La crise financière de 2008 et ses retentissements depuis lors (liés aux produits structurés, ou "emprunts toxiques") ont conduit nombre de collectivités à la défiance envers les banques, et à envisager subséquemment la possibilité de se prêter de l'argent entre elles, sans intermédiaire bancaire.
Si la logique d'un tel raisonnement est évidemment compréhensible, ce dernier se heurte toutefois au choc de légalité, et le gestionnaire public doit avoir conscience des risques en la matière.
Par principe, lorsqu’une collectivité territoriale (ou un EPCI, soumis aux mêmes règles de comptabilité publique que les collectivités) souhaite emprunter, elle doit solliciter une banque, et est dans l’impossibilité de solliciter une autre collectivité territoriale.
« Sauf disposition expresse d'une loi de finances, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l'Etat ».
En application de cet article de loi, les collectivités territoriales et leurs regroupements (EPCI) ont l’obligation de déposer leurs fonds libres au Trésor Public, et ne peuvent donc pas prêter leur argent disponible à une autre collectivité territoriale.
« Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel ».
Cet article confère ainsi le monopole des activités de banque habituelles aux établissements de crédit et aux sociétés de financement.
Les prêts entre collectivités territoriales sont également prohibés sur le fondement de l’interdiction constitutionnelle de tutelle d’une collectivité sur une autre (
Article 72 alinéa 5 de la Constitution).
« […] en décidant d'offrir à une catégorie déterminée de collectivités locales, la possibilité de se voir accorder, pour les motifs et dans les conditions ci-dessus rappelés, des prêts avec intérêts, le département doit être regardé comme ayant institué, au sens des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 24 janvier 1984 [loi bancaire] et même en l'absence d'intention spéculative un système lui permettant de se livrer à titre habituel, eu égard au nombre des collectivités susceptibles d'en bénéficier, à des opérations de crédit, auxquelles l'article 10 de cette loi lui interdisait de se livrer […] ».
Ainsi, il doit être déduit des dispositions susvisées, et de leur application jurisprudentielle, que les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent accorder de prêts à d’autres personnes publiques à titre onéreux.
Par exception, la jurisprudence considère toutefois que le prêt entre collectivités territoriales peut être exceptionnellement et ponctuellement autorisé à condition (cumulativement) :
- d’un intérêt public (CE, 31 mai 2000, Ville de Dunkerque, n°170563),
- d’un intérêt propre du bailleur de fonds (pour un exemple, voir CE, 23 mai 1980, Commune d’Evaux-les-Bains, AJDA 1981 p.157),
- que le prêt soit prévu dans le budget de la collectivité qui l’octroie (CAA Marseille, 3 avril 2001, Préfet des Alpes-de-Haute-Provence, n°00MA00371),
- et que le prêt soit effectué à titre gracieux (c'est-à-dire sans intérêts) (circulaire interministérielle du 2 avril 2002, NOR INT/B/02/00089/C)
Par ailleurs, des lois peuvent autoriser ponctuellement les collectivités territoriales à se prêter de l’argent entres elles à condition que l’emprunt finance la réalisation d’équipements communs présentant un intérêt local (exception législative). Ainsi les départements (loi n°50-135 du 31 janvier 1950) et les régions (loi n°72-619 du 5 juillet 1972, codifiée au CGCT) peuvent consentir des prêts aux communes ou à leurs établissements publics à condition que ces prêts concernent des opérations d’équipement communal ou intercommunal présentant un intérêt départemental ou régional.
En aucun cas ces prêts ne peuvent eux-mêmes être financés à l’aide d’emprunts, ce qui conférerait à la collectivité prêteuse un rôle d’intermédiaire bancaire.
On incitera donc les collectivités territoriales à la plus grande prudence en la matière, en respectant les principes structurants sus-rappelés et en envisageant, si nécessaire, d'autres solutions de financement telles que les subventions entre collectivités.
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