Présider un bureau de vote, être assesseur, siéger en commission d’appel d’offres… certains conseillers municipaux rechignent parfois à exercer ces fonctions qu’ils estiment ingrates. Mais la sanction peut être lourde, puisque la loi prévoit la démission d’office pour les élus locaux réfractaires.
C’est l’
article L. 2121-5 du CGCT qui prévoit que tout membre d'un conseil municipal qui a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois est déclaré démissionnaire d’office (1). Une stricte procédure doit toutefois être respectée (2) et une excuse valable peut permettre d’excuser l’élu (3).
Si les conditions sont réunies, c’est le tribunal administratif qui prononce la démission d’office du conseiller municipal (4) ce qui emportera des conséquences sur le conseil municipal lui-même (5).
1. La démission d’office doit être justifiée par le refus de remplir une des fonctions dévolues par les lois aux conseillers municipaux
La loi considère que certaines fonctions sont inhérentes à la qualité de conseiller municipal, qui ne peut donc pas s’en affranchir. Elles font partie, en quelque sorte, de l’exercice normal de son mandat. Il s’agit principalement des fonctions suivantes :
Le conseiller municipal qui refuse sans excuse valable d’exercer une de ces trois fonctions risque donc la démission d’office.
Mais toutes les fonctions ne sont pas de nature à justifier une telle mesure. Ainsi, n’exposent pas l’élu à la démission d’office :
- Le refus d’assurer une permanence facultative en mairie (CE, 8 juillet 1987, Commune de Vatilieu c/ Gandaubert, n°73215) ;
- Le refus de participer à une cérémonie commémorative (TA Amiens, 18 juillet 2002, commune de Léglantier, n°021245).
Enfin, le fait pour un élu de mal remplir ses fonctions ne justifie pas une démission d’office.
Une stricte procédure doit être respectée avant de déclarer l’élu démissionnaire d’office.
2. La démission d’office doit être précédée du respect d’une stricte procédure
Parce qu’elle emporte des conséquences exceptionnelles, la démission d’office ne peut être constatée qu’au terme d’une stricte procédure. Le maire doit avoir adressé une vraie convocation préalable à chaque conseiller municipal (2.1) et le conseiller municipal doit avoir réellement refusé d’accomplir une des fonctions dévolues par les lois (2.2).
2.1 Le maire doit avoir adressé une vraie convocation préalable à chaque conseiller municipal
En premier lieu, le maire doit avoir régulièrement convoqué le conseiller municipal concerné à accomplir une de ses fonctions. Par exemple, le maire doit avoir concrètement adressé ou remis en main propre un courrier individuel à chaque conseiller municipal de convocation à exercer la fonction d’assesseur lors d’élections à venir. Le caractère impératif de la convocation doit résulter des termes de ce courrier.
Le maire doit être en mesure de prouver la réalité de cet envoi et sa bonne réception par le conseiller municipal, dans un délai raisonnable permettant à l’intéressé de prendre connaissance de la demande et d’y apporter une réponse sérieuse.
La procédure n’est pas respectée si le maire se borne à adresser un vague courrier général à tous les conseillers municipaux leur demandant leur « disponibilité » pour la constitution des bureaux de vote d’une élection à venir (TA Amiens, 6 mai 2004, Commune de Le Hamel). Il va de soi qu’une demande adressée par SMS par le maire serait également aisément contestable.
2.2 Le conseiller municipal doit avoir réellement refusé d’accomplir une des fonctions dévolues par les lois
L'
article L. 2121-5 du CGCT prévoit que le refus du conseiller municipal de remplir une des fonctions dévolues par les lois peut résulter :
- D’une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur (refus express) ;
- Ou d’une abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation (refus implicite).
La première hypothèse ne pose pas de grandes difficultés : le refus du conseiller municipal d’accomplir ses fonctions résulte d’un texte écrit, comme une lettre ou un tract, porté à la connaissance du maire ou du grand public, par quelque moyen que ce soit (courrier postal, courriel, réseaux sociaux, etc.).
La seconde hypothèse, la plus fréquente, est aussi la plus difficile à appréhender : il s’agit de la situation où le conseiller municipal s’abstient de répondre au maire qui l’a régulièrement convoqué pour exercer ses fonctions (silence du conseiller municipal). Dans ce cas de figure, le texte exige que le maire ait adressé un
« avertissement » à l’élu concerné et que ce dernier se soit abstenu de manière persistante d’accomplir ses fonctions malgré cet avertissement. L’exigence de l’avertissement est simple à comprendre, car le texte prévoit que l’abstention doit être
« persistante ». Il faut donc prévenir le destinataire de la possibilité de la mesure avant de pouvoir l’appliquer. L'avertissement constitue une condition substantielle de la mise en œuvre de l'
article L. 2121-5 du CGCT (TA Rouen, 25 octobre 1985, Maire de la commune d'Ezy-sur-Eure). Ici encore, le maire doit être en capacité de prouver la réalité de l’avertissement adressé au conseiller municipal et sa bonne réception par ce dernier. Les termes de l’avertissement ne doivent pas être ambigus et mentionner clairement l’obligation d’accomplir les fonctions et la sanction de démission d’office applicable (
CE, 20 février 1985, Behuret, n°62778).
L’avertissement préalable à la mesure ne se confond pas avec la convocation initialement adressée au conseiller municipal : il faut donc deux envois. L’avertissement doit par ailleurs être adressé dans un délai raisonnable c’est-à-dire permettant encore à l’intéressé d’exercer sa fonction (et pas la veille du scrutin ou de la réunion de la commission d’appel d’offres à 22H). Enfin, la procédure n’est pas respectée si le maire prend par exemple acte du refus tacite d’un de ses conseillers d’exercer une de ses fonctions et désigne un autre conseiller à la place pour ce faire.
3. Une excuse valable peut permettre d’excuser l’élu
Ont été jugées comme des excuses valables à ce titre :
- Une pathologie médicale sérieuse et établie par un certificat médical (CAA Paris, 1er décembre 1998, Maire de Nogent-sur-Marne, n°97PA02557) ;
À l’inverse, ne constituent pas des excuses valables à ce titre :
- Des certificats médicaux postérieurs ;
- Un refus de vaccination.
Si les conditions sont réunies, c’est le tribunal administratif qui prononce la démission d’office du conseiller municipal.
4. C’est le tribunal administratif qui prononce la démission d’office du conseiller municipal
La démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif.
Le maire ne peut donc pas lui-même prononcer la démission d’office de son conseiller municipal et doit obligatoirement saisir à cet effet le juge administratif dans le strict délai d'un mois à compter du refus du conseiller municipal, à peine de déchéance. L’habilitation du conseil municipal à cet effet n’est pas nécessaire, s’agissant d’un pouvoir propre.
Le tribunal administratif dispose alors d’un délai d’un mois pour statuer, faute de quoi il est automatiquement dessaisi. Le maire a dans cette hypothèse un nouveau délai d'un mois pour saisir la cour administrative d'appel de cette même procédure.
Lorsque le tribunal administratif prononce la démission d'un conseiller municipal, le greffier en chef en informe l'intéressé en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois pour se pourvoir devant la cour administrative d'appel, qui juge alors en trois mois.
La démission d’office du conseiller municipal déclarée par le tribunal administratif emportera des conséquences.
5. Les conséquences de la démission d’office du conseiller municipal
Dès lors qu’il est déclaré démissionnaire d’office par le tribunal administratif, le conseiller municipal démissionnaire ne peut plus participer aux séances du conseil municipal. Son siège devient donc vacant au sein du conseil municipal.
Les conséquences diffèrent suivant la densité de la commune :
- Dans les communes de plus de 1 000 habitants, le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit (
article L. 270 du code électoral) ;
- Dans les communes de moins de 1 000 habitants, lorsque le conseil municipal a perdu, par l'effet des vacances survenues, le tiers ou plus de ses membres, ou qu'il compte moins de cinq membres il est, dans le délai de trois mois à dater de la dernière vacance, procédé à des élections complémentaires. Toutefois, à partir du 1er janvier de l'année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, les élections complémentaires ne sont obligatoires qu'au cas où le conseil municipal a perdu la moitié ou plus de ses membres ou qu'il compte moins de quatre membres (
article L. 258 du code électoral).
Enfin, si le conseiller municipal avait également un mandat de conseiller communautaire, sa démission d’office entraînera également la déchéance de ce second mandat (mais pas l’inverse).
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Textes de référence :
« Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif.
Le refus résulte soit d'une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation.
Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an ».
« Dans les cas prévus à l'article L. 2121-5, la démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif.
Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 saisit dans le délai d'un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif.
Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. Le greffier en chef en informe le maire en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois, à peine de déchéance, pour saisir la cour administrative d'appel.
Lorsque le tribunal administratif prononce la démission d'un conseiller municipal, le greffier en chef en informe l'intéressé en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois pour se pourvoir devant la cour administrative d'appel.
La contestation est instruite et jugée sans frais par la cour administrative d'appel dans le délai de trois mois ».
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