Dans le cadre de l’examen du projet de loi Blanquer pour l’école de la confiance, le Sénat a adopté un
amendement visant à interdire les signes religieux ostentatoires lors des sorties scolaires (amendement LR adopté contre l’avis du gouvernement par 186 voix contre 100 et 159 abstentions).
Concrètement, cet amendement tend à interdire aux mamans voilées (comme à toutes les autres religions) d’accompagner une sortie scolaire, si toutefois elles portent le voile pendant la sortie.
Un certain flou juridique règne en effet sur ce sujet en l’état du droit, que l’amendement veut clarifier. En l’absence de texte clair, les juridictions administratives de première instance ont ainsi pris des positions divergentes :
- Le
tribunal administratif de Montreuil a le premier estimé que le
principe de neutralité de l’école laïque faisait obstacle à ce que les parents d’élèves manifestent, dans le cadre de l’accompagnement des sorties scolaires, par leur tenue ou par leur propos, leurs convictions religieuses (tout comme politiques ou philosophiques). Pour le TA de Montreuil, l’interdiction est donc absolue ;
- Le
tribunal administratif de Nice a pour sa part estimé que seules des «
considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service» pouvaient fonder une interdiction d’accompagner une sortie scolaire opposée à un parent manifestant par sa tenue ou par ses propos, des convictions religieuses. Selon le TA de Nice, une interdiction est donc possible, mais elle est relative.
Il faut rappeler que le droit applicable dépend de la qualité du sujet auquel il s’applique. Ainsi, pour rendre sa décision, le TA de Montreuil a regardé juridiquement les parents d’élèves accompagnateurs de sorties scolaires comme des « collaborateurs occasionnels du service public » quand le TA de Nice les a considérés comme des « usagers du service public » (les règles juridiques, notamment de laïcité, étant plus strictes pour le collaborateur occasionnel du service public, qui participe par définition au service, que pour l’usager).
Le Conseil d’État s’est pour sa part prononcé sur le sujet dans le cadre d’un simple
avis en 2013 en indiquant que si les mamans accompagnatrices devaient être considérées juridiquement comme des usagers du service public, les «
exigences liées au bon fonctionnement du service public de l'éducation ou au respect de l'ordre public » pouvaient conduire l'autorité compétente à «
recommander de s'abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ».
En l’état actuel des textes, c’est donc au chef d’établissement d’apprécier au cas par cas s’il convient d’interdire aux mamans voilées d’accompagner une sortie scolaire, mais seulement si des exigences liées au bon fonctionnement du service public ou à l’ordre public le justifient (on pense notamment au prosélytisme).
L’amendement proposé au projet de loi Blanquer aurait pour avantage de clarifier cette question et de décharger les chefs d’établissement du poids de la décision en interdisant purement et simplement tous les signes religieux ostentatoires lors des sorties scolaires.
La nouvelle rédaction de
l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation assimilerait dans ce cadre les parents accompagnateurs de sorties scolaires à des collaborateurs occasionnels du service public qui seraient en tant que tels astreints à une obligation de stricte neutralité.
Bien que le gouvernement se soit prononcé contre cet amendement dans le cadre du débat parlementaire, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait déclaré fin 2017 qu'un parent accompagnant une sortie scolaire devait être considéré comme un «
collaborateur bénévole du service public » et ne devrait «
normalement » pas porter de signe religieux (
BFMTV) ce qui va dans le sens de l’amendement proposé aujourd'hui à son texte.
Ce débat intervient dans le cadre de vives polémiques en matière de laïcité puisque des collectifs de mamans voilées ont déjà fait connaître leur opposition au texte (
France 3) et que des militantes islamistes tentent à Grenoble d’imposer le burkini à la piscine municipale (
Le Figaro).
Il convient désormais d’attendre la fin du débat parlementaire pour savoir si l’amendement en question sera
in fine maintenu.
Interrogées par France 3, des mamans voilées ont indiqué que dans certains quartiers, si l’interdiction du port du voile était appliquée, plus aucune sortie scolaire ne serait matériellement possible.
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