De nombreux gilets jaunes blessés par des tirs de lanceur de balles de défense (LBD) ont fait connaître leur intention d’engager la responsabilité de l’État afin d’obtenir réparation.
La règle est très simple : engager la responsabilité de l’État pour un tir malheureux de LBD suppose de démontrer une faute du tireur, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. Mais la plupart des commentateurs oublient une dernière étape du raisonnement : même dans l’hypothèse d’une faute de sa part, l’État peut être exonéré de responsabilité s’il est démontré une faute de la victime, ou si cette dernière s’est elle-même placée en situation de risque accepté lors de la survenance du dommage.
Force est de constater que certains gilets jaunes comme l’emblématique Jérôme Rodriguez ont été blessés depuis le début de la crise sociale, et que leur préjudice est directement lié à un tir de LBD.
Toutefois, la faute de l’État, qui ne peut résulter que d’une violation des conditions d’engagement par le tireur ou d’un défaut de formation préalable à cette arme par le service, sera le plus souvent écartée puisque la plupart des tirs de LBD ont été réguliers face à des individus ultra-violents. Ces tirs constituaient ainsi le plus souvent une réponse
« proportionnée » à la violence déployée par les émeutiers, dans une situation
« d’absolue nécessité » conformément aux conditions d’engagement de l’
article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure.
L’utilisation de cette arme, qui constitue un intermédiaire indispensable avant l’arme létale a d’ailleurs été validée par principe par le Conseil d’État dans
une décision très récente.
Dans de rares cas, certains tirs pourraient néanmoins être considérés comme fautifs, dans la confusion de samedis de grande tension. Mais même dans cette hypothèse, et alors même que les trois conditions traditionnelles d’engagement de sa responsabilité seraient remplies, l’État n’aurait pas grand-chose à craindre.
De jurisprudence constante, la victime d’un fait dommageable imputable à l’administration n’a en effet aucun droit à réparation si elle était en situation illégitime, c’est à dire illégale, lors de la survenance du dommage (
CE, 7 mars 1980, SARL cinq-sept). En outre, le préjudice résultant d’une situation à laquelle la victime s’est sciemment exposée, c’est-à-dire la situation de risque accepté, ne lui ouvre pas de droit à réparation (
CE, 10 juillet 1996, Meunier).
La faute de la victime ou l’exception de risque accepté sera ainsi facilement opposable aux gilets jaunes participant à des attroupements interdits, comme sur les Champs-Élysées, ou qui se sont rendus coupables de violences envers les forces de l’ordre. Mais plus encore, la jurisprudence administrative a déjà reconnu par le passé que le simple fait de se trouver au sein d’un attroupement interdit, sans même commettre de violences, et de rester à proximité des auteurs de violences sans s’en éloigner constitue une faute de nature à exonérer l’État de responsabilité, au moins partiellement (
TA Nantes, 28 novembre 2016, n°1403983 ;
CAA Nantes, 5 juillet 2018, n°17NT00411 - arrêts concernant spécifiquement l’usage de LBD).
Il est facile pour certains gilets jaunes de faire beaucoup de bruit médiatique autour de blessures de LBD, en omettant leur propre responsabilité. Mais il leur sera bien plus délicat d’obtenir une quelconque réparation devant la justice administrative compte tenu de leur position fautive lors de la survenance du dommage.
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