 2011, Elections régionales d’Ile-de-France Mme A., M. M., n°338033).

Le conseiller régional dont l'élection est contestée reste en fonction jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la réclamation (article L362 du Code électoral).

La décision rendue par le Conseil d’Etat ne sera susceptible d’aucun recours, hors cas particuliers (recours en révisionrecours en rectification d’erreur matérielleoppositiontierce-opposition).

Enfin, en cas d'annulation de l'ensemble des opérations électorales dans une région, il est procédé à de nouvelles élections dans cette région dans un délai de trois mois (article L363 du Code électoral).

L’actualité politique la plus brûlante autour du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes a remis sur le devant de la scène l’outil référendaire, tombé quelque peu en désuétude depuis le « non » français du 29 mai 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

C’est l’occasion de revenir sur un outil méconnu des citoyens, au coût pourtant exorbitant pour les finances publiques : le référendum d’initiative partagée.

Promesse de campagne du candidat Nicolas SARKOZY en 2007, le référendum d’initiative partagée a été inscrit dans l’article 11 de la Constitution dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008.

Extrait du programme presidentiel 2007 de NS
Extrait du programme présidentiel 2007 de NS

C’est sous la Présidence de François HOLLANDE que le dispositif est réellement entré en vigueur, la loi organique et la loi ordinaire portant application de l'article 11 de la Constitution ayant toutes deux été promulguées le 6 décembre 2013.

À l'occasion de son Discours pour le 55e anniversaire de la Ve République en 2013, le Président HOLLANDE avait en effet demandé une mise en œuvre rapide de cette nouvelle procédure :
 
"Je crois également nécessaire de mieux associer les citoyens à la vie publique. La révision constitutionnelle de 2008 avait prévu le référendum d’initiative populaire. La loi organique permettant l’application de cette mesure n’a toujours pas été adoptée par le Parlement : j’ai demandé qu’elle le soit avant la fin de l’année." (discours de F.HOLLANDE du 3 octobre 2013)

Nous disposons aujourd’hui de plus d’un an de recul sur le dispositif entré en vigueur le 1er janvier 2015.

C’est l’occasion d’un premier bilan, qui s'avère cinglant.

1. Une procédure d’une complexité inouïe, entravée de nombreux freins, qui n’aboutira jamais

Dans l’imaginaire collectif, véhiculé médiatiquement par les partisans de ce nouvel outil, le dispositif français serait proche, et inspiré du véritable référendum d’initiative « populaire » tel qu’il existe, par exemple, en Suisse.

Il n’en est rien.

L’idée qui sous-tend le référendum d’initiative partagée est celle d’une collaboration des parlementaires et des citoyens sur une proposition de loi.

Toutefois, les conditions de recours à cette typologie de consultation sont si strictes qu’il est hautement improbable que cette voie référendaire débouche dans la pratique sur la promulgation d’un quelconque texte.

En effet, la procédure suppose une initiative d’au moins 1/5 des membres du Parlement (soit 185 parlementaires au moins, à ce jour), qui doivent d’abord déposer une proposition de loi d’initiative référendaire sur le bureau de l'Assemblée nationale ou du Sénat (A. 1 LO du 06/12/13).

A contrario, et contrairement à l’interprétation erronée et répandue de cette procédure, les citoyens ne peuvent donc pas être à l’initiative de la proposition, qui est toujours d’origine parlementaire.

Au regard de la représentation politique actuelle au sein des deux assemblées, il ne fait aucun doute que seuls le Parti socialiste et Les Républicains sont en mesure de réunir le quorum requis pour initier la procédure, ce qui constitue nécessairement un premier frein dans l’utilisation de l’outil.

Représentation politique au sein de l'AN (gauche) et du Sénat (droite)
Représentation politique au sein de l'AN (gauche) et du Sénat (droite)


Dans un deuxième temps, la proposition de loi est transmise au Conseil constitutionnel par le président de l'assemblée saisie, qui va opérer un contrôle obligatoire (A. 1 LO du 06/12/13).

Ainsi, après avoir informé les pouvoirs publics de sa saisine (Président de la République, Premier Ministre, Présidents des Assemblées), le Conseil Constitutionnel vérifie que la proposition de loi :

  • a bien été initialement portée par 1/5 des membres du Parlement,
  • entre strictement dans les matières référendaires de l’article 11 alinéa 1 de la Constitution,
  • n’a pas pour objet l’abrogation d’un texte promulgué depuis moins d’un an,
  • n’a pas un objet identique à celui d’une proposition déjà rejetée par les électeurs depuis moins de deux ans,
  • n’est pas contraire à la Constitution (dans le délai d’un mois),
  • et ne conduit pas à la diminution de ressources publiques ou à la création / aggravation d’une charge publique.
Le strict contrôle obligatoire opéré par le Conseil Constitutionnel en la matière, et notamment le contrôle de constitutionnalité qu’il exerce a priori constitue un frein supplémentaire spécifique à cette procédure. Le Conseil Constitutionnel refuse en effet traditionnellement de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par la voie du référendum car elles sont l’expression directe de la souveraineté nationale (Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962). Cet obstacle au contrôle est levé du simple fait que ce dernier soit exercé avant que les citoyens ne votent sur le texte.

La décision du Conseil Constitutionnel est publiée au Journal officiel.

S’ouvre alors, par décret du Ministre de l’Intérieur, une période de 9 mois pendant laquelle la proposition de loi doit recueillir le soutien d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4,6 millions d’électeurs environ. A titre de comparaison, la Suisse n’exige que 100 000 signatures pour son référendum d’initiative populaire, et l’Italie 500 000 pour le référendum abrogatif.

Le soutien est recueilli sous forme électronique sur le site internet https://www.referendum.interieur.gouv.fr , via ordinateur, smartphone, tablette, etc. (A. 5 LO du 06/12/13)

La collecte est impossible dans les six mois précédents une élection présidentielle ou législative.

La liste des électeurs qui soutiennent une demande de référendum est publiée dans son intégralité, par ordre alphabétique sur le site internet dédié. Elle peut donc être consultée par toute personne se rendant sur le site (A. 7 LO du 06/12/13).

Pire, la liste doit préciser pour chaque électeur soutenant la proposition de loi (A. 4 décret du 11/12/14) :

  • son nom,
  • son prénom,
  • sa commune, son village ou son consulat d'inscription sur les listes électorales.
Plus qu’un frein à l’utilisation de cette procédure, cette diffusion de données personnelles sur internet est de nature à dissuader les électeurs d’apporter leur soutien à une proposition de loi référendaire (de crainte de voir leurs opinions politiques portées sur la place publique) d’autant plus que tout soutien apporté ne peut plus être retiré. De manière surprenante, la CNIL a pourtant validé le dispositif (Délibération CNIL du 20/11/14).

Le Conseil Constitutionnel arrête alors la décision selon laquelle la proposition de loi a recueilli le soutien d’au moins 1/10 des électeurs inscrits sur les listes électorales, qui est publiée au Journal Officiel.

La proposition de loi retourne ensuite devant les Assemblées qui doivent l’examiner au moins une fois dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel.

Si, et seulement si, le texte n’est pas adopté par le Parlement dans ce délai, le Président de la République soumet alors la proposition au vote des électeurs par référendum (sans que l’on puisse toutefois envisager de moyen de l’y contraindre) (A. 9 LO du 06/12/13).
Calendrier du référendum d’initiative partagée (extrait rapport parlementaire)

Calendrier du référendum d’initiative partagée (extrait rapport parlementaire)

Comment pourrait-on envisager, au regard de ce qui précède, qu’une proposition de loi aurait une quelconque chance d’être soumise à référendum à l’issue de la procédure ? Il paraît en effet évident et inévitable qu’une proposition portée par 185 parlementaires, et 4,6 millions d’électeurs, qui aurait franchi tous les obstacles de procédure sus rappelés, serait votée in fine par le Parlement, sans nécessité de recourir à référendum.

Cette procédure d’une complexité inouïe, entravée de nombreux freins, n’aboutira donc jamais sur une loi référendaire.

2. Un total de 5 millions d’euros d’argent public dépensé à ce jour

Une telle procédure kafkaïenne pourrait faire sourire si ce nouvel outil n’était pas autant onéreux pour l’Etat.

Un rapport parlementaire fait en effet état d’une dépense totale de 364 827 euros pour le développement et la mise en ligne du site internet dédié https://www.referendum.interieur.gouv.fr (333 718 euros au titre des « développements informatiques du site internet » et 31 109 euros au titre de l’assistance à maîtrise d’ouvrage).

Quiconque s’intéresse quelque peu au développement informatique sait pourtant qu’il n’est nul besoin de mobiliser une telle somme pour construire un site internet à l’esthétique et aux fonctionnalités si sommaires (5 pages html dignes des premières heures du web).

https://www.referendum.interieur.gouv.fr/

Mais ce n’est pas tout.

En 2014, un budget total exorbitant de 4,64 millions d'euros a été alloué, et consommé par l’Etat pour la mise en place et le fonctionnement du référendum d’initiative partagée :

  • 2,89 millions d’euros a été consommé pour l’achat de serveurs informatiques nécessaires au dispositif et à la participation au financement des investissements de l’INSEE en vue d’organiser le contrôle des soutiens déposés,
  • 1,75 millions d’euros a été consommé afin de participer au financement de l’achat d’équipements informatiques et des aménagements de locaux nécessaires à la procédure dans les communes françaises.
C’est donc un total de près de 5 millions d’euros d’argent public qui a, à ce jour, été dépensé pour le référendum d’initiative partagée.

Par ailleurs, à compter de 2015, un budget de 1,8 million d’euros est mobilisé chaque année pour le fonctionnement (éventuel) de la plateforme web de recueil des soutiens dans le cadre du référendum d’initiative partagée.

3. Un nouvel outil jamais utilisé depuis sa création

Le volume d’argent public mobilisé par l’Etat pour le référendum d’initiative partagée pourrait (éventuellement) se justifier si un retour sur investissement était constaté plus d’un an de recul après la mise en place du dispositif.

De manière évidente, aucune proposition de loi référendaire n’a toutefois été adoptée, ni même ouverte au soutien dans le cadre de cette nouvelle procédure depuis son entrée en vigueur.

propositions de loi rc3a9fc3a9rendaires passc3a9es

Le quorum initial d’au moins 1/5 des membres du Parlement pour engager la procédure n’a même jamais été atteint.

Actuellement, aucune proposition n’est ouverte à la collecte de soutiens sur le site internet dédié.

propositions de loi rc3a9fc3a9rendaires ouvertes au soutien

Le gaspillage d’argent public est devenu insupportable pour les citoyens, et participe de la défiance toujours plus prononcée de ces derniers envers la politique.

D’aucuns nous opposeront qu’une somme de 5 millions d’euros est anecdotique à l’échelle du budget d’un Etat comme la France.

Rapprochons toutefois ce montant au coût journalier nécessaire pour nourrir un enfant en état de malnutrition dans le monde (chiffré par le programme alimentaire mondial des Nations Unies à 0,40 €) et nous prendrons alors conscience que le volume d’argent public gaspillé par la France pour le référendum d’initiative partagée à ce jour aurait permis de nourrir 35 000 enfants souffrant de malnutrition dans le monde pendant 1 an.

Pouvons-nous avoir l’intelligence collective de constater sereinement, de manière apolitique, l’échec et l’inutilité du référendum d’initiative partagée, et arrêter les frais ?

Medias :

La scène est bien connue : à peine le panneau portant permis de construire est planté sur le terrain, les voisins intrigués viennent prendre connaissance du document, avant d’envisager un éventuel recours contentieux contre le projet.

Par une décision du 10 février 2016 (n°387507), le Conseil d'Etat a apporté une restriction importante, et très intéressante en la matière (intérêt à agir en droit de l’urbanisme).

Tout tiers souhaitant contester un permis de construire au contentieux doit en effet, depuis toujours, disposer d’un intérêt personnel et direct pour agir. Le plus souvent, le recours est engagé par un voisin (propriétaire ou locataire) de la parcelle concernée par le permis de construire.

Panneau d’affichage de permis de construire

Or le Conseil d’Etat a précisé que la seule qualité de voisin de la parcelle litigieuse n’est pas suffisante pour conférer intérêt à agir contre le permis de construire.

En effet, selon la haute juridiction, le voisin du projet, même immédiat, doit démontrer, par tous moyens, que le projet génère une atteinte susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son propre bien. Une telle démonstration suppose de faire état d’éléments suffisamment précis et étayés en ce sens. On pense bien évidemment aux nuisances telles que le bruit, l'impact sur l'ensoleillement ou encore la vue, à titre d'exemples.

A défaut de démonstration de nature à convaincre le juge administratif, ce dernier rejettera le recours comme irrecevable.

Ceci signifie que votre recours ne sera pas examiné au fond par le juge (il ne prendra pas connaissance, et ne se prononcera pas sur votre arguments) si vous ne démontrez pas qu’en plus d’être voisin du projet, ce dernier porte atteinte à votre propre bien.

Une telle décision du Conseil d’Etat ne surprend pas : elle est conforme à la volonté des pouvoirs publics de limiter les recours contentieux abusifs en matière d'urbanisme et donc de faciliter le montage des projets de construction et d'aménagement.

De surcroit, la décision de février est cohérente avec la nouvelle rédaction de l’article L600-1-2 du Code de l’urbanisme, issue de l’ordonnance « Duflot » du 18 juillet 2013, qui dispose que :

« Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ».

Enfin, la décision du Conseil d'Etat rendue le 10 février confirme sa précédente décision du 10 juin 2015 (n°386121) par laquelle il exigeait déjà du voisin de faire état de "tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que [l'] atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien".

Il convient donc d'apporter un grand soin à la rédaction de la requête en matière de permis de construire, dans un délai restreint, sous peine d’irrecevabilité.

Si le recours à un avocat est facultatif dans la plupart des cas en excès de pouvoir devant les tribunaux administratifs, les conseils du professionnel peuvent néanmoins être efficaces pour contester valablement le permis de construire de votre voisin.

***

Le "considérant de principe" de la décision (CE, 10 février 2016 n°387507) :
 
"Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien"

La crise financière de 2008 et ses retentissements depuis lors (liés aux produits structurés, ou "emprunts toxiques") ont conduit nombre de collectivités à la défiance envers les banques, et à envisager subséquemment la possibilité de se prêter de l'argent entre elles, sans intermédiaire bancaire.

Si la logique d'un tel raisonnement est évidemment compréhensible, ce dernier se heurte toutefois au choc de légalité, et le gestionnaire public doit avoir conscience des risques en la matière.

Par principe, lorsqu’une collectivité territoriale (ou un EPCI, soumis aux mêmes règles de comptabilité publique que les collectivités) souhaite emprunter, elle doit solliciter une banque, et est dans l’impossibilité de solliciter une autre collectivité territoriale.

Cette interdiction découle de l’article 26.3° de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que :

« Sauf disposition expresse d'une loi de finances, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l'Etat ».

En application de cet article de loi, les collectivités territoriales et leurs regroupements (EPCI) ont l’obligation de déposer leurs fonds libres au Trésor Public, et ne peuvent donc pas prêter leur argent disponible à une autre collectivité territoriale.

L’interdiction découle également de l’article L511-5 du Code monétaire et financier (codification de la loi bancaire), qui dispose que :

« Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ».

Cet article confère ainsi le monopole des activités de banque habituelles aux établissements de crédit et aux sociétés de financement.

Les prêts entre collectivités territoriales sont également prohibés sur le fondement de l’interdiction constitutionnelle de tutelle d’une collectivité sur une autre (Article 72 alinéa 5 de la Constitution).

Il résulte de ce qui précède que les juridictions administratives sanctionnent logiquement les collectivités territoriales s’adonnant à des activités de crédit entres elles. Pour un exemple, voir CE, 30 novembre 1994, Préfet de la Meuse, n°145198 :

« […] en décidant d'offrir à une catégorie déterminée de collectivités locales, la possibilité de se voir accorder, pour les motifs et dans les conditions ci-dessus rappelés, des prêts avec intérêts, le département doit être regardé comme ayant institué, au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 24 janvier 1984 [loi bancaire] et même en l'absence d'intention spéculative un système lui permettant de se livrer à titre habituel, eu égard au nombre des collectivités susceptibles d'en bénéficier, à des opérations de crédit, auxquelles l'article 10 de cette loi lui interdisait de se livrer […] ».

Ainsi, il doit être déduit des dispositions susvisées, et de leur application jurisprudentielle, que les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent accorder de prêts à d’autres personnes publiques à titre onéreux.

Par exception, la jurisprudence considère toutefois que le prêt entre collectivités territoriales peut être exceptionnellement et ponctuellement autorisé à condition (cumulativement) :

Par ailleurs, des lois peuvent autoriser ponctuellement les collectivités territoriales à se prêter de l’argent entres elles à condition que l’emprunt finance la réalisation d’équipements communs présentant un intérêt local (exception législative). Ainsi les départements (loi n°50-135 du 31 janvier 1950) et les régions (loi n°72-619 du 5 juillet 1972, codifiée au CGCT) peuvent consentir des prêts aux communes ou à leurs établissements publics à condition que ces prêts concernent des opérations d’équipement communal ou intercommunal présentant un intérêt départemental ou régional.

En aucun cas ces prêts ne peuvent eux-mêmes être financés à l’aide d’emprunts, ce qui conférerait à la collectivité prêteuse un rôle d’intermédiaire bancaire.

On incitera donc les collectivités territoriales à la plus grande prudence en la matière, en respectant les principes structurants sus-rappelés et en envisageant, si nécessaire, d'autres solutions de financement telles que les subventions entre collectivités.

frexit
À l'échelon européen, l'article 50 du traité de Lisbonne institue un mécanisme de retrait volontaire et unilatéral de l'Union Européenne : « Tout État membre peut décider conformément à ses règles constitutionnelles de se retirer de l’Union ».

On constate donc, à la lecture de cet article, que le droit européen renvoie chaque État membre à ses propres normes juridiques pour décider, ou pas, de sortir de l'UE.

Dans ce cadre, et suite au retrait du Royaume-Uni de l'UE ("Brexit") il apparaît intéressant de se demander si l'hypothèse d'un référendum sur le "Frexit" serait juridiquement possible en France, comme certains responsables politiques l'envisagent déjà.

Les règles constitutionnelles françaises autorisent le Président de la République à organiser un référendum dans des domaines limités.

Ainsi de :

  • l'organisation des pouvoirs publics (A. 11),
  • les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent (A. 11),
  • la ratification d'un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions (A. 11),
  • la révision de la Constitution (A. 89),
  • ou encore la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'UE (A. 88-5).
Si la sortie de la France de l'Union Européenne n'est pas expressément prévue dans cette liste des domaines référendaires, les termes utilisés par la Constitution sont suffisamment vagues pour que le Président de la République puisse organiser un référendum sur cette question (notamment sur le fondement de l'article 88-5, entendu au sens large).

Au surplus, de jurisprudence constante, ni le Conseil Constitutionnel, ni le juge administratif ne s'autorisent à contrôler (au fond) la décision par laquelle le Président de la République décide d'organiser un référendum, sur le fondement, notamment, de la souveraineté du peuple (Conseil Constitutionnel, Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962) et de la notion d' "acte de gouvernement" (CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, n°55049).

Il est donc possible d'affirmer qu'à l'instar du Royaume-Uni, le droit français permet l'organisation d'un référendum portant sur la question suivante : « La France doit-elle rester membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? ».

Le cas échéant, sur le fondement de l'article 50 du traité de Lisbonne, les institutions européennes se borneront à entériner la volonté de la France, exprimée dans le cadre d'un tel référendum, sans possibilité de s'y opposer.

Gageons que cette question sera centrale dans la campagne pour les élections présidentielles françaises de 2017.

SisypheAvocatsLes électeurs de Loire-Atlantique ont dit "oui" à 55,17 % au référendum local organisé le dimanche 26 juin 2016 portant sur le transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Dès le résultat connu, le Premier Ministre annonçait la détermination de l'Etat à appliquer au plut tôt le "verdict des urnes".

Il apparaît donc intéressant de s'interroger sur les solutions juridiques offertes aujourd'hui à l'Etat, en lien avec les collectivités territoriales concernées, pour faire avancer le projet, suite au vote des habitants de Loire-Atlantique.

Outre les expropriations, le principal point de blocage résulte de l’occupation de la zone d'aménagement différé (ZAD) de NDDL par plus de deux-cents personnes.

Si l'Etat répète que l'évacuation du site par la force n'est pas souhaitable (Reuters), il n'aura sans doute pas le luxe du choix, à défaut de départ volontaire des occupants de ce secteur.

Comme l’a rappelé la Ministre de l’écologie début février sur France Inter, cette situation constituerait en effet juridiquement une "occupation sans titre du domaine public".

En réalité, il y a fort à parier que l'occupation du site de NDDL porte effectivement en grande partie sur le domaine public, mais également sur des parcelles de domaine privé (seule une constation sur place permettra de s'assurer de la réalité de l'occupation). Cette distinction est importante dans la mesure où, en droit français, la procédure d'expulsion applicable dépend de la qualification juridique (privé / public) du terrain occupé.

Distinguons donc ces deux situations.

1. S'agissant de l'occupation illégale du domaine public à NDDL

L’occupation du domaine public est régie par le Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).

Or l’article L.2122-1 de ce Code prévoit que : « Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ».

Ce principe est d’ordre public, et ne saurait être remis en cause, même dans l’hypothèse où l’occupation du domaine public aurait été tolérée au fil du temps (CE, 23 février 1979, Association les amis de la table ronde, n°04467 ; CAA Paris, 5 avril 2007, n°04PA03088).

Il est indéniable que les 200 personnes auto-proclamées « ZADistes » présentes sur site ne disposent d’aucun titre les habilitant à occuper la zone.

Par voie de conséquences, ces individus doivent être considérés comme des occupants sans titre du domaine public.

Il appartient à l’Etat de mettre fin sans délai à cette occupation.

Toute personne publique est en effet juridiquement tenue de solliciter l’expulsion de tout occupant sans titre de son domaine public (obligation et non possibilité), sous peine d’engager sa responsabilité (CE, 20 juin 1980, Commune d’Ax-les-Thermes, n°04592 ; CAA Marseille, 23 juillet 1998, Paravisini, n°97MA01853).

En la matière, l’Etat est donc en situation de compétence liée, et ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire (TA Cergy-Pontoise, 19 mars 2001, Société CODIAM, n°100642). Une personne publique ne peut en effet laisser perdurer une illégalité dont elle a connaissance, sous peine de commettre une faute (carence fautive).

Pour faire cesser l’occupation sans titre, l’Etat doit recourir au juge : il ne peut faire usage seul de l’exécution forcée, sous peine de commettre une voie de fait (on se rappelle l’affaire dite « des paillotes » de Corse en avril 1999).

L’expulsion des occupants sans titre s’opère ainsi par l’intermédiaire du référé-mesures utiles porté devant le juge administratif. L’article L521-3 du Code de Justice Administrative (CJA) dispose en la matière qu’ : « en cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ».

La mise en œuvre d’une telle action supposera toutefois pour l’Etat de démontrer, dans le cadre de la requête :

  • L’urgence,
  • L’utilité de la mesure,
  • Et l’absence de contestation sérieuse.

En l’espèce, l’utilité de la mesure ne fait guère de doute.

Par ailleurs, le résultat du référendum de dimanche sera un élément de poids pour démontrer l’absence de contestation sérieuse, même si des recours en appel sont encore à ce jour envisagés par les opposants au projet.

Enfin, la condition d’urgence est traditionnellement appréciée de manière très restrictive par le juge, et pourrait être la plus difficile à remplir en l’espèce. Si l’Etat choisissait de s’engager dans cette voie, il conviendrait en effet de démontrer l’urgence au titre, le cas échéant :

  • de la sécurité des habitants,
  • de la nécessité d’honorer un engagement contractuel relatif au bien,
  • du fonctionnement d’un service public administratif,
  • de l’affectation urgente du bien à un service public,
  • de la nécessité de disposer immédiatement de la dépendance occupée,
  • ou de l’obstacle à l’usage normal du domaine public.

Ceci supposera donc de disposer d’éléments sérieux à avancer au juge dans une telle action et démontrant l’urgence, pour un projet engagé juridiquement depuis 2008.

Le juge pourra alors, dans les meilleurs délais (Article L511-1 CJA),  et, au besoin, sous astreinte (Article L911-3 CJA), ordonner aux occupants sans titre de libérer les lieux (domaine public occupé) s’il considère que les trois conditions sont remplies.

Le concours de la force publique pourra alors, le cas échéant, être requis pour libérer le site.

2. S'agissant de l'occupation illégale du domaine privé à NDDL

Comme en matière d’occupation sans titre du domaine public, l’Etat (exécutif) ne peut se faire justice seul au nom du principe de séparation des pouvoirs et aura besoin du juge pour libérer les terrains occupés de son domaine privé (le cas échéant).

Il est établi que des relevés d’identité préalables des occupants sont inenvisageables en pratique à NDDL, tant la situation apparaît tendue, ce qui rend sans intérêt les procédures privées de requête à fin de constat, et l’expulsion par voie d’assignation.

Par suite, l'évacuation de terrains du domaine privé occupés illégalement par des personnes non-identifiées s’opère classiquement  par l’intermédiaire du juge judiciaire via une requête à fin d’expulsion présentée devant le Président du Tribunal de grande instance (TGI) du lieu de l’occupation.

L’ordonnance rendue par ce dernier étant exécutoire de plein droit (Article 495 du Code de procédure civile), le concours de la force publique pourra être requis pour obtenir rapidement la libération des lieux après commandement de quitter les lieux signifié par huissier, à défaut d’obtempération des occupants sans titre.

Enfin, la voie pénale pourrait s’envisager dans l’hypothèse d’une violation de domicile avec voie de fait, qui pourrait être caractérisée s’agissant, par exemple, d’occupation illégale de corps de ferme sur site (Article 38 Loi DALO).

***

Si le chiffre de 1.500 CRS mobilisés sur plusieurs semaines pour reprendre possession de la zone est déjà évoqué (BFMTV), le précédent de l'évacuation de l'occupation illicite du "Barrage de SIVENS" incite l'Etat à la plus grande prudence en la matière.
 
De manière traditionnelle, sauf en matière de travaux publics, les juridictions administratives ne peuvent être saisies que par voie de recours formé dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (Article R.421-1 du Code de justice administrative).

Par principe, ce délai de recours contre une décision administrative n’est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision (Article R.421-5 du Code de justice administrative).

A défaut de mentions en ce sens dans la décision, le délai de recours de deux mois n’est pas opposable, c'est-à-dire qu’il ne court pas. Un administré pouvait donc par exemple tout à fait attaquer un acte administratif dix ans après la notification de ce dernier, si l’acte ne mentionnait pas en son sein les voies et délais de recours.

Par une décision de principe du 13 juillet 2016 (n° 387763), le Conseil d’Etat a souhaité encadrer cette situation. Se fondant sur le principe de sécurité juridique, la Haute juridiction a ainsi décidé que le non-respect de l’obligation de porter mention des voies et délais de recours dans les décisions administratives a toujours pour effet de rendre inopposable le délai de recours de deux mois, mais seulement pendant un « délai raisonnable » fixé à un an à compter de la notification de la décision.

Tout recours exercé contre un acte administratif plus d’un an après sa notification sera donc désormais irrecevable, et ce même si l’acte ne mentionne pas en son sein les voies et délais de recours.

On conseillera donc aux particuliers de bien surveiller les mentions portées sur les actes administratifs qui leur sont notifiés, en ne partant plus du principe que l’absence de mention des voies et délais de recours sur ces derniers a pour effet de laisser le délai de recours ouvert ad vitam æternam.

On rappellera enfin aux personnes publiques de bien veiller à faire figurer dans leurs décisions les voies et délais de recours, afin de rendre opposable aux administrés le délai de recours de deux mois : à défaut, une insécurité juridique, certes désormais limitée à un an, sera existante.

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