Élection présidentielle 2017 : comment contester le scrutin ?

mardi, 07 mars 2017 11:02
2017
Candidat parti pour rester, implosion des partis majoritaires, affaires, complots, trahisons, hologramme, la campagne présidentielle de 2017 restera dans les livres d'Histoire comme celle de tous les excès et de tous les possibles. Scrutin suprême, rencontre d'un homme avec la Nation, épicentre de la vie politique française, l'élection présidentielle n'en demeure pas moins, comme tout scrutin, susceptible de recours. Si d'aucuns dénoncent un "gouvernement des juges", le juge électoral reste le garant de la sincérité et de la régularité des opérations électorales et du résultat de l'élection présidentielle (1). D'autres recours sont également ouverts aux électeurs et candidats (2). 

1/ Le contentieux des résultats de l'élection présidentielle

L’article 58 de la Constitution confère compétence au Conseil Constitutionnel pour connaître du contentieux relatif à l’élection présidentielle :

« Le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin. »

Les résultats peuvent être contestés par les électeurs (a), et des requérants particuliers (b), suivants des modalités qui diffèrent.

a) Les recours des électeurs

Tout électeur a le droit de contester la régularité du scrutin en faisant porter au procès-verbal (PV) des opérations de vote mention de sa réclamation, dans les bureaux de vote (Article 30 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001).

Ceci signifie que les requérants-électeurs doivent formuler leurs requêtes le jour du scrutin (au premier et/ou au deuxième tour), dans les bureaux de vote, sans possibilité d’adresser directement leurs protestations électorales au Conseil Constitutionnel.

Par ailleurs, l’intérêt à agir des électeurs est limité aux opérations électorales du bureau de vote où ils sont inscrits.

1500 magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif remplissent les fonctions de délégués du Conseil Constitutionnel le jour des opérations électorales sur tout le territoire, aux fins de transmettre le plus rapidement possible à ce dernier toutes les réclamations déposées par les électeurs. Ce sont eux qu'il faut solliciter.

On encouragera donc les électeurs qui le souhaitent à faire remonter, le plus rapidement possible, toute irrégularité constatée le jour du vote aux assesseurs et/ou délégués du Conseil Constitutionnel présents dans les bureaux de vote.

Le Conseil Constitutionnel statue le plus rapidement possible sur les réclamations qui lui parviennent. Selon la gravité des manquements constatés, il peut procéder à l'annulation totale ou partielle des résultats du bureau de vote concerné.

En matière de contentieux électoral, les manquements sanctionnés sont ceux qui entachent le secret, la liberté et la sincérité du vote.

Ainsi à titre d’exemple de :

  • L’absence de mise à disposition d’isoloirs,
  • L’absence de bulletins de vote d’un ou plusieurs candidats,
  • Les irrégularités de la liste d’émargement,
  • L’opacité de l’urne électorale,
  • Ou encore le dépouillement à huis clos.
Toutefois, l’annulation de l’élection présidentielle ne serait encourue que dans l’hypothèse d’irrégularités d’une telle ampleur, qu’elles renverseraient le résultat du vote : on pense, par exemple, à l’inscription de milliers de faux-électeurs sur les listes électorales.

Au regard du nombre considérable de suffrages qui séparent les candidats à la fonction suprême (1.139.983 voix ont séparé François Hollande de Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle de 2012), le risque est toutefois faible qu’une irrégularité électorale constatée entraîne l’invalidation du scrutin, même si les résultats d’un ou plusieurs bureaux de vote sont invalidés.

Sauf en cas de scrutin très serré et de fraude très importante, il est donc fort peu probable qu’un recours engagé par un électeur conduise à l’annulation des résultats de l’élection présidentielle par le Conseil Constitutionnel.

b) Le recours spécial des requérants particuliers

Deux catégories de requérants particuliers disposent d’un recours spécial (direct) contre le scrutin présidentiel.

En premier lieu, les Préfets peuvent, dans un délai de 48 heures suivant la clôture du scrutin, déférer directement au Conseil constitutionnel les opérations d'une circonscription de vote dans laquelle les conditions et formes légales ou réglementaires n'ont pas été observées (Article 30 alinéa 2 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001).

En deuxième lieu, les candidats (du premier et du second tour) peuvent, dans ce même délai de 48 heures, déférer directement au Conseil constitutionnel l'ensemble des opérations électorales (Article 30 alinéa 3 du décret n°2001-213 du 8 mars 2001).

Là encore, sauf fraude massive et écart de voix infime, on voit mal comment un recours pourrait renverser le résultat de l’élection présidentielle, sans toutefois pouvoir l’exclure.

2/ Les autres recours contre l'élection présidentielle

D’autres recours contre le scrutin présidentiel sont existants, bien qu’ils n’aient aucune incidence directe sur les résultats du vote.

Ainsi, le Conseil Constitutionnel est compétent pour connaître des requêtes dirigées contre le décret de convocation des électeurs pour les opérations électorales. Pour 2017, voir le décret n° 2017-223 du 24 février 2017 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République. S’agissant d’un décret, on retiendra le délai traditionnel de deux mois pour agir (la date du 24 février n’est donc pas anodine). En la matière, seules des erreurs de dates ou de circonscriptions électorales semblent susceptibles de fonder un recours.

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de recours contre la liste officielle des candidats. En la matière, seuls les candidats ayant fait l’objet d’une présentation (et évincés de la course présidentielle) sont habilités à déposer un recours, dans le jour qui suit la publication au Journal officiel de la liste des candidats (au cas présent, jusqu’au 22 mars 2017 à minuit). Les électeurs ne peuvent donc pas contester cette liste. Le plus souvent, c’est le contrôle du nombre et de la validité des parrainages qui sera discuté dans le cadre de ce contentieux. Pour un exemple, voir la décision du Conseil Constitutionnel du 22 mars 2012 portant sur une réclamation présentée par Mme Corinne Lepage.
  
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) s’assure elle du respect par les candidats des règles applicables aux comptes de campagne (notamment le plafonnement des dépenses), et le Conseil constitutionnel a compétence pour connaître des recours déposés par les candidats contre ses décisions. En la matière, les candidats ne peuvent déposer de recours que contre la décision de la Commission portant sur leur propre compte de campagne, et pas celui des autres candidats. Le délai de recours est d’un mois à compter de la décision de la Commission. S’ils constatent, par exemple, un dépassement du plafond autorisé, la CNCCFP et le Conseil Constitutionnel pourront rejeter le compte de campagne, le réformer, ou fixer un montant de remboursement (on se souvient de la célèbre décision de 2013 par laquelle le Conseil Constitutionnel avait validé le rejet par la CNCCFP du compte de campagne du candidat Sarkozy, qui n’avait donc pas pu bénéficier du remboursement étatique forfaitaire de son compte de campagne, suivie du "Sarkothon").

Enfin, les électeurs peuvent adresser librement, et sans formalités particulières, leurs réclamations au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui veille au respect des temps de parole des candidats, et à la Commission des sondages qui comme son nom l'indique, s’assure du respect des strictes règles applicables aux sondages (notamment quant aux périodes de publication).

***

Si l'ensemble de ces recours sont existants, on constate toutefois qu'ils sont peu utilisés pour le scrutin présidentiel. Sans doute le suffrage universel est-il le seul juge de cette élection particulière, ou comme le disait le Général de Gaulle qu'en France, "la Cour suprême, c'est le peuple". 

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Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

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