Comment l’IVG a été intégrée dans la Constitution française

vendredi, 01 mars 2024 16:37
Untitled 1Au lendemain de la décision historique de la Cour suprême des Etats-Unis mettant fin à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) comme droit fédéral le 24 juin 2022 (Dobbs v. Jackson Women's Health Organization, 597 U.S. 2022) le Président de la République française a souhaité inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution.

Quelle procédure a été suivie en la matière ?

Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française implique de réviser, c’est-à-dire modifier, le texte suprême. Cette procédure est très encadrée. La Constitution est un texte solennel qui ne doit en effet pas être modifié trop fréquemment et qui prévoit donc des limites procédurales.

Ces limites procédurales sont prévues pour éviter que le texte suprême soit modifié trop souvent, au gré des circonstances, comme l’avait théorisé Montesquieu « Il est parfois nécessaire de changer certaines lois mais le cas est rare, et lorsqu'il arrive, il ne faut y toucher que d'une main tremblante ».

C’est l’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui organise la procédure de révision constitutionnelle avec 3 étapes :

  • L’initiative,
  • L’examen parlementaire,
  • Et l’approbation définitive.
Première étape, l'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement, c’est-à-dire à chaque parlementaire.

S‘agissant de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, après une première initiative parlementaire infructueuse, le texte a fait l’objet d’un projet de loi constitutionnelle délibéré en conseil des ministres le 12 décembre 2023 après avis du Conseil d’État.

L’initiative d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française provient donc de l’exécutif, sous la présidence d’Emmanuel Macron : on parle d'un projet de loi constitutionnelle.

Depuis 1958, les 24 révisions constitutionnelles étaient des projets de loi constitutionnelle à l’initiative du pouvoir exécutif.

La rédaction retenue pour le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’IVG est la suivante :

Après le dix‑septième alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une IVG. »

Deuxième étape, le projet de loi constitutionnelle doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. Ceci signifie que l’Assemblée nationale et le Sénat doivent s’entendre sur un texte identique, à la virgule près et qu’une majorité doit se dégager au sein de chaque assemblée pour voter le texte.

Le groupe Renaissance ayant perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale lors du récent scrutin législatif et n’ayant pas la majorité au Sénat, une majorité doit être recherchée au sein de chaque assemblée sur le texte, avec une coalition indispensable avec d’autres groupes parlementaires.

La procédure de la commission mixte paritaire, qui est fréquemment utilisée en cas de désaccord entre les deux chambres lors de l’examen d’un texte ordinaire est interdite pour une révision constitutionnelle. Le texte doit donc faire la navette autant que nécessaire entre les deux chambres jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé, ou que le désaccord soit acté et que la procédure s’arrête.

Le 30 janvier 2024, les députés ont adopté le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’IVG sans modification.

Le texte a été adopté dans les mêmes conditions le 28 février 2024 par les sénateurs.

Un accord a donc été trouvé par les deux chambres du Parlement sur ce texte.

Troisième et dernière étape, la révision constitutionnelle doit être adoptée définitivement. Deux procédures existent dans la Constitution : le référendum ou le Congrès, c’est-à-dire la réunion de l’ensemble des parlementaires à Versailles, dans l’hémicycle de l’aile du Midi du château.

Puisque l’inscription de la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution émane de l’exécutif, le Président de la République dispose d’un droit d’option : il peut soumettre le texte à référendum ou réunir le Congrès à Versailles pour le voter.

À la suite du vote concordant des deux assemblées sur le projet de loi constitutionnelle, le Président a convoqué le Congrès à Versailles pour le lundi 4 mars 2024.

Conformément à l’article 89 de la Constitution, un vote des 3/5e du Congrès devra entériner l’inscription de la liberté de recourir à l’IVG au sein de l’article 34 la Constitution. Il y a 577 députés et 348 sénateurs. Le seuil de révision de la Constitution par le Congrès est donc fixé à 555 parlementaires au moins.

Si l’accord est trouvé au Congrès, l’inscription de la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution sera définitive. Seule une nouvelle révision constitutionnelle inverse pourrait la défaire à l’avenir.

Sous la Ve République, le référendum constituant n’a été utilisé qu’une seule fois en 2000 afin de faire passer le mandat présidentiel à cinq ans (quinquennat).

Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française implique donc une procédure longue en trois étapes avec de multiples acteurs institutionnels devant tous donner leur accord et disposant chacun d’un droit de blocage : chaque chambre du Parlement et surtout les membres de l’opposition, ainsi que le Président de la République.

D’autres sujets pourraient à l’avenir donner lieu à une révision constitutionnelle sous le second quinquennat d’Emmanuel Macron : le statut de la Corse, la fin du droit du sol à Mayotte, l’extension du champ du référendum, etc.

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Pierrick Gardien

Pierrick Gardien

Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon

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