Alors que ce week-end a marqué une nouvelle étape dans l'escalade du conflit israélo-palestinien, le maire de Nice Christian ESTROSI a choisi d'afficher ostensiblement son soutien à l'État d'Israël au fronton de la mairie, en y apposant le drapeau de l'État hébreu :
Mais est-ce bien légal ?
En la matière, la position de la justice administrative est très claire puisque, par un arrêt de principe « Commune de Sainte-Anne » du 27 juillet 2005 (n°
259806), le Conseil d’État a décidé que :
« (...) le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques (...) »
Cette décision du Conseil d’État avait été rendue à propos d’un drapeau indépendantiste martiniquais apposé d'ailleurs sur la façade d’une mairie et a été réaffirmée par la suite par le Ministre de l’Intérieur en 2010 dans le cadre d’une
réponse ministérielle :
« L'apposition de banderoles de revendication sur des édifices publics (...) est contraire à ce principe (de neutralité) (...) Il revient au responsable des bâtiments concernés de faire retirer ces banderoles, le cas échéant, sous le contrôle du juge administratif. »
L’initiative prise par le maire de Nice apparaît donc contestable.
En effet, la décision susvisée du Conseil d’Etat, ainsi que la législation et la réglementation s’appliquent à tous les édifices publics, donc à toutes les mairies de France.
La mairie de Nice est donc tenue, comme tout édifice public, au strict respect du principe de neutralité. Il est par conséquent interdit d’apposer sur sa façade des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques, conformément à la position constante du Conseil d’État.
Pour se défendre, le maire de Nice pourrait arguer que le drapeau israélien ne symbolise pas par lui-même la revendication d'opinions politiques. Il arrive en effet à certaines mairies d'arborer un drapeau étranger lors de commémorations, ou pour célébrer un jumelage avec une ville étrangère. Mais le juge administratif n'a pas pour habitude de décontextualiser les cas d'espèce présentés devant lui, et le maire de Nice a publiquement indiqué que l'apposition du drapeau de l'État hébreu était lié au "terrorisme du Hamas". Il y a donc fort à parier que le juge administratif, saisi en référé par tout habitant de la Ville ou par le Préfet, enjoindrait donc au maire de Nice de retirer sans délai le drapeau israélien de la façade de la mairie.
Libre à chacun de penser ce qu'il veut du conflit israélo-palestinien et de prendre parti. Mais la façade d'une mairie n'est pas le lieu adéquat pour prendre position compte tenu du principe de neutralité applicable aux édifices publics. C'est ce principe essentiel qui protège nos bâtiments publics de toute récupération politique, philosophique ou religieuse pour les consacrer à l'intérêt général. Et c'est très bien ainsi.