Certains exploitants agricoles souhaitent développer une activité accessoire de gîtes et chambres d’hôtes afin de bénéficier d’un complément de revenus en se positionnant sur le tourisme vert. C’est une diversification intéressante qui présente également l’avantage de valoriser l’exploitation. Mais est-ce toujours possible ?
Ce n’est que par exception qu’une activité de gîtes ou de chambres d’hôtes peut être autorisée en zone agricole, car il ne s’agit pas de sa vocation principale.
L’hypothèse est en général celle de la transformation d'anciens locaux agricoles situés dans une exploitation existante en gîtes ou chambres d’hôtes (souvent par changement de destination) ou l’extension du corps d’habitation de l’exploitation à vocation de gîtes ou de chambres d’hôtes après obtention d’une autorisation d’urbanisme à cet effet.
Les textes d’urbanisme applicables retiennent souvent la formule « lié à l’exploitation agricole » pour autoriser par exception une activité de gîtes ou de chambres d’hôtes en zone agricole. Si le lien avec l’exploitation agricole n’est pas démontré, alors l’activité accessoire ne sera pas autorisée.
Il faut donc bien comprendre ce que signifie un gîte ou une chambre d’hôtes lié à une exploitation agricole, car cette formulation est ambiguë.
Le ministre de l’Équipement, des transports et du logement a apporté la première réponse suivante sur le sujet en 2002
[1] :
« L'article R. 123-7 nouveau du code de l'urbanisme prévoit que, dans les zones agricoles dorénavant dites zones « A », « seules sont autorisées les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole ». Ces dispositions n'excluent pas la réalisation d'aménagements accessoires tels que des gîtes ruraux, un local sur le lieu de l'exploitation pour permettre la vente des produits de la ferme..., dans la mesure où ces activités sont directement liées à l'exploitation agricole et en demeurent l'accessoire. Ainsi, la transformation d'anciens locaux agricoles situés dans une exploitation existante demeure possible. En revanche, le réaménagement des bâtiments après la cessation de l'activité de l'exploitation agricole aboutit à créer, en réalité, un hameau nouveau non agricole et n'est possible qu'après classement de ce hameau dans une zone naturelle « N », adaptée à ce type d'aménagement. »
« Lié à l’exploitation agricole » signifie donc ici, pour le ministre, l’accessoire d’une exploitation agricole.
Dans le cadre d’autres réponses ministérielles, le ministre de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a précisé en 2006
[2] puis en 2015
[3] sur le sujet que
« l'opération ne (doit pas) compromettre l'activité agricole ou la qualité paysagère du site ».
L’activité doit donc être l’accessoire d’une exploitation agricole et ne pas compromettre cette activité ou la qualité paysagère du site.
La justice administrative a également été conduite à traiter le point, à l’occasion de litiges dont elle était saisie.
En 2007, le Conseil d’État a jugé illégal un permis de construire portant sur la construction d’un gîte rural au sein d’une exploitation agricole. Ce projet n’a pas été considéré comme nécessaire à une exploitation agricole, quand bien même les ressources procurées par ce gîte auraient été utiles, voire indispensables, à l’équilibre économique de l’exploitation
[4] :
« Considérant qu'alors même que les ressources procurées par un gîte rural seraient utiles, voire indispensables, à l'équilibre économique d'une exploitation agricole, la construction d'un édifice hôtelier ne peut être regardée comme nécessaire à cette exploitation au sens du code de l'urbanisme »
Cette jurisprudence de la plus haute juridiction administrative française fragilise considérablement la lecture suivant laquelle le lien à l’exploitation agricole pourrait être un lien strictement économique : pour le Conseil d’État, ce n’est pas le sens consacré au sens des textes applicables en matière d’urbanisme. Il s’agissait, dans le cas d’espèce, de la construction d’un gîte rural avec une activité principale d’éleveur de brebis et d’agneaux et de production de fruits et de légumes.
L’opération ne doit donc pas être strictement économique pour l’exploitation agricole.
En 2008, le ministre de l’Agriculture a encore précisé :
« il ne suffit pas qu’une construction soit liée à l’activité agricole pour qu’elle soit autorisée dans ces zones, il faut encore qu’elle soit nécessaire à l’exploitation et que son implantation soit liée au type d’exploitation. Le fait que la législation autorise les agriculteurs à diversifier leurs exploitations ne conduit pas à autoriser la construction, par des agriculteurs, de bâtiments qui ne sont pas affectés à l’exploitation agricole dans ces zones »[5].
Pour aller plus loin, l’article L. 311-1 du code rural définit comme agricoles « toutes les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ».
La Cour de cassation a pu considérer sur cette base que, lorsque la prestation se limite à l’hébergement et bien que le gîte soit installé dans les locaux d’une ferme, l’exploitation agricole n’est pas le support de cette structure d’activité touristique
[6] :
« attendu que la cour d'appel, ayant constaté que la prestation des époux X... envers leurs locataires se limitait à l'hébergement, a pu en déduire, bien que le gîte soit installé dans les locaux de la ferme, que l'exploitation agricole n'était pas le support de cette structure d'accueil touristique au sens de l'article 1144.1° du Code rural ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision »
Le lien avec l’exploitation doit donc s’entendre comme fonctionnel, c’est-à-dire que le gîte ou la chambre d’hôtes doit être le prolongement de l’exploitation agricole, en restant son accessoire.
Au sens du droit de l’urbanisme, le gîte ou la chambre d’hôtes doit donc rester le prétexte à accueillir des visiteurs sur l’exploitation pour la leur faire découvrir ou commercialiser ses produits, sans avoir de vocation propre d’hôtellerie dépourvue de tout lien avec l’exploitation.
Le fait d’avoir la qualité d’exploitant agricole ne suffit pas pour justifier d’un gîte ou de chambres d’hôtes sur son exploitation agricole : il doit y avoir une complémentarité entre l’activité de gîte rural ou de chambre d’hôtes et l’activité de l’exploitant agricole, qui doit pouvoir être démontrée au besoin.
L’opération ne doit enfin pas être strictement économique pour l’exploitation agricole pour pouvoir être autorisée.
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La lecture consacrée en la matière est nationale, avec le ministre et les juridictions.
Mais chaque commune ou intercommunalité peut décider dans le cadre de son propre document d’urbanisme d’adopter une lecture plus souple ou plus sévère, suivant les particularismes locaux.
Il est donc indispensable d’étudier les textes d’urbanisme applicables dans la zone concernée avant d’envisager développer une activité accessoire de gîtes et chambres d’hôtes liés à une exploitation agricole.
[1] Réponse ministérielle à question écrite n° 38140 (M. Dupont) JO Sénat Q 2 mai 2002, p. 1305
[2] Réponse du Ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, JO Sénat du 19/01/2006, p. 174
[3] Réponse ministérielle à question écrite n° 80006 (M. Breton) JOAN Q 29 septembre 2015, p. 7434
[4] CE, 14 février 2007, n° 282398
[5] Rép. Min à la QE n°12448 –JOAN 15 janvier 2008 page 351
[6] Cour de Cassation, 21 novembre 1996, n° 94- 21765 MSA / Epoux Bauchau
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