Le dimanche 27 août 2023, le ministre de l'Éducation nationale a annoncé son intention d’interdire l’abaya à l’école. Le lendemain, Gabriel Attal a précisé que cette interdiction sera formalisée dans une note de service en déclarant
« Un point de la circulaire publiée l'an dernier nécessite d'être précisé, sur la question du port de l'abaya et du qamis, et donc il y aura une note de service qui viendra préciser ce point ».
Mais qu’est-ce qu’une note de service d’un ministre et un recours contentieux est-il recevable contre un tel texte ?
« De minimis non curat praetor » est un célèbre adage latin qui signifie que la loi et par extension le juge ne se soucient pas des petites choses. Il n’est en effet pas possible de saisir la justice contre tous les actes juridiques, sinon les tribunaux seraient débordés. Des règles de recevabilité sont donc posées qui tiennent compte de la nature du texte. Ces règles sont importantes, car si un recours n’est pas recevable, le fond du dossier, c’est-à-dire la question principale posée au juge, ne sera pas examiné par ce dernier.
Le recours administratif est fermé contre les textes de faible importance ou qui ne font pas grief comme la mesure d’ordre intérieur
[1] ou la circulaire non impérative par exemple
[2].
La note de service est un véhicule juridique permettant à un chef de service comme le ministre de l'Éducation nationale d’adresser des consignes à ses agents, c’est-à-dire des règles à respecter par ses destinataires. Il peut s’agir par exemple de critères à prendre en compte pour une demande de mutation, de préciser les modalités de déroulement d’un examen professionnel, de rappeler les orientations ministérielles arrêtées pour une rentrée scolaire, etc. Une note de service peut servir à préciser les dispositions d'une précédente circulaire.
Le juge administratif a déjà été saisi de la question de la recevabilité d’un recours contentieux dirigé contre une note de service. Pour se défendre dans le cadre d’un recours dirigé contre une de ses notes de service, un ministre avait en effet opposé une fin de non-recevoir en indiquant au juge que ce texte de faible importance ne faisait pas grief et était donc insusceptible de recours contentieux.
Le Conseil d’État a tranché le point de la recevabilité du recours dirigé contre une note de service par une jurisprudence de principe. À l'instar de son raisonnement en matière de circulaires, le juge administratif a décidé que le recours contre une note de service était recevable si elle contenait des dispositions impératives
[3].
Il faut donc retenir que la note de service contenant des dispositions impératives est un acte susceptible d'être contesté devant le juge administratif.
À l’inverse, si la note de service ne contient aucune mesure impérative, ce qui est le cas par exemple si un ministre se contente de rappeler l’état du droit applicable sur un sujet sans ajout ni interprétation supplémentaire, le recours ne sera pas ouvert.
Sur le sujet de l’abaya à l’école, il est certain que le ministre de l'Éducation nationale ne se contentera pas de rappeler l’état du droit applicable, c’est-à-dire la loi du 15 mars 2004, mais adressera des consignes impératives à ses agents comme il l’a annoncé. La note de service à intervenir devra donc être regardée comme impérative, ce qui rendra recevable un recours contentieux dirigé à son encontre.
C’est le Conseil d’État qui sera compétent pour statuer en premier et dernier ressort en la matière, s’agissant d’un texte ministériel de portée générale et nationale
[4].
Pour résumer, un recours contre la note de service du ministre de l'Éducation nationale sur le sujet de l’abaya à l’école porté devant le Conseil d’État sera donc recevable sur le principe. Sous réserve toutefois de l’examen d’autres règles de recevabilité par le juge comme la question du délai ou encore de l’intérêt à agir, avant l’examen du fond du dossier…
[1] CE Ass. 14 décembre 2007 Planchenault n°290420 ; CE Ass. 14 décembre 2007 Garde des Sceaux ministre de la Justice c/ Boussouar n°290730
[2] CE, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n°233618 ; CE, 12 juin 2020, Groupe d’information et de soutien des immigrés, n°418142
[3] CE, 13 octobre 2008, n°312088
[4] Article R. 311-1 code de justice administrative