Le « roi des forains » Marcel Campion a
menacé de « bloquer Paris » à compter de ce lundi 6 novembre 2017 si la mairie ne revenait pas sur sa décision de lui interdire l’installation du marché de Noël sur les Champs-Elysées cette année.
Au-delà du simple fait que la menace n’est jamais une méthode acceptable de résolution des différends (d’autant plus face à une personne publique), M. Campion est particulièrement mal-fondé à exiger de la Ville de Paris qu’elle revienne sur sa décision en la matière.
En effet, l’installation du village de Noël sur la partie basse des Champs-Elysées à Paris (entre le rond-point Marcel Dassault et la place de la Concorde) constitue juridiquement une occupation temporaire du domaine public.
Cette convention a été conclue pour une durée de 2 ans, renouvelable par décision expresse de l’autorité administrative deux fois maximum, pour la même durée.
Or force est de constater que le « roi des forains » ne peut aujourd’hui se prévaloir d’aucun droit acquis à l’installation du marché de Noël sur l’avenue des Champs-Elysées.
En premier lieu, il est constant qu’aucune décision expresse de la Ville de Paris n’est venue renouveler expressément la convention conclue le 12 octobre 2015 : au terme des deux premières années d’exécution, et à défaut de reconduction expresse, la convention est donc devenue caduque le 12 octobre 2017.
En deuxième lieu, par une
délibération du 5 juillet 2017 votée à l'unanimité, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal a émis le vœu que la convention conclue avec les forains ne soit pas renouvelée au terme des deux premières années d’exécution. Ce vœu a été entériné par Madame le maire de Paris, qui s’est abstenue de renouveler ladite convention.
Enfin, en dernier lieu, il n’y a pas l’ombre d’un doute sur le caractère juridiquement temporaire, précaire et révocable de toute convention d’occupation du domaine public. Le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPP) dispose ainsi que :
- L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire (A.L.2122-2 CGPP),
- L'autorisation d’occupation du domaine public présente un caractère précaire et révocable (A.L.2122-3 CGPP).
Le non-renouvellement d’une convention d’occupation du domaine public n’est ainsi jamais une sanction infligée au cocontractant, mais un pouvoir légitime de la personne publique qui reste toujours maître de la gestion de son domaine. Dès lors, de jurisprudence constante, il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d'autorisation d’occupation n'ont pas de droit acquis au renouvellement de leur titre (CE, 14 octobre 1991, n°
95857), et que la personne publique peut toujours s’opposer au renouvellement pour motif d’intérêt général (CE, 25 janvier 2017, Commune de Port-Vendres, n°
395314).
Coutumier des actions « coup de poing », le « roi des forains » Marcel Campion menace aujourd’hui de bloquer Paris, et d’installer de force son marché de Noël, estimant subir un important préjudice. Mais il confond faveur et droit acquis : c’est une erreur à la fois économique et juridique que d'escompter un chiffre d’affaires sur la reconduction d’une convention d’occupation du domaine public, par définition toujours incertaine. Il lui sera par ailleurs rappelé qu’un rapport provisoire de la Chambre régionale d’Île-de-France a très récemment étrillé sa gestion du marché de Noël de Paris entre 2010 et 2016, relevant
« une gestion émaillée de nombreuses irrégularités, (qui) paraît échapper aux lois de la concurrence tout en ne fournissant que des revenus modestes au budget de Paris » (
Le Point).
Il est donc clair que le "roi des forains" ne dispose à ce jour d'aucun titre l'habilitant à occuper l'avenue des Champs-Elysées avec son marché de Noël. Or nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public (
A.L.2122-1 CGPP). Dans l’hypothèse où Marcel Campion installerait, malgré tout, son marché de force sur la plus belle avenue du monde, il se rendrait coupable d’une occupation sans titre du domaine public, justifiant une saisine en urgence par l’autorité administrative du juge des référés qui ordonnera son expulsion sans délai (
A.L.521-3 CJA).
Nous ne pouvons donc que le lui déconseiller.
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