Par une ordonnance du 30 août 2022, le Conseil d’État a validé l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen vers le Maroc qui avait été décidée par le ministre de l’Intérieur.
En première instance, le tribunal administratif de Paris avait suspendu l’exécution de cette mesure d’éloignement au nom du droit à mener une vie familiale normale, compte tenu des nombreuses attaches en France de l'imam.
Mais le Conseil d’État a retenu une position inverse et plus sévère lui permettant de valider l’expulsion de l’imam.
Saisi d’un litige relatif à une mesure d’expulsion du territoire français, le juge administratif doit concilier les exigences de la protection de la sûreté de l’État et de la sécurité publique avec la liberté fondamentale que constitue le droit à mener une vie familiale normale.
Le juge doit donc procéder à une analyse en deux temps :
Le juge doit donc se livrer à une conciliation des impératifs de l’ordre public avec la protection nécessaire des libertés fondamentales.
En premier lieu, de nombreux motifs d’expulsion avaient été avancés par le ministre de l’Intérieur pour justifier l’éloignement de l’imam Iquioussen. Comme les premiers juges, le Conseil d’État ne les a toutefois pas tous retenus.
Le Conseil d’État a retenu contre l’imam Iquioussen :
Ces motifs constituent précisément des « actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » permettant d’expulser un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans, sur le fondement des articles L631-1 et L631-3 du CESEDA. Le Conseil d'État juge donc que l’imam doit être expulsé du territoire national sur ce fondement. Les motifs d'éloignement retenus par le Conseil d'État contre l'imam Iquioussen sont donc assez similaires à ceux retenus en première instance par le tribunal administratif de Paris.
En revanche, le Conseil d’État n’a pas retenu contre l’imam Iquioussen :
Comme le tribunal administratif de Paris, le Conseil d'État a considéré que ces éléments avancés par le ministre de l’Intérieur ne pouvaient pas être retenus contre l'imam Iquioussen, car ils n’étaient étayés par aucune pièce du dossier.
En second lieu, le Conseil d'État a retenu une appréciation opposée aux premiers juges sur le droit de l'imam à mener une vie familiale normale. Ce droit peut faire obstacle à l'éloignement nonobstant le trouble à l'ordre public, ce qu'avait jugé le tribunal administratif de Paris qui avait souligné que l’imam avait 5 enfants en France, de nationalité française et 15 petits-enfants.
Le tribunal administratif de Paris avait ainsi fait prévaloir en référé le droit à mener une vie familiale normale de l’imam Iquioussen sur les impératifs de protection de l’ordre public.
Mais le Conseil d'État a retenu une appréciation opposée sur la base des éléments suivants :
Dans ces conditions, selon le Conseil d'État, la décision d’expulsion n’apparaît pas manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise (la protection de l'ordre public).
Saisi de la situation de l’imam Iquioussen, le Conseil d’État a donc considéré que les exigences de la protection de la sûreté de l’État et de la sécurité publique devaient prévaloir en l’espèce sur la liberté fondamentale que constitue le droit à mener une vie familiale normale.
La mesure d’expulsion de l’imam est justifiée, selon le Conseil d’État, par les actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, à savoir les propos antisémites et misogynes de l’imam.
C’est donc une position plus sévère que les premiers juges qu’a retenue le Conseil d’État, en faisant prévaloir les exigences de la protection de la sûreté de l’État et de la sécurité publique sur la liberté fondamentale que constitue le droit à mener une vie familiale normale s’agissant de l’imam Iquioussen.
L’expulsion de l’imam du territoire national devrait donc intervenir prochainement suite à cette validation par le Conseil d’État.
Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon
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