Inutile d’entretenir un suspens artificiel, pour le Conseil d’État, c’est non. C’est à l’occasion d’un litige relatif à l’acquisition de la nationalité française que la Haute juridiction administrative française a eu l’occasion de se prononcer sur le sujet, le 11 avril 2018 (n°
412462).
Les faits sont les suivants : une ressortissante algérienne qui sollicitait l’acquisition de la nationalité française par mariage a refusé de serrer la main du secrétaire général de la préfecture ainsi que celle d'un élu d'une commune du département qui étaient tous deux venus l'accueillir lors de la cérémonie d'accueil dans la nationalité française organisée à la préfecture de l'Isère. Elle a par la suite indiqué que ce refus était motivé par ses convictions religieuses.
Dans ces circonstances, le Premier ministre s'est opposé par décret à l'acquisition de la nationalité française par l’intéressée, sur le fondement de l’
article 21-4 du Code civil, au motif que le comportement de cette dernière empêchait qu'elle puisse être regardée comme assimilée à la communauté française.
Saisi au contentieux d’un recours en excès de pouvoir contre le décret du Premier ministre, le Conseil d’État a donné raison au chef du gouvernement, estimant qu’il avait fait une juste application des dispositions de l'
article 21-4 du Code civil, lequel dispose que :
" Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'État, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 (...) "
Selon le Conseil d’État, ce refus du Premier ministre :
- N'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté religieuse de l'intéressée,
- Ne méconnaît pas l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat,
- Et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
On retiendra donc que le Conseil d’État considère que le refus pour une femme de serrer la main d’un homme pour des raisons religieuses est un obstacle à son assimilation à la communauté française et donc à l’acquisition de la nationalité française. Cette décision doit être saluée comme celle d’une République qui ne transige pas sur ses règles élémentaires de vivre ensemble, telle que l’égalité entre les hommes et les femmes.
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