Le Conseil constitutionnel coche toutes ces cases. Il a été créé en 1958 en même temps que la Constitution de la Ve République dont il est le gardien. Il présente toutes les garanties nécessaires à son indépendance.
L’indépendance du Conseil constitutionnel est parfaitement garantie par sa composition, puisque c’est un organe collégial de neuf membres. Si son Président a voix prépondérante en cas de partage, il ne décide pas seul de la position prise par le Conseil, votée en collégialité.
Le mandat des Sages dure neuf ans et n’est pas renouvelable[1] ce qui est un gage supplémentaire d’indépendance. La durée des fonctions excède en effet le quinquennat présidentiel et le Sage nommé n’a pas d’intérêt à chercher à plaire à l’autorité de nomination puisque ses fonctions ne peuvent pas être renouvelées.
De plus, le pouvoir de nomination est dilué, c’est-à-dire que ce n’est pas la même personne qui nomme tous les membres du Conseil constitutionnel, mais trois autorités différentes, à savoir le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat qui nomment chacun trois membres[2]. Le Conseil n’est donc à la main ni à l’image de personne, d’autant plus qu’il n’est jamais intégralement renouvelé, mais que le renouvellement des membres s’opère par tiers tous les trois ans.
Avant d’entrer en fonction, les Sages jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil[3]. Il existe tellement d’incompatibilités de fonctions fixées par les textes[4], que les Sages doivent en pratique se consacrer uniquement à leur mandat pendant neuf ans, sans faire de politique. En cas de difficulté, la démission d’office d’un membre peut être votée en interne[5].
Certains de ses détracteurs soulignent une composition politique du Conseil constitutionnel. Il est vrai que des politiques siègent en son sein : Laurent Fabius nommé par François Hollande, Alain Juppé nommé par Richard Ferrand, Jacques Mézard et Jacqueline Gourault nommés par Emmanuel Macron. Mais ces politiques, qui ne représentent pas la majorité des Sages, représentent des sensibilités politiques différentes : le parti socialiste, les républicains, le parti radical de gauche et la République en marche. De plus, un membre du Conseil constitutionnel qui s’estimerait en situation de conflit d’intérêts, pour une loi qu’il aurait déjà eu à connaître en tant que ministre par exemple, dispose toujours de la possibilité de se déporter, c’est-à-dire de ne pas siéger lors de la séance portant sur cette loi.
La politisation du Conseil constitutionnel pourrait davantage résulter du fait que les anciens Présidents de la République en sont membres de droit à vie[6], mais la pratique a montré qu’ils s’abstenaient pour la plupart d’y siéger. Les anciens Présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande ne siégeront ainsi pas vendredi 14 avril 2023 pour la séance sur la réforme des retraites.
Les Sages de la rue Montpensier jugent en droit et ne s’occupent pas de politique, leur contrôle de la norme inférieure par rapport à la norme supérieure est dit « abstrait » c’est-à-dire de droit pur. Ils doivent ainsi confronter les dispositions législatives aux droits et libertés que la Constitution garantit, à savoir depuis 1971[7] la Constitution du 4 octobre 1958, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et la Charte de l'environnement de 2004.
Il ne leur appartient donc pas de statuer en opportunité, même si leurs décisions peuvent se teinter de conséquentialisme : « Nous prenons nos décisions sur une base juridique d'abord, mais tout en regardant leurs conséquences » a ainsi pu déclarer le Président Laurent Fabius au journal Le Monde le 18 avril 2016.
Enfin, le Conseil constitutionnel est un organe indépendant des deux ordres juridictionnels, puisque ses décisions s'imposent aux pouvoirs publics, même au Président de la République et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours[8].
L’Histoire a montré qu’il n’existe pas d’alternative sérieuse : le contrôle de constitutionnalité direct par les citoyens proposé dans la période révolutionnaire est inapplicable en pratique et populiste ; le contrôle par un organe politique comme le Sénat conservateur de la Constitution de l’an VIII et du Second Empire est biaisé par sa partialité.
Le système juridictionnel mis en place en 1958 est donc le plus efficace, dans le respect de l’État de droit. La Constitution de la Ve République garantit l’indépendance absolue de ses gardiens, qu’importe le sujet traité, et tout le reste est littérature.
[1] Article 56 de la Constitution
[2] Article 56 de la Constitution
[3] Article 3 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
[4] Article 57 de la Constitution, Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, Décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel
[5] Article 8 du Décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel
[6] Article 56 de la Constitution
[7] Conseil Constitutionnel, Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971
Avocat Droit Public
Enseignant aux Universités de Lyon
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